À propos de Tota llengua fa foc (Messatges 17). Jordi Pere Cerdà et Robert Lafont : une amitié, un dialogue entre Occitans et Catalans

Marie Grau

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Marie Grau, « À propos de Tota llengua fa foc (Messatges 17). Jordi Pere Cerdà et Robert Lafont : une amitié, un dialogue entre Occitans et Catalans », Plumas [En ligne], 3 | 2023, mis en ligne le 09 juin 2023, consulté le 01 mai 2024. URL : https://plumas.occitanica.eu/837

Jordi Pere Cerdà et Robert Lafont se sont connus en 1951, à l'occasion de la Bataille du Livre. Commence une amitié entre deux poètes pareillement « engagés », politiquement et esthétiquement. L'édition de Tota llengua fa foc (1955), et Pausa cerdana (1962) en sont deux témoignages. Mais ce sont aussi deux moments d'un dialogue entre l'occitanisme assuré de ses bases théoriques et de ses buts que représente Lafont, et un catalanisme qui se cherche. C'est dans le Mouvement laïque pour les cultures régionales, au stage pédagogique de Marly-le-Roi (1959) que Cerdà rejoint complètement les positions de son ami. Ainsi naitra, en 1960, le Grup Rossellonès d'Estudis Catalans qui s'inspire des thèses et des méthodes de l'occitanisme militant de l'IEO.

Jordi Pere Cerdà e Robert Lafont se coneguèron en 1951, a l'escasença de la Bataille du Livre. Comença una amistat entre dos poètas totes dos « engatjats », politicament e esteticament. L'edicion de Tota llengua fa foc (1955), e Pausa cerdana (1962) ne son dos testimònis. Mas son tanben dos moments d'un dialòg entre l’occitanisme assegurat de sas basas teoricas e de sas amiras que representa Lafont, e un catalanisme que se cèrca. Es dins lo Moviment laïc per las culturas regionalas, a l’estagi pedagogic de Marly-le-Roi (1959) que Cerdà rejonh complètament las posicions de son amic. Aital nais, en 1960, lo Grup Rossellonès d'Estudis Catalans que s'inspira de las tèsis e dels metòds de l'occitanisme militant de l'IEO.

Jordi Pere Cerdà and Robert Lafont met in 1951, during the Battle of the Book, the beginning of a friendship between two poets equally "committed", politically and aesthetically. The publication of Tota llengua fa foc (1955) and Pausa cerdana (1962) are two testimonies to this friendship. The works are also two moments of dialogue between Occitanism assured of its theoretical bases and goals, represented by Lafont, and a Catalanism searching for definition. It was in the Mouvement laïque pour les cultures régionales, specifically at the pedagogical workshop in Marly-le-Roi (1959), that Cerdà completely aligned with the positions of his friend. Thus, in 1960, was born the Grup Rossellonès d'Estudis Catalans, inspired by the theses and methods of the militant occitanism of the IEO.

Circonstances d’une rencontre

Robert Lafont et Jordi Pere Cerdà (nom de plume d’Antoine Cayrol) auraient pu se rencontrer le 2 juin 1945 aux Jeux Floraux du Genêt d'Or1. Robert Lafont, profitant d'un séjour à Perpignan2, y assistait, en curieux ou en observateur (on lui doit dans La Tramontane3 un banal compte-rendu de la séance4). Jordi Pere Cerdà, qui n'était pas encore Jordi Pere Cerdà, venait recueillir un prix, son premier, pour « Cançó de pastor »5, un poème qui manifestait selon le rapporteur du concours6, « més bona volontat que traça » [plus de bonne volonté que d'habileté] et qu'il ne reprendra pas dans son Obra poètica. Les Jeux Floraux, qui n'avaient pas été célébrés en 1944 « en raison des circonstances politiques », reprenaient là discrètement, dans un lieu (la salle Arago) et dans des conditions (« une aimable manifestation presque intime ») telles qu'on imagine mal qu'ils ne se soient pas vus. Mais ils ne se sont pas remarqués.

Quelques mois plus tard, le 11 novembre, Lafont est à nouveau à Perpignan pour une autre manifestation catalane. En commémoration du centenaire de Jacint Verdaguer, une plaque est apposée sur la maison de son fidèle ami roussillonnais Justin Pepratx :

En aquesta casa de Justí Pepratx, traductor de L'Atlàntida, habitava quan venia a Perpinyà, mossèn Jacint Verdaguer, poeta nacional de Catalunya.

[Dans cette maison de Justin Pepratx, traducteur de L'Atlantida, résidait lors de ses séjours à Perpignan, Jacint Verdaguer, poète national de Catalunya].

Cette fois Lafont participe. Il représente René Nelli « conseiller de l'Institut d'Études Occitanes, président de la SEO », empêché, dont il lit l'allocution :

Plan leu, acò ço qu'esperam, Barcelona, Perpinhan e Tolosa, la man dins la man, bastiran, dins la serenitat, l'edifici de la frairetat miechterrana e umana. E sera, acò, lo pus bel omenatge que poguessem somniar a la memoria del gran Verdaguer7.

[Bientôt, nous l’espérons, Barcelone, Perpignan, et Toulouse, la main dans la main, bâtiront, dans la sérénité, l’édifice de la fraternité méditerranéenne et humaine. Et ce sera là le plus bel hommage que nous puissions rêver à la mémoire du grand Verdaguer.]

Le rédacteur de La Tramontane désigne Lafont comme un « poète provençal ». Cerdà, qui ne descend guère de sa Cerdagne, est absent. Robert Lafont date leur première rencontre du 18 novembre 1951 :

amb Castan e Allièr, de la Batalla del Libre8, a laquala devi lo rencontre, mercant per una vida, de Jordi Pere Cerdà9.

[avec Castan et Allier, de la Bataille du Livre, à laquelle je dois la rencontre, marquante pour toute une vie, de Jordi-Pere Cerdà]

Cerdà est moins catégorique :

No puc precisar a quin moment es fa el meu encontre amb els occitans. Em sembla que era fet, ja, quan ens vàrem trobar a la Bataille-du-Livre10.

[Je ne peux préciser à quel moment se fait ma rencontre avec les Occitans. Il me semble qu’elle avait eu lieu, déjà, quand nous nous sommes rencontrés à la Bataille du livre]

et il ne cite pas nommément Robert Lafont.

Premiers dialogues littéraires

Admettons avec Claire Torreilles que

Lo dialòg comença dins la revista Oc en 1950 ont son publicats de cotria tres romances de Lafont e tres poèmas de Cerdà11.

[Le dialogue commence dans la revue Oc en 1950 où sont publiés ensemble trois romances de Lafont et trois poèmes de Cerdà].

Les trois poèmes (« Sus d'un paper gris », « Amistat del món », « A vora de la casa ), qui n'ont été repris ni dans Tota llengua fa foc ni dans l'Obra poètica, marquent une nette rupture par rapport à ceux de son premier recueil La Guatlla i la garba12 et des concours de Jeux Floraux. Si l'on reconnaît la métrique des chansons et des corrandes, si l'on est toujours dans la nature et la géographie cerdanes, avec ces pendus aux arbres comme des fruits agités par le vent (« els que van penjar / als arbres, com fruits / que el vent feia anar »13), ce sang qui coule dans les ornières du chemin (« els que van morir / esgotant llur sang / pels recs del camí »), et l'Espagne où l'on meurt de faim à la porte du mas (« A la porta de la casa / l'Espanya és un fruit estès / un fruit i la gent hi moren / moren de fam pels carrers »), on est loin désormais des innocents refrains de berger.

Peu importe le détail chronologique. La Bataille du livre est plus qu'une simple date, et plus qu'une pure propagande communiste (comme disent les Renseignements Généraux qui les suivent de très près). Les récits autobiographiques – tardifs – de Lafont et Cerdà dépassent les souvenirs personnels pour ressaisir, par-delà l'événement, l'esprit d'un temps où s'enracinent l'occitanisme d'une part, le renouvellement du catalanisme roussillonnais d'autre part, deux causes qui se rencontrent et s'entrelacent à travers les contacts personnels, les connivences idéologiques, ou parfois les tensions. Et ce qui sera à tous deux leur posture d'écrivain, esthétique et militante.

Dans son émouvante contribution au Colloque Jordi Pere Cerdà14, Lafont retrace sa découverte de la Catalogne : un poème de Jacint Verdaguer, Pons que lui firent découvrir ses ainés occitanistes, le son de la cobla, les paysages de Cerdagne… Tout cela lui faisait espérer « une grande voix », et ce fut celle qui lui arriva par la bouche de Jordi Pere Cerdà à la séance de la Bataille de Livre :

Elle proclama « O món » [Ô Monde] et « Entremig de totes les terres » [Au milieu de toutes les terres]15. Je reçus ces poèmes en pleine face et en plein cœur. Il manquait à ma géopolitique de saisir la terre entière, d'y placer des peuples, et de parler d'aujourd'hui. C'était fait par Cerdà. Sa poésie disait et possédait l'espace humain depuis un haut lieu d'espace naturel16.

Ce n'est pas la géopoétique que lui évoque la nature cerdane, mais la géopolitique, par la force des vers d'un autodidacte qui n'avait pour ainsi dire jamais quitté sa montagne – sauf que son bout du monde de montagne était la frontière entre fascisme et antifascisme, c'est-à-dire entre les guerres, mondiale, froide, anticoloniales, c'est-à-dire le monde entier. Une révélation :

Vaquí la nòstra poësia, que non pas una aplicacion de l'art oratori [...] mai un troç de flamba que viu en toti e que lo poëta deliura per la paraula17.

[Voilà notre poésie, qui n’est pas une application de l’art oratoire […] mais un peu de cette flamme qui vit en tous et que le poète libère par la parole.]

Deux ans plus tard, à la suite du compte-rendu que Bernard Lesfargues avait donné du Campestre d’amor e de guerra de Felix Castan, Lafont suscite dans Oc une discussion sur la poésie engagée, une notion de brûlante actualité dans la littérature française issue de la Résistance. Cerdà y prend part, approuvant Lafont de

posar d'entrada el problema al seu nivell : la valor o no de la llengua (d'Oc o Catalana) com a mitjà. I en aquet punt poderiem dir que es veu l'aportació del tema polític en el desenvolupament de la llengua, perquè el poeta es troba davant d'una matèria que resisteix i el seu esforç va per plegar-la18.

[placer d’entrée le problème à son niveau : la valeur ou non de la langue (d’Oc ou catalane) comme moyen. Et sur ce point, nous pourrions dire que l’on voit ce que le thème politique apporte au développement de la langue, parce que le poète se trouve devant une matière qui résiste et qu'il doit s'efforcer de plier].

À son tour, le Cerdan a besoin de Robert Lafont, pas pour s'expliquer l'engagement, mais pour penser ce que l'engagement fait à la poésie et la langue elle-même. Et dans le miroir lafontien, évaluer son propre « effort ».

Ils l'ont affirmé, chacun à sa manière : leur rencontre a été un événement central dans leur vie. L'amitié personnelle, les promenades en Cerdagne, viendront plus tard, et Pausa cerdana. Pour commencer, Cerdà, qui ne distingue pas toujours Lafont du petit groupe qu'il appelle « les Occitans », s'affilie à l'IEO (1951), s'abonne à Oc, y publie, suit de près les productions littéraires et de loin, car il assiste rarement aux réunions, les discussions théoriques.

Lafont éditeur de Tota llengua fa foc

Lafont sera l'éditeur de Tota llengua fa foc, comme Max Rouquette l'avait été des Poésies catalanes de Josep Sebastià Pons19, mais dans des conditions toute différentes. Treize numéros de Messatges ont déjà paru quand arrive le tour de Cerdà, et le programme pour ces années 1954-1955 est particulièrement chargé, notamment avec « les trois Gascons » (Manciet, Ravier, Bec) dont la publication est un enjeu important pour Oc, puisqu'il s'agit d'élargir son domaine au-delà du Languedoc. La place du catalan est à négocier et les affaires d'Oc ne sont pas simples, comme il le dit timidement : « je me sens un peu perdu dans votre organisation ». Les documents dont nous disposons20 ne permettent pas d'y voir beaucoup plus clair.

On ne sait pas avec qui ni comment s'est décidée l'édition de Tota llengua fa foc. Girard ? Castan ? En tout cas pas avec Lafont. C'est Cerdà qui semble au contraire lui en faire l'annonce : « dans quelques mois j'espère une plaquette paraîtra dans Messages [sic] “Tota llenya fa foc” ». Cette lettre non datée, où il répond à une sollicitation de Lafont, ne peut pas être postérieure à 1953. Et elle est certainement la première qu'il lui envoie car il le vouvoie encore. C'est ensuite à Ismaël Girard que s'adresse Cerdà, inquiet de n'avoir pas de nouvelles de « notre projet “Tota llenya fa foc” » qui semble pourtant assez avancé :

Je ne sais plus rien de notre projet “Tota llenya fa foc”. J'ai montré à Castan lors de son voyage les copies des poëmes qui lui ont plu. J'ai envoyé à M. Segond mon accord sur le prix. Sans doute est-ce trop d'exigence de ma part, je sais bien que la parution des trois gascons vous préoccupe et (Castan m'en a parlé) qu'à ce sujet vous faites un gros effort sur toute une région. Je voudrais bien malgré tout avoir une réponse définitive de “Messatges”, une date approximative de parution – enfin une partie des bulletins de souscription pour les insérer dans La Tramontane.

et il ajoute un post-scriptum : « J'ai réfléchi à ma signature et je choisis de prendre définitivement mon vrai nom : Antoine Cayrol.»21 La réponse arrive par Lafont, à qui donc Girard a transmis la lettre de Cerdà et vraisemblablement le manuscrit. À partir de là, Lafont est bien désigné comme l'éditeur du recueil.

Je pense que tu as le manuscrit en main, j'espère qu'il ne t'aura pas déçu. Je l'avais envoyé très rapidement à Castan avec une mauvaise présentation qui est peut-être gênante pour le lire. Dans le poème de Rosenberg, j'ai supprimé deux lignes finales22. Castan que j'ai vu à Noël m'a conseillé de les remettre. (20 avril 1954)

En septembre, l'affaire est bien avancée. Du moins Cerdà a-t-il reçu les bulletins de souscription, où le titre prévu a été modifié sans son avis :

Il y a une erreur sur le titre « Tota llenya fa foc » – tout bois fait du feu – est devenu pour le bulletin de souscription « Tota llengua fa foc ». Ce changement pour intéressant qu'il m'ait paru ne convient pas à ma position. Il est trop catégorique [?] et un peu doctrinal. Il n'y aurait pas de mal je pense à remettre le titre initial. (14 septembre 1954)

La formule tota llenya fa foc combine deux expressions idiomatiques, l'une catalane (tota llenya [li] fa feix = tout bois [lui] fait fagot), l'autre française (faire feu de tout bois). La substitution de llengua à llenya en fausse le sens. Doit-on entendre que pour lui ce ne serait pas à la langue occitane ou catalane de faire feu, mais au bois de son engagement personnel ? Telle serait la « position » qu'il oppose à une « doctrine » qu'il identifie d'autant mieux qu'il semblait l'avoir faite sienne dans son commentaire de la Bataille du livre : « l’efficacité politique des langues régionales, la raison de l’enseignement de ces langues »23. Veut-il dire alors que la revendication politique de la langue ne lui paraît plus d'actualité en 1954, pour des motifs tout aussi politiques – en l'occurrence partisans, que Lafont ne manquera pas de relever dans le commentaire de Tota llengua qu'il donne aux Cahiers du Sud24. Il est clair en tout cas qu'il ne s'agit pas d'une erreur de lecture ou de composition25, mais d'une intervention délibérée de Lafont. Quoiqu'il en soit, la réclamation arrivait trop tard, les bulletins étant déjà imprimés.

Parution et réception de l’ouvrage

Le Messatges 17, achevé d'imprimer fin décembre 1954, parait au début de 1955. C'est un recueil bilingue de poésies catalanes, entaché d'occitanismes graphiques, sous une page de titre qui convient moins à l'auteur qu'à l'idée que l'éditeur s'en fait et se fait de la collection. Les frais d'impression ont été couverts par Cerdà pour un coût de 35 000 f.

L’ouvrage est présenté par Andrée-Paule Lafont dans la revue Oc26. La future autrice de l’Anthologie de la poésie occitane préfacée par Aragon, dans laquelle sont intégrés les Catalans Pons et Cerdà et Brazès27, revient explicitement à la « poésie engagée », concluant en quelque sorte la discussion lancée par Lafont :

Çò que remiram dans JP Cerdà es aquela totalitat que fai que l'òme comunista pensent e agissent au nivèu di determinacions de l'esperit e dau cor, es tamben l'òme di vielhs mits […] fargant dins la matèria elegida per si sòmis la dicha mai elaborada de son pensament politic. Tant va que Cerdà nos porgis l'ocasion de tornar a un di grans problemas de l'epòca : lo de la natura poëtica d'una literatura de l'engatjament28.

[Ce que nous admirons dans JP Cerdà c’est cette totalité qui fait que l'homme communiste pensant et agissant au niveau des déterminations de l'esprit et du cœur, est aussi l'homme des vieux mythes […] forgeant dans la matière choisie pour ses rêves l’expression la plus élaborée de sa pensée politique. Au point que Cerdà nous offre l'occasion de revenir à l’un des grands problèmes de l'époque : celui de la nature poétique d'une littérature de l'engagement.]

Là est la place de Tota llengua fa foc dans la collection Messatges, exemplaire de l'ambition littéraire de cette nouvelle génération de poètes d'oc, « a la crosada de la fe politica e de la sentida dau païs » [au croisement de la foi politique et de la conscience du pays], enracinés dans « la frairetat primiera, la frairetat occitana, coma i a dins Cerdà una frairetat catalana » [dans la fraternité première, la fraternité occitane, comme il y a chez Cerdà une fraternité catalane]. Certainement, la fraternité de Cerdà n'est pas une abstraite « frairetat umana, dau sens dau combat collectiu » [une fraternité humaine au sens du combat collectif]; elle serait plutôt et d'abord pour lui un mode de présence au monde :

O món,
trobo fraternals
l'herba i el forment,
la dona de poble,
l'obrer de la fàbrica
(O món)

O monde,
je trouve fraternels
l'herbe et le froment
la femme du peuple
l'ouvrier d'usine,
(O monde)29

C'est bien cependant dans et depuis son pays et, comme il dit, sa (ou notre) « société » qu'il parle. Mais son pays, c'est la haute vallée du Sègre par où remonte la douleur de l'Espagne

País estrany enfront del meu,
… l'àliga núvol
carregat de dolor,
pujant el seu vaixell
sobre el mirall del Segre
(Davant del cel)

Pays étrange face au mien
l'aigle nuage
remontant comme un vaisseau
sur le miroir du Sègre
(Devant le ciel)

Et si dans Tota llengua fa foc, l'on sent vibrer une fraternité, au sens charnel de compassion, elle va aux victimes de la guerre civile. Car son pays, c'est aussi Puigcerdà, la capitale, le marché où se retrouvent tous les Cerdans, d'Espagne comme de France. Et le bombardement de la ville par l'aviation italienne, le 23 janvier 1938, c'est encore sa Cerdagne telle qu'il la montrera en 1959 à Robert Lafont, lors du séjour qui donnera prétexte à Pausa cerdana : « Vint anys ençà que Puigcerdà cremava / un rèiregost d'encendi entristesís la voluptat dei sabas »30 [Il y a vingt ans que Puigcerdà brûlait / un arrière-goût d'incendie attriste la volupté des sèves].

Témoignage de la fécondité du dialogue entre les deux écrivains, Pausa cerdana31 peut se lire encore comme une réponse à Tota llengua fa foc : Lafont y rappelle des images, des formules poétiques, et par-dessus tout le souvenir du « crime » qui a donné son nom à la frontière, ce « fiu de sang me cordura lei bocas » [fil de sang [qui lui] coud les lèvres] lorsqu'il veut composer le poème que lui inspire l'harmonie du paysage. La Cerdagne ne se laisse pas chanter avec de la rhétorique, ni dans un souffle paysan, et n'y suffirait pas une « lenga de soleu ». La Cerdagne n'est pas un pays, mais cette « terre haute » qu'il n'aurait pas pu comprendre sans Cerdà, « cette terre haute qui est comme toutes les terres, au centre du monde, et d'où le monde se laisse découvrir jusqu'en son fond, jusqu'en son sens »32. C'est le lieu de « Aici siam. La poesia nos vai nàisser » [Nous voilà et la poésie va naître]. Et pour tous ceux qui se reconnaissent dans ce « nous », il signe : « Vaquí. En l'an cinquanta nòu dau segle / ieu poeta occitan signe ».

Cerdà lecteur de Lafont : la poésie expression d’une commune attention à la réalité sociale

À son tour, Jordi Pere Cerdà a commenté Robert Lafont33. Dans Dire, il retrouve l'Orientacion de 1952, et les discussions qui s'en étaient suivies. Il y cherche son Tota llengua fa foc, lui qui a besoin du regard et des mots de Lafont pour parler de sa poésie ; il y évalue sa place dans « l'aventure commune », comme Dire fait de son auteur « el testimoni del nostre dinamisme col·lectiu, per atènyer una realitat nova, la del nostre país actual » [le témoin de notre dynamisme collectif, pour atteindre une réalité nouvelle, celle de notre pays aujourd'hui]

Provant de copsar una realitat social [Lafont] és portat a canviar les formes i emprar el poema llarg, sostenint-lo amb una ampla matèria humana i poètica, sortint-nos així del poema curt, centrat sobre un tema esquifit que era fins ara, amb poquíssimes excepcions, la mida general de la nostra poesia34.

[Essayant de saisir une réalité sociale [Lafont] est amené à changer les formes et à utiliser le poème long, qu’il soutient par une ample matière humaine et poétique ; il nous délivre ainsi du poème court, centré sur un thème étroit qui était jusqu'à présent, à très peu d’exceptions près, la norme de notre poésie]

La « réalité sociale » et la « matière humaine » – la réalité des guerres (et du capitalisme) qui bouleversent les pays et les hommes, la matière de l'expérience vécue en première personne – font éclater les formes, les mesures, les images, le langage poétique même. Il faudrait citer bien sûr « O món » qui avait tant impressionné Lafont, le plus long (111 vers), tout en ruptures de ton, de rythmes, de mètres, en prosaïsmes parfois, tout emporté par un souffle qu'Andioc35, pensant à Neruda avait dit « épique ».

Oh món,

Avui el respirar dels pobles és tan gran
que glateix contra meu ajagut dins la prada,
i, encara que em tapés les orelles, el sento;
el meu ritme s'ajunta amb el seu, triomfant.

O monde

Aujourd'hui si profonde est la respiration des peuples
qu'elle bat contre moi couché dans la prairie,
j'aurai beau fermer mes oreilles, j'entends ;
mon rythme se joint au sien triomphant

Em recorda...
la derrota, a ma boca tapava els meus vint anys.
[…]
Em recorda...
Espanya venia de finar… exsangüe.
Del clot que França li cavava,
sobresortia
un cos
atroçment present
Desplegant llagues en bandera
al cap d'una aspa de cadàvers,
un poble ingressava
a l'infern del calabós.

Em recorda…
Era l’any quaranta.

Il me souvient…
La défaite bâillonnait mes vingt ans dans ma gorge.
[…]
Je me souviens…
L'Espagne venait d'expirer… exsangue.
De la fosse creusée par nous
ressortait
un corps
d'une atroce présence.
Déployant ses blessures en bannière
sur une hampe de cadavres
un peuple pénétrait
l'enfer du cachot.

Je me souviens…
c'était l'an quarante.

[…]
Llavors en la bosa de cendres arcadura electrucutada
la brase d'una llengua s'assajà en parla muda.
Llavors en la pell de la Pàtria com tabal rebentat
venes noves lligaren filbastes de sang fresca.
Llavors la muntanya aixecà torres de voluntat.
Llavors se sobreposà a la vila una altra vila.
Llavors la cara es doblà d'una cara de nit.

Llavors la pell de cada obrer revestí un soldat.
Jo vaig entrar dins l'arbre com un ocell dins el fullam,
i vaig sentir la força dels seus brancs
a dins dels braços i en el cos,
i vaig sentir la saba barrejant-se amb ma sang
Tingué la vida en el niu calent de mes mans;
la vida tenia la cara del poble
i del seu combat.

[…]
Alors dans cette bouche de cendre aux arcs électrocutés
la braise d'une langue entreprit un langage muet.
Alors sous la peau de la patrie crevée comme un tambour
de nouvelles veines lièrent la chaine du sang frais
Alors la montagne dressa ses tours de volonté.
Alors une ville cachée se superposa à la ville.

Alors le visage se doubla d'un masque de nuit.

Alors la peau de chaque ouvrier revêtit un soldat.
J'entrai dans l'arbre comme un oiseau dans le feuillage
et je sentis la force de ses branches
dans mes bras dans mon corps
de sa sève se pénétrait mon sang.
Je tins la vie dans le nid chaud de mes mains
la vie avait le visage peuple
et de son combat.

et, rupture encore, l'ironie et le prosaïsme d'une image de roman-photo pour décrire au bout du monde le petit bureau du maire de Saillagouse

roses de paper
santa de guix
en un saló burgès i tricolorat
d'un cantó de província
amb folres de dues cares
pel representant continu de la republica
i de l'Estat Francès
(O món)

roses en papier
sainte de plâtre
dans un salon bourgeois et tricolore
d'un canton de province
aux housses à deux visages
du représentant de la République
et de l'Etat français36

Il faudrait citer « Entremig de totes les terres », pour la « visió del món, la situació seva davant la societat i la carta política mundial » [la vision du monde, la situation devant la société et la carte mondiale]. Et montrer que c'est une exigence “morale”, intime, qui porte le poète « vers l'ample poema, d'inspiració i de tècnica, talment és clar, que és el verb interior el que crea la forma on s'expressarà » [vers le poème ample, par son inspiration et sa technique, tant il est clair que c'est le verbe intérieur qui crée la forme dans laquelle il s'exprimera ».

On és Barcelona, Capital !
on polsa al viu un cor de milions d'homes,
tibant la pell del silenci
fins a regantar
en la gargamella del món
un sanglot de ràbia
i una glopada de sang.
On és Corea, llombrígol sangonós
que alliçonem de civilització.
On és l'Iran, els vapors de benzina

On són Vietnam, terra del cautxú,
Madagascar, on maduren pels arbres
cadàvers de malgaixes,

On és Paris.
On són Londres, Nova York,
rostres reixats amb el fum de les fàbriques
tirat com una xarxa
sobre el poble treballador que atabalen
el brunziment dels avions,
tibant els cables d'acer d'una capital a l'altra,
i les ràdios pels carrers
repicant el verí de la mentida,
amanint-la amb un ritme de jazz.

Où est Barcelone, Capitale !
où palpite le cœur de millions d'hommes,
forçant la peau du silence
jusqu'à vomir
dans la gorge du monde
un sanglot rageur
et une gorgée de sang
Où est la Corée, nombril saignant
à qui nous enseignons la civilisation.
Où est l'Iran, les vapeurs de benzine

Où sont le Viet-Nam, terre du caoutchouc,
Madagascar où mûrissent aux arbres
les cadavres malgaches

Où est Paris
où sont Londres, New-York,
visages tissés aux fumées des usines
jetées comme un filet
sur le monde du travail, que trouble
le ronflement des avions
tendant les câbles d'acier d'une capitale à l'autre,
la radio dans les rues
assénant le venin du mensonge
assaisonné de jazz.

Cerdà peut encore, puisqu'il ne manque pas non plus de « poèmes courts » dans Tota llengua, reconnaître dans Dire « aqueixa interpenetració de la natura per l'home » [cette interpénétration de la nature par l'homme]

Una viola malmesa per la nit
assaja un pas en un crestat d'ortigues,
i en la gerdor d'aquell coixí espinós
quatre pedretes morades fan brillar
la riquesa de viure.
Jo que les veig,
que les oloro,
de tot mi
cribell travessat
pel vent de primavera,
crido els altres al meu goig.
(Pasqua clara)

Une violette malmenée par la nuit
essaye sa marche sur une crête d'orties ;
sous le vert de ce coussin d'épines
quatre pierres précieuses font briller
la richesse du vivre.
Moi qui les vois
qui les respire
de fond de moi,
criblé, traversé
par le vent du printemps
j'appelle les autres à ma joie.
(Claires Pâques)

Cerdà note aussi, non sans une certaine gourmandise, l'usage que Lafont fait du « romance ». « Amb el Romance, que afecciona en Lafont, trobem una altra forma de la nostra poesia o millor del nostre cançoner » [Avec le romance qu'affectionne Lafont, on trouve une autre forme de notre poésie, ou mieux encore de notre chansonnier].

S'il a délibérément abandonné les corrandes, les airs et les chansons si présents dans son précédent recueil, ce n'est pas par dédain. Parallèlement, dans ces années 50, il poursuit un travail de collecte de chansons populaires, pour le plaisir musical, et pour la richesse qu'il y découvre, d'une langue, d'un imaginaire, d'une verve et d'une invention narrative que le canon poétique floralesque a occultées. Du romance, il en a parlé, en folkloriste ou en amoureux de la chanson populaire37, il n'en crée pas. Il admire cependant Lafont d'avoir su en revivifier la forme, non pas « com una reminiscència sinó com una terma que comprova el camí pres i ens assegura del devenir. » [non pas comme une réminiscence, mais comme une borne qui balise le chemin et indique sûrement la direction de l'avenir]. Le recours au romance n'est pas alors un retour nostalgique ou érudit au passé, mais une ouverture vers une poésie nouvelle, en ce qu'il dégage du chemin le poids mort de l'héritage renaixentiste ou mistralien.

« Poc a poc el camí es va fent » [Peu à peu, le chemin se fait].

Le chemin qu'a parcouru Lafont depuis Paraules au vièlh silenci (Messatges 4) jusqu'à ce Dire (òbras 4) commence à Pons (Messatges 1). Dans toute cette « espellida », cette floraison de poètes occitans qu'emmène la collection Messatges, il faut identifier une « génération de Pons », qui avance comme Lafont, sur une ligne de crête entre deux mouvements : le catalan et le provençal : « el moviment català, però també el moviment provençal ».

Le catalan, c'est Pons dont explicitement les occitan(iste)s font un modèle, « lo poeta mai gran , et de luonh qu'avem agut despuei Mistral »38, parce que sa poésie en quelque sorte réalise la rencontre exemplaire d'une pratique de la langue (le catalan épuré, normé, unifié de l'Institut d'Estudis Catalans, modèle de la réforme alibertienne), d'une inspiration poétique méridionale, méditerranéenne ou latine (dont les références vont de Virgile à Moréas, en passant par Maragall) et de l'enracinement terrien dans son lieu natal. Et aussi, ne l'oublions pas, parce que Pons, durant son long séjour à Montpellier, a trouvé un réseau d'amis avec qui il a partagé paysages et poésies, parce qu'il s'y est fait des disciples admiratifs qu'il n'avait pas eu l'occasion de se faire en Roussillon.

Le provençal, Cerdà qui à vrai dire n'a guère de culture littéraire de ce côté-là, le passe par son prisme politique : “de droite”, conservateur, antirépublicain, etc. Provençal tout ce qui conserve la langue au service d'une politique réactionnaire, au lieu de la servir et de la faire vivre « dins l’engatjament el dia al dia, polític i social de la nació francesa » [dans l'engagement au jour le jour, politique et social de la nation française]. Et il n'a pas manqué de voir – justement dans cette « sensualité hellénique », dans cette « sagesse » panthéiste du poète retranché hors du monde, hors du temps d'aujourd'hui dans sa « vall closa »39 – une influence maurrassienne que Pons devrait à sa formation intellectuelle40.

Pour J. P. Cerdà, la poésie de Pons pouvait très bien s'inscrire dans un “régionalisme” tout à fait compatible avec la politique culturelle de Vichy, de sorte que s'il faut en effet la prendre en compte comme une « borne » dans le mouvement littéraire occitan et catalan, elle n'indique pas le chemin de l'avenir, mais la fin d'une époque. Il peut faire crédit à Lafont d'avoir su combiner deux conceptions de la poésie, le lyrisme contemplatif ponsien et le « drame » d'une poésie qui se veut en prise sur la réalité sociale, il n'en reste pas moins qu'il subsiste toujours une dissonance entre les Occitans et les Catalans parlant depuis des « situations » qui ne sont pas superposables.

Depuis qu'avait sonné « l'heure nationale de la Catalogne »41, depuis le Manifeste Desviacions en els conceptes de llengua i de Pàtria de mars 1934, signé en premier par Pompeu Fabra42, l'heure est passée du panoccitanisme. OC disparaît, les Catalans désertent la Maintenance Roussillon-Catalogne. Lorsqu'il affirme un jour lors d'une réunion de l'IEO que « a Rosselló el problema no es plantejava, perquè el felibritge no existia » [en Roussillon le problème ne se posait pas parce que le félibrige n'existait pas], Cerdà ne se trompe pas tout à fait. Il pouvait bien y avoir à Perpignan une Maintenance qui se réunissait une fois par an, et dont il était membre depuis 1947 et même Mestre en Gai saber depuis 1955, elle n'était, pour ce qu'il en voyait, guère plus qu'une machinerie au service des Jeux Floraux43, et les Jeux Floraux dans ces années 1940-1950 étaient la seule instance de défense “catalaniste” en Roussillon, où bien des écrivains sud-catalans, exilés ou confinés en Espagne, se retrouvaient. L'opposition frontale au Félibrige qui armait les Occitans constituait un «problème » pour Cerdà, parce qu'il lui semblait que cela n'avait guère de pertinence pour les Catalans…

Quant à l'autre dissonance qu'il pouvait y avoir entre eux, elle était moins avouable ou moins consciente : les Occitans faisaient de Pons un symbole utile, voire un fétiche, alors que lui, Cerdà, se mesurait à lui en tant que poète44.

Le MLCR, les débuts du GREC

Dans Cant alt, où ses souvenirs de militant comptent nettement plus que la (en tout cas, sa) littérature, un événement résume et donne sens à son amitié et à ses rencontres avec Lafont, c'est le stage du Mouvement laïque pour les cultures régionales – MLCR – de Marly-le-Roi du 26 au 31 décembre 1959. Il y a été invité à la demande expresse de Robert Lafont45. Là commençait pour lui une autre histoire, collective, celle du Grup Rossellonès d'Estudis Catalans. Sans doute, les temps étaient mûrs, en Roussillon aussi. La loi Deixonne avait déjà suscité des discussions, des enseignants s'étaient mobilisés. Le quotidien que tout le monde lit en Roussillon, L'Indépendant, publie le communiqué final de la réunion de Marly. Dans La Tramontane, le bimensuel culturel qui se vend aussi à Montpellier, à Toulouse, à Barcelone, Jordi Pere Cerdà lance immédiatement un appel aux « consciences catalanes » : « Pour une culture régionale »46, où il définit les termes de son adhésion à ce qui, somme toute, est encore la « doctrine » des occitanistes.

Notre département n'est pas assez au courant des travaux de ces groupements [IEO et Ar-Falz]. Bien que nombre d'écrivains catalans fassions partie de l'Institut et assistions sporadiquement à ses réunions, nous n'avons pas traduit sur le plan catalan une activité parallèle […] De toute façon leur activité est assurément exemplaire de ce qui peut et doit être fait chez nous étant donné qu'une base nous est commune : les rapports entre nos langues respectives et le français, les conditions de notre activité vis-à-vis des organismes d'État.

Cerdà n'aurait pas suffi à créer le GREC, mais sa parole portait, auprès des gens “de gauche”, auprès des habitués des Jeux Floraux, auprès du petit milieu “bourgeois” perpignanais qui s'était saisi de son théâtre. Dans les années 1960-1970, il s'identifiera à sa tâche militante au point de délaisser sa création. Une tâche pour laquelle il avait trouvé ses exemples chez les Occitans :

Tota societat cerca uns exemples. Es dóna fites, desigs, miralls. Els meus sortien de les reunions en què havia participat amb els occitans, semblants a les que vàrem conèixer a Marly-le-Roi47.

[Toute société se cherche des exemples. Se donne des dates, des desseins, des miroirs. Les miens procédaient des réunions auxquelles j'avais participé avec les Occitans, entre autres celles que nous avions eues à Marly-le-Roi]

Des exemples, des critères théoriques, des valeurs. Et des méthodes d'action (journées d'études, conférences, exposition, interventions dans la presse…) inspirées souvent de l'IEO, parfois partagées avec lui48. Robert Lafont sera là parfois, et là encore aux premières sessions de l'Universitat Catalana d'Estiu. Mais c'est une autre histoire. Jordi Pere Cerdà ne suivra pas son ami, ni au COEA ni au-delà. Mais bien des catalanistes roussillonnais de la génération suivante retrouveront Robert Lafont, et avec lui d'autres exemples que ceux que le GREC, qui n'avait pas franchi la « rega de “culturalisme blos“ »49 [le frontière du pur culturalisme] pouvait leur proposer – mais il ne s'agissait plus alors de poésie et de littérature.

Lorsqu'il compose son Obra poètica pour l'éditeur barcelonais Barcino (1966), Cerdà remanie Tota llengua fa foc. Il supprime « O Món », « Entremig de totes les terres », et « Rosenberg », soit les textes les plus « engagés », pour les rattacher à un nouveau cycle, Un bosc sense armes. Il n'oublie pas ce qu'il doit aux Occitans et à Lafont, mais choisit de rassembler les textes qui correspondent à son « engatjament social i polític »50. Cette fois il désigne, au-delà du contexte du dix-septième Messatges (la Résistance, le communisme…), toute l'histoire de son engagement dans le catalanisme, et il dédie Un bosc sense armes à Pere Verdaguer, le compagnon indispensable dans l'aventure du GREC. Tota llengua fa foc, écourté donc, est dédié à Robert Lafont.

Conclusion

Finissons par le début. Jordi Pere Cerdà commence son autobiographie Cant alt par un bilan de ses années de compagnonnage occitan :

Què ens portaven de més [els occitans]? Una valoració de nosaltres; a través de Pons primer, i també per un ressò d'amistats que, personalment, no trobaré mai al sud del Pirineu, una comprensió del nostre text. […] No era poc per a mi el fet de confrontar poetes que havien fet el mateix engatjament polític que jo, allavores que en el nucli rossellonès passava per un llop blanc51.

[Que nous apportaient de plus les Occitans ? Ils nous revalorisaient, à travers Pons d'abord, et aussi par ce climat d'amitié que, personnellement, je ne trouverai jamais au sud des Pyrénées. Ils comprenaient, eux, ce que nous disions […] Ce n'était pas rien pour moi de rencontrer des poètes qui avaient eu le même engagement politique que moi, alors que dans le milieu roussillonnais je passais pour un loup blanc.]

Entre La guatlla i la garba, édité à Perpignan, souvent encore si empreint de cette « tradition bucolico-rurale »52 que maintenaient alors les Jeux Floraux et l'Obra poètica éditée à Barcelone, c'est dans l'occitane Tota llengua fa foc que Jordi Pere Cerdà avait trouvé sa voix. Et llengua, pas llenya, Robert Lafont avait raison.

1 Institués en 1924 par la Colla del Rosselló, organisés par la Compagnie littéraire du Genêt d'Or-Acadèmia dels Jocs Florals del Rosselló, ces Jeux

2 Son épouse Andrée-Paule était alors en poste à Perpignan.

3 La Tramontane. Revue illustrée régionaliste, littéraire, artistique est une revue culturelle fondée en 1917 par Charles Bauby qui en restera le

4 La Tramontane, 263-264, juin-juil 1945, p. 134. Il évoque également la réunion félibréenne du matin.

5 Le poème avait été publié dans La Tramontane (262-63, avr.-mai 1945, p. 138) sous le nom de Pierre Cerda.

6 Edmond Brazès (Ms. Fonds Brazès, Bibliothèque de l'Université de Perpignan) déplore à demi-mot la médiocrité générale des pièces catalanes soumises

7 La Tramontane, 268, Noël 1945, p. 237.

8 Opération menée de 1950 à 1952 par le PCF pour promouvoir l'écrit et la lecture auprès des classes populaires, et lutter contre l'influence d'une

9 Pècics de mièg-sègle. Gardonne, Federop, 1999, p. 90.

10 Cant alt: autobiografia literària. Barcelona, Curial, 1988, p. 44.

11 « Lecture comparée de "Entre Sallagosa i Llívia" de Jordi-Pere Cerdà et "Cerdana" de Robert Lafont ». Voir dans ce même numéro l’article précédent 

12 Jordi Pere Cerdà, La guatlla i la garba, Perpinyà, Col·lecció Tramuntana, 1951.

13 Cerdà se souvenait-il de Strange fruit de Billie Holiday ?

14 Le colloque (trilingue : catalan, français, occitan) s'était tenu en Cerdagne en 2001, en présence de Jordi Pere Cerdà. Lafont n'y assistait pas

15 Ces deux poèmes, qui seront repris dans Tota llengua fa foc, sont parus d'abord dans OC, 1952, 186, p. 15-17.

16 Robert Lafont, « Un lloc, un temps, l'home », Actes del Col·loqui Jordi Pere Cerdà : literatura, societat, frontera, Osseja-Llívia, 28-30 de set.

17 Robert Lafont, Orientacion, OC 1952, 183, p. 4.

18 Antoni Cayrol, Discussion, OC, 1954, 192-93, p. 57-58.

19 Poesies catalanes, n° 1 de la collection Messatges, 1942.

20 Essentiellement les lettres de Cayrol à Lafont déposées au CIRDOC (archive Lafont LAF.O/27Antoine Cayrol). Je n'ai pas eu accès (à supposer qu'

21 À Girard, s.d. (entre nov 53 et avr 54). Rappelons qu'Antoine Cayrol n'avait pas choisi lui-même ce pseudonyme. Charles Bauby, le directeur de La

22 « li sabem el nom – feixisme – / per revenja'us » [nous savons son nom : fascisme / pour vous venger], le nom en question étant celui de « l'

23 A Perpignan dans la bataille du livre, les écrivains catalans et occitants [sic] rejoignent les écrivains français, Les Lettres françaises, 1951

24 Robert Lafont, Témoins du siècle, Cahiers du Sud, 1955, 334, p. 281-285. Les deux témoins en question sont Bernard Manciet pour Accidents (

25 Cerdà l'affirmait encore, sans d'ailleurs identifier ou vouloir désigner le correcteur abusif, lorsqu'il m'avait rapporté lui-même l'affaire, dans

26 Le texte est reproduit en annexe.

27 Andrée-Paule Lafont, Anthologie de la poésie occitane, préface d’Aragon, Paris, éditeurs français réunis, 1961.

28 Andrée-Paule Lafont, [rubrique « Los libres »], OC, 199, 1956, p. 43-45.

29 Toutes les traductions de Tota llengua fa foc que je donne sont celles de Jordi Pere Cerdà, parfois un peu infidèles au texte, et parfois un peu

30 Robert Lafont, Pausa cerdana, in : Poèmas = poèmes 1943-1984, Montpeyroux, Jorn, 2011, p. 177-181.

31 Il faut lire en contrepoint de mon analyse l'article de Claire Torreilles déjà cité (n. 10), en remarquant toutefois que « Entre Sallagosa i Llívia

32 Robert Lafont, « Paysages littéraires ou paysage spirituel », Trésors du monde occitan, Marseille, Cahiers du Sud, 1967, p. 37-46.

33 Voir en annexe le long compte-rendu qu'il donne de Dire de Robert Lafont, dans OC, 205, 1957, p. 149-154.

34 Ibid.

35 René Andioc, À propos de « Tota llengua fa foc », de J.-P. Cerdà, La Tramontane, 379-380, juil.-août 1955, p. 240-241. Andioc est alors encore

36 Encore avait-il corrigé la première version du poème (OC, 186, 1952, p. 15-17) et supprimé « amb folres de reps gris, i la fotografia / de la

37 Els romances, Sant Joan i barres, 1961, 3, p. 4-5

38 Max Rouquette, « Omenatge a Josep-Sebastià Pons », Oc, 4, 1942.

39 C'est le titre d'un poème de Pons dans Canta-perdiu (1925, deuxième édition remaniée en 1960)

40 « A propòsit d'un article crític que vaig fer dins la revista Oc sobre el segon llibre de versos de Robert Lafont Dire, em preguntava si no calia

41 Josep Carbonell, L'hora nacional de Catalunya, Oc, 1, 1931, p. 17-24.

42 Publié également dans Oc avec une lettre d'Alibert à Fabra (16-17, 1934, p. 76-80).

43 Son syndic, le majoral Carles Grandó, est également secrétaire perpétuel des Jeux Floraux perpignanais, et ses statuts lui font obligation d'y

44 Voir Marie Grau, Jordi Pere Cerdà et Josep Sebastià Pons, Actes del Col·loqui Pons país i llengua, Illa, 7 de set. 2012, in : Cahiers des amis du

45 Voir l'article très détaillé de Lluc Bonet, Una carta de Robert Lafont a Antoni Cayrol (Jordi Pere Cerdà), de 1959 : mirall d'un combat per a l'

46 La Tramontane, 430-431, 1960, p. 36-38

47 Cant alt, p. 189.

48 Voir Pere Verdaguer, El Grup Rossellonès d'Estudis Catalans i l'activitat catalanista al Rosselló, Defensa del Rosselló català, Barcelona, Curial

49 Robert Lafont, Temps tres, Perpinyà, Trabucaïre, 1991, p. 115.

50 Entrevista amb J.-P. Lacombe-Massot [Programme du concert Cantata « O món » de Jordi Barre i Jordi Pere Cerdà, 1996] : «…havia estès el meu horitzó

51 Cant alt, p. 43

52 Voir M.C. Zimmermann, « Poème et paysage dans l’œuvre de Jordi Pere Cerdà : l’invention d’un style », Col·loqui Jordi Pere Cerdà, op. cit.

53 N. de l’A. : A N.D. de la Paur, 42 exemplars numerotats. Illustracions de Rudolf Scharpf, 1950.

54 N. de l’A. : Oc, octobre 1950, Nos e los auts.

55 NdE : nous avons corrigé un féminin fautif dans l’article, autorisés en cela par l’emploi correct, quelques lignes au-dessous de l’occitan « image 

56 Nous avons corrigé un *fòça, coquille évidente

Carrera Cinto, Dalmau Teresa, Grau Marie et Valls Miquela (dir.)Col·loqui Jordi Pere Cerdà, Osseja-Llívia 28-30 de setembre de 2001 : Actes del col·loqui Jordi Pere Cerdà : literatura, societat, frontera = actes du colloque Jordi Pere Cerdà : littérature, société, frontière = actes del collòqui Jordi Pere Cerdà : literatura, societat, frontièra, Barcelona-Perpignan, Publicacions de l'Abadia de Montserrat-Presses Universitaires de Perpignan, 2004. (en ligne : https://books.openedition.org/pupvd/9398)

Bonet, Lluc, Una carta de Robert Lafont a Antoni Cayrol (Jordi Pere Cerdà), de 1959 : mirall d'un combat per a l'ensenyament i altres engatjaments per a la llengua del poble, Lengas, 64, 2008, p. 99-110.

Cayrol, Antoni, Discussion, OC, 192-93, 1954, p. 57-58.

Cerdà, Jordi Pere, La guatlla i la garba, Perpinyà, Col·lecció Tramuntana, 1951.

Cerdà, Jordi Pere, Robert Lafont : DIRE (Messatges, IEO, 1957), OC, 205, 1957, p. 149-154.

Cerdà, Jordi Pere, Pour une culture regionale, La Tramontane, 430-431, 1960, p. 36-38.

Cerdà, Jordi Pere, Obra poètica, Barcelona, Barcino, 1966.

Cerdà, Jordi Pere, Cant alt: autobiografia literària, Barcelona, Curial, 1988.

Gardy Felip, « Robert Lafont poeta cerdan : una lectura occitana dau poeta de Sallagosa (A propaus de “Pausa cerdana”) », Col·loqui Jordi Pere Cerdà…, p. 183-193.

Grau, Marie, Jordi Pere Cerdà et Josep Sebastià Pons, Actes del Col·loqui Pons país i llengua, Illa, 7 de set. 2012. Cahiers des amis du vieil Ille, 2012, 199, p. 97-104.

Lafont, Andrée-Paule, [Tota llengua fa foc, rubrique « Los libres »], OC, 199, 1956, p. 43-45.

Lafont, Andrée-Paule, Anthologie de la poésie occitan, Paris, Les éditeurs français réunis, 1961.

Lafont, Robert, Orientacion, OC, 183, 1952, p. 4.

Lafont, Robert, Pausa cerdana, Marseille, Action poètique, 1962.

Lafont, Robert, Temps tres, Perpinyà, Trabucaïre, 1991.

Lafont, Robert, Pècics de mièg-sègle, Gardonne, Fédérop, 1999.

Lafont, Robert, « Un lloc, un temps, l'home », Actes del Col·loqui Jordi Pere Cerdà…, p459-461.

Pons, Josep Sebastià, Poesies catalanes, n° 1 de la collection « Messatges », 1942.

Torreilles, Claire, « Dos poèmas de Robert Lafont e Jordi-Pere Cerdà » dans ce même numéro de la revue Plumas : https://plumas.occitanica.eu/767.

Verdaguer, Père, Defensa del Rosselló català, Barcelona, Curial, 1974.

A.-Paula Lafont –recension de Los espers e los jorns, de Marcel Barral, Accidents de Bernard Manciet, Tota llenga fa foc, e Jordi-Père Cerdà, (Messatges N°s 14, 17, 18) cronica « Los libres. Poesia », Oc, 199, genier – febrier – març de 1956, p. 40-45.

Foguèt un temps dins las annadas 1940-50 que la poësia d’òc mestrejada per J.-S. Pons trobèt son expression la mai pura dins li primieris òbras de Max Roqueta. E tan foguèt fonsa son influéncia que se poguèt parlar un tèmps d’una escòla poëtica occitana d’abòrd que mai d’un poëta s’adralhava dins lo biais de sentir e d’escriure qu’èra estat lo de nòstre jove ainat. I tornarem quora aurem de parlar dau tresen recuelh de Sòmis que lo public occitan espèra amb l’atencion qu’antan faguèron levar en nosautri li Sòmis de la nuòch.

Vòle pas dire que l’influéncia de Max Roqueta siá desenant acabada. E d’eu dirai çò que se pòt dire de toti li grandi sensibilitats poëticas, que i a quiòm de cambiat après eli – e per sempre – e que la poësia se pòt pas puèi escriure coma s’èran jamai estat. L’istòria de la poësia es un pauc coma l’istòria d’una mar, que vengudas dau fons desconegut de l’abisme d’ersas prigondas i enauran son tumult, e lo tumult s’esperlònga d’ersa en ersa, sens que cale jamai lo fremin grelhat dau moviment major. Antai siá. D’ersa en ersa anam, portats per l’aiga dis esmougudas que deliurèron en nosautri de cada poëta lo cant prigond e familhier.

Mai d’ersas nòvas nasquèron fai quauquis ans en Occitania. Una poësia nòva. Amb Max Allier e Felix Castan clantiguèt per lo primier còp lo ressòn de l’engatjament politic. Dins la meteissa rega e a un nivèu de fonsor poëtica inegalat fins ara dins nòstri letras, s’enaura lo cant lusènt de J.-P. Cerdà. Vengut d’un autre orizont de l’angoissa dau segle, dins un ritme de derrabament e de violéncia, avem destoscat Bernard Manciet. Dau temps que Marcel Barral lo vesèm que s’apària per mai d’un biais a Max Roqueta per lo sentit de la lenga e dau païs.

Dise : a Max Roqueta e mai de l’un a l’autre lo valat siá larg, siá fons. En Barral avèm ges trobat de certitud. Amb Roqueta amaviam l’evidéncia dau vent, de l’arbre, di sorgas, dau païs. Tornam trobar dins Los espers e los jorns l’oliu e l’autciprès, l’aiga cantaira dins la pila, lo grilh, la platana, lo cèu. Perqué adonc siám pas trebolats fins a l’ància per la quita poësia de l’enonciacion ? Perqué trobam pas a cò de Marcel Barral çò que sonam realitat poëtica, d’un mòt que ditz pas ren estènt que sabem pas se se tracha de la realitat dau mond que lo poëta solet la tròba e la liura dins la transparéncia dau lengatge, o d’una realitat poëtica essencialament que lo poëta farga per lo lengatge a partir dau mond ? Estent que sabèm pas se la poësia es coneissènça o traïcion, s’es dins lo mond, s’es mond, o allogèna au mond.

Son pas aqueli problèmas, son pas aquelis emocions que pausa o que delarga la poësia de Marcel Barral. S’èra just de ne parlar, per l’encausa de la semblança exteriora amb Max Roqueta, seriá pas just de pas dire li qualitats pròprias d’aquela dicha tendra, tota en tenchas doças de malanconiá, poësia d’auton, dau sovenir e dau benlèu, en cu se pintra l’òme, son umanisme fisançós fin-finala, maugrat la sentida nostalgica dau temps, umanisme que lo cresèm fach, s’anam, benlèu a tòrt, en-delà de la discrecion di confidéncias, de cultura antica e de catolicisme a l’encòp. D’aqueu poëta umil nos recordarem l’umana dicha :

Esperar sens esperança
Es benlèu creire a deman.

***

Sabe pas se Bernard Manciet crei a deman. Ni de queta reviudança dis òmes serà fach aqueu deman. Çò segur, es qu’amb eu trespassam l’aventura individuala per viure la catastròfa collectiva de la guerra e de la paur. Mond de fuòc e de sang, forns crematòris, fars de la D.C.A., roinas, que se i mesclan, dins aquesta Alamanha d’après 1945, lo modernisme dau jazz, di klaxons, de la cridadissa di trens. Antau Accidents nos tòrna dins una fòrma nòva – pròsa e estròfas mescladas – l’Oda a Nosta Dauna de la Paur53, qu’es ara venguda, per son alen febrós, un di grands poëmas de l’angoissa dau segle. La nauta figura de la Verge senhoreja sus l’espavènt, illustrant d’images fèrs lo mit catolic de la Santa cargada de tota la dolor dau mond. Poëma de tortura e de fe :

t’an copats tos dous sens pr’amor que te carravas
e que hèn dus fars ardents.

Manciet es tanben poëta de la revòlta. Qu’es tròp vièlh lo mond per acontentar l’òme, e l’òme tròp vièlh per s’acontentar de sa cara, e tròp vièlh Dieu per pas estre blasfemat. Vaquí perqué Accidents es un poëma de la destruccion, non pas de la negacion : òm a besonh de Dieu per blasfemar son nom. Lo catolicisme de Manciet caup aquela ambivaléncia fonsa. Dieu es mai grand sota lo blasfèma, coma la Verge mai bela de si nafraduras.

Mai lo mond, mai l’òme, coma li descarrar, lis engrunar ? Un tèma fons mestreja la primiera part de l’òbra, balha vam i tres grands desvolopaments que dobrisson lo recuelh : lo dau corseg, de la fugida, qu’es tanben lo de la libertat umana reconquistada per la vitessa :

Te’n suplegui. Truca-me de kilometratges…
Atrapa-los. Passa davant. Passa-los davant. Los jorns que hugen. Lo temps que s’escapa…
Lo veis adara. Qu’entram dens un païs brocat e de zig-zags, teishenat de linhas e de punts. Qu’i vad un huec d’artifici on tot se segot dens tots los sens, se multiplica, se simplifica, on lo movement hoeita, esperona las causas e que comprenem que nos anar nos hè, e pas lo contrari.

Antau es tornat a l’òme lo poder de crear, de se crear. De la destruccion dinamica grelha lo mond d’una libertat.

Comprenem melhor benlèu dins aqueli perspectivas la valor de testimòni d’Alemanha nafrada, e coma clantís lo crit tragic davant la destruccion :

Esbonir de la Germania, sola grana dens lo segle ! Au mes gran malastre deu mòn, salut.

Voudriàm pasmens sonar l’atencion dau legeire sus la legitimitat d’aqueu crit : sa grandor tragica es pas pron benlèu per lo far lo de toti.

Manciet escriguèt, fai de temps, que, latin, eu aviá dau latin l’amor de l’armonia54. L’armonia, vòle dire la transparéncia au mond, tau coma es, sens revòlta, l’avèm trobada tanben, e mai siá rara, au mitan dis « accidents » mai descabestrats. Mençonarem quauqui regas, d’aqueli que se servan longtemps dins la memòria coma noiridura di sòmis :

la lua se lèva darrèr los Pirenèus, la lua devara darrèr tu e l’ombra s’eslarga dinc a la Testa sus la lana, e dinc a la mar…

E mai que mai nos recordarem l’auba, l’auba que fau crebar – e que mòre lo mond ! – mai l’auba tan bela que còntra ela es besonh de dreiçar lo sadisme di mitralhadoiras :

Que s’apressa. Vad grana. Sonrid. Es tota blava. Ven blanca. Las esquias deus aubres hreneishen…

Podèm pas dire que per Manciet aicí siá la rega. Ni per quau que siá. Pron que gisclen, a l’azard de l’aventura d’un cadun, taus greus de poësia.

***

Tota llenga fa foc, de Jordi-Père Cerdà, es un poëma de gaug rara, de lucha e de doléncia. Testimòni un e disavèrt d’una vida ont se mesclan « l’arboç » de la dolor a la « joia menuda com la grava », mai que tròba dins la lucha son destin.

Vòle mençonar primier dos poëmas : Alosa, que lo dinamisme de la lucha i pren per simbòl l’alausa enaurant son vòu còntra la substància metallica de l’er, e Combat, imatge de l’òme, rocàs de l’orguelh viril ont ven butar lo flux e lo reflux di sentiments :

En mi, flux i reflux
l’orgulh com una penya
que assalta un mar de sentiments,
Sóc com un vas omplert d’una maréa,
combat perpètu. S’obliga el meu voler
a dreçar contre el doll de l’aigua
la conquesta fràgil i nua
de ma llibertat.

Destriam sens pena, dins aqueli poëmas bessons, l’unitat dau tema poëtic – la lucha –, e mai la diversitat de la matèria poëtica – èr e aiga –, que segon Bachelard constituisson dos di quatre elements fondamentaus de l’imaginacion.

I a mai d’un òme dins l’òme, e çò que remiram dins J.-P. Cerdà es aquela totalitat que fai que l’òme comunista pensent e agissent au nivèu di determinacions de l’esperit e dau còr, es tanben l’òme di vièlhs mits, lo pensaire milenari de l’èr, de l’aiga e de la terra (comprenèm antau lo poëma Infancia) –, fargant dins la matèria elegida per si sòmis la dicha mai elaborada de son pensament politic. Tant va, que Cerdà nos porgís l’occasion de tornar a un di grands problèmas de l’epòca : lo de la natura poëtica d’una literatura de l’engatjament.

I a de dichas que valon per la fòrça nòbla de l’afortiment. N’avèm trobat dins l’òbra de Cerdà, gaireben despullada d’images bels55 dins sa nudetat :

O món
m’ha costat de pensar que també era dels teus
que portava a l’esquema
la meva cárega d’home…

Coma a cò d’Eluard, mai « pur » encara :

Laissez-moi donc juger de ce qui m’aide à vivre
Je donne de l’espoir aux hommes qui sont las.

Mai crese pas que tala poësia podriá longtemps far grelhar l’emocion sens l’ajuda de l’espelison d’images agissents d’un biaiis autonòm, independènts de la significacion politica dau poëma. Ne vòle per exemple lo poëma centrau dau recuelh, O món, que Cerdà n’a vougut faire una mena de retorn sus son passat e sa jovènça e dire çò que foguèt la cerca de sa dralha : subjècte dramatic que fòrça56 l’omenatge dau mai exigent.

Em recorda…
la derrota a ma boca tapava els meus vint anys.

Mai coma se fai puèi qu’aquela cerca venga l’image d’una man paupejant lo fulhatge d’un arbre en cerca dau còr de la vida.

ditejant son fullatge
sens poguer trobar el cor ?

Coma se fai puèi que l’evidéncia de la dralha cercada e clarejanta pauc a pauc prenga per signe la marcha sobeirana de la saba nocturna au fons de l’erba.

Llavors començàren al secret de les prades
petjades inversant el rem nòcturn de l’herba.

Llavors en la por sideral que estamordia l’arbre
la saba remota probà l’encaminada… ?

Coma se fai, s’es pas que la vida sobeirana de la natura pren en carga l’idèa e assumís l’expression de l’engatjament ? Mercejam Cerdà per l’unitat de l’emocion, lo mercejam de çò que la quista de sa vida siá tanben fuelhas e aucèu, saba e secret de l’erba. Pense pas de demenir la portada dau recuelh. Dise que lis images trelusents de Cerdà son allogèns au contengut politic dau poëma. Mai crese qu’es la fòrça de l’engatjamet deliurant l’emocion creatritz que desperta lis images elementars adormits dins li sòmis dau poëta.

Antau se pòt situir Jordi-Père Cerdà : a la crosada de la fe politica e de la sentida dau païs. Que l’enrasigament aga fach clantir tan naut una votz politica aquò’s benlèu una riquesa dins la literatura de França.

I a mai. I a quicòm benlèu que nos adolentís, nosautres Occitans. Avèm dins nòstra poësia tròp de crits solitaris e desesperats. E parle pas de la frairetat umana, dau sens dau combat collectiu qu’avèm trobat amb Allier o Castan. Parle d’una frairetat primièra, la frairetat occitana, coma i a dins Cerdà una frairetat catalana.

A devant de mi jau un poble i la perfecciò d’un miracle encertat entre quatre camins…

Ont son dins la poësia occitana lis òmes d’Occitania ? Faudriá pas, amics poëtas, estre la dicha dau desèrt.

1 Institués en 1924 par la Colla del Rosselló, organisés par la Compagnie littéraire du Genêt d'Or-Acadèmia dels Jocs Florals del Rosselló, ces Jeux floraux sont bilingues. La section catalane reçoit trois catégories d'envois : poètes du Roussillon, de Catalogne, de langue d'oc. Cette année-là, c'est la section française, présidée par Jeanne-Yves Blanc, qui attribue la « Fleur naturelle ». Le matin de la remise des prix a lieu la réunion annuelle de la Maintenance Roussillon-Catalogne du Félibrige.

2 Son épouse Andrée-Paule était alors en poste à Perpignan.

3 La Tramontane. Revue illustrée régionaliste, littéraire, artistique est une revue culturelle fondée en 1917 par Charles Bauby qui en restera le directeur jusqu'à sa mort en 1971. À partir de 1946, le sous-titre devient Revue du Roussillon. Art et littérature, développé ensuite en Régionalisme, littérature, art, folklore, histoire, tourisme. Le siège est à Perpignan mais C. Bauby réside à Ro, hameau de Saillagouse, au centre d'un réseau d'écrivains et d'intellectuels du nord comme du sud : Roussillonnais, Occitans, Catalans exilés ou restés en Espagne. La revue publie chaque année un numéro spécial « Jeux floraux du Genêt d'Or ». (Voir : Gérard Bauby (éd.), « Hommage à Charles Bauby. 50 ans de Tramontane », La Tramontane, 1975 ; Maria Llombart i Huesca, « Jordi Pere Cerdà i La Tramontane », Actes del Col·loqui Jordi Pere Cerdà…, p315-327). 

4 La Tramontane, 263-264, juin-juil 1945, p. 134. Il évoque également la réunion félibréenne du matin.

5 Le poème avait été publié dans La Tramontane (262-63, avr.-mai 1945, p. 138) sous le nom de Pierre Cerda.

6 Edmond Brazès (Ms. Fonds Brazès, Bibliothèque de l'Université de Perpignan) déplore à demi-mot la médiocrité générale des pièces catalanes soumises au concours en cette année du centenaire de Verdaguer : « Sembla que la poesia catalana se complau dins la seva forma primitiva per expressar l'inspiració antiga del sentiment popular. Aquesta herència poètica no és a menyspreuar dins el sentit de veritat literària. Mes, segons el meu sentiment, hauria de constituir la base de creacions més personals, enlloc que se presenta com un model que hom cerca a imitar. » [Il semble que la poésie catalane se complait dans sa forme primitive pour exprimer l'inspiration antique du sentiment populaire. Cet héritage poétique n'est pas à mépriser du point de vue de la vérité littéraire. Mais, à mon avis, il devrait constituer la base de créations plus personnelles, au lieu qu'il se présente comme un modèle qu'on cherche à imiter].

7 La Tramontane, 268, Noël 1945, p. 237.

8 Opération menée de 1950 à 1952 par le PCF pour promouvoir l'écrit et la lecture auprès des classes populaires, et lutter contre l'influence d'une littérature "décadente" venue essentiellement d'Outre-Atlantique. Voir : Marc Lazar, « Les "batailles du livre" du Parti communiste français, 1950-1952 », Vingtième Siècle, n°10, avril-juin 1986. Dans les Pyrénées-Orientales, la Bataille dure du 10 au 18 novembre 1951, et touche de nombreux villages (rencontres avec les écrivains, signatures, expositions de livres, conférences…). On pourra aussi lire à ce propos un article de Max Allier : « La batalha dau libre de Pireneus-Orientals » OC, 184 (04-52), p. 29-31, et de Jordi Pere Cerdà sous son nom d'Antoine Cayrol : A Perpignan dans la bataille du livre, les écrivains catalans et occitants [sic] rejoignent les écrivains français, Les Lettres françaises, 29 nov. 1951.

9 Pècics de mièg-sègle. Gardonne, Federop, 1999, p. 90.

10 Cant alt: autobiografia literària. Barcelona, Curial, 1988, p. 44.

11 « Lecture comparée de "Entre Sallagosa i Llívia" de Jordi-Pere Cerdà et "Cerdana" de Robert Lafont ». Voir dans ce même numéro l’article précédent : https://plumas.occitanica.eu/767.

12 Jordi Pere Cerdà, La guatlla i la garba, Perpinyà, Col·lecció Tramuntana, 1951.

13 Cerdà se souvenait-il de Strange fruit de Billie Holiday ?

14 Le colloque (trilingue : catalan, français, occitan) s'était tenu en Cerdagne en 2001, en présence de Jordi Pere Cerdà. Lafont n'y assistait pas, mais il avait tenu à apporter sa voix et son témoignage.

15 Ces deux poèmes, qui seront repris dans Tota llengua fa foc, sont parus d'abord dans OC, 1952, 186, p. 15-17.

16 Robert Lafont, « Un lloc, un temps, l'home », Actes del Col·loqui Jordi Pere Cerdà : literatura, societat, frontera, Osseja-Llívia, 28-30 de set. de 2001, Barcelona-Perpignan, Publicacions de l'Abadia de Montserrat-Presses Universitaire de Perpignan, 2004. (https://books.openedition.org/pupvd/9398).

17 Robert Lafont, Orientacion, OC 1952, 183, p. 4.

18 Antoni Cayrol, Discussion, OC, 1954, 192-93, p. 57-58.

19 Poesies catalanes, n° 1 de la collection Messatges, 1942.

20 Essentiellement les lettres de Cayrol à Lafont déposées au CIRDOC (archive Lafont LAF.O/27Antoine Cayrol). Je n'ai pas eu accès (à supposer qu'elles aient été conservées) à celles qu'il avait reçues de Lafont pour cette période.

21 À Girard, s.d. (entre nov 53 et avr 54). Rappelons qu'Antoine Cayrol n'avait pas choisi lui-même ce pseudonyme. Charles Bauby, le directeur de La Tramontane avait attribué d'autorité celui de Pierre Cerdan/Pere Cerdà. Il ajoutera ensuite le Jordi (son second prénom) mais si le pseudonyme s'est imposé pour son œuvre de création, c'est malgré lui, nous en avons là une preuve. Il essaiera encore dans les années 70 de s'en débarrasser.

22 « li sabem el nom – feixisme – / per revenja'us » [nous savons son nom : fascisme / pour vous venger], le nom en question étant celui de « l'assassin » des Rosenberg qui « a signé son crime ». Dans l'édition définitive (Obra poètica, p. 208), le mot « fascisme » est supprimé.

23 A Perpignan dans la bataille du livre, les écrivains catalans et occitants [sic] rejoignent les écrivains français, Les Lettres françaises, 1951, 29 nov.

24 Robert Lafont, Témoins du siècle, Cahiers du Sud, 1955, 334, p. 281-285. Les deux témoins en question sont Bernard Manciet pour Accidents (Messatges 14) et Cerdà, l'un catholique, et l'autre, lui « est communiste, et son recueil est, je pense, apparu irréprochable du point de vue de l'idéologie qu'il exprime de façon très consciente ». L'idéologie communiste de Tota llengua ne saute peut-être pas aux yeux du lecteur d'aujourd'hui, mais il est certain que Cerdà, membre du Bureau fédéral du PC, conseiller municipal et un temps maire de Saillagouse, est resté toujours fidèle à la ligne politique du Parti.

25 Cerdà l'affirmait encore, sans d'ailleurs identifier ou vouloir désigner le correcteur abusif, lorsqu'il m'avait rapporté lui-même l'affaire, dans les années 1990. Il ne cachait pas cependant qu'il avait rapidement adopté et fait sien ce titre.

26 Le texte est reproduit en annexe.

27 Andrée-Paule Lafont, Anthologie de la poésie occitane, préface d’Aragon, Paris, éditeurs français réunis, 1961.

28 Andrée-Paule Lafont, [rubrique « Los libres »], OC, 199, 1956, p. 43-45.

29 Toutes les traductions de Tota llengua fa foc que je donne sont celles de Jordi Pere Cerdà, parfois un peu infidèles au texte, et parfois un peu maladroites. Cerdà ne cachait pas qu'il n'aimait guère se traduire.

30 Robert Lafont, Pausa cerdana, in : Poèmas = poèmes 1943-1984, Montpeyroux, Jorn, 2011, p. 177-181.

31 Il faut lire en contrepoint de mon analyse l'article de Claire Torreilles déjà cité (n. 10), en remarquant toutefois que « Entre Sallagosa i Llívia », qui ne sera publié qu'en 1966 dans la deuxième version de Tota llengua fa foc (in Obra poètica), n'existait pas à la date où Lafont signe son Pausa cerdana (1959). Entre 10 et 15 ans séparent la rédaction des « O món ». Voir aussi Felip Gardy, « Robert Lafont poeta cerdan : una lectura occitana dau poeta de Sallagosa (A propaus de Pausa cerdana) », Col·loqui Jordi Pere Cerdà…, p. 183-193.

32 Robert Lafont, « Paysages littéraires ou paysage spirituel », Trésors du monde occitan, Marseille, Cahiers du Sud, 1967, p. 37-46.

33 Voir en annexe le long compte-rendu qu'il donne de Dire de Robert Lafont, dans OC, 205, 1957, p. 149-154.

34 Ibid.

35 René Andioc, À propos de « Tota llengua fa foc », de J.-P. Cerdà, La Tramontane, 379-380, juil.-août 1955, p. 240-241. Andioc est alors encore étudiant, membre de l'Alzina, association des étudiants catalans de Montpellier. Il a connu Jordi Pere Cerdà au moment où l'Alzina créait sa première pièce, Angeleta, en mars 1952.

36 Encore avait-il corrigé la première version du poème (OC, 186, 1952, p. 15-17) et supprimé « amb folres de reps gris, i la fotografia / de la metgessa quan va casar se amb el /representant de la República i de l'Estat francès » [avec des housses de reps gris et la photographie / de la doctoresse quand elle s'est mariée avec / le représentant de la République et de l'État français].

37 Els romances, Sant Joan i barres, 1961, 3, p. 4-5

38 Max Rouquette, « Omenatge a Josep-Sebastià Pons », Oc, 4, 1942.

39 C'est le titre d'un poème de Pons dans Canta-perdiu (1925, deuxième édition remaniée en 1960)

40 « A propòsit d'un article crític que vaig fer dins la revista Oc sobre el segon llibre de versos de Robert Lafont Dire, em preguntava si no calia veure en l'actitud de Pons davant del fet religiós una resta de maurrassisme. » [À propos d'un article que j'avais fait dans Oc sur le livre de Lafont Dire, je me demandais s'il ne fallait pas voir dans l'attitude de Pons devant le fait religieux un reste de maurrassisme] (Cant alt, p. 108).

41 Josep Carbonell, L'hora nacional de Catalunya, Oc, 1, 1931, p. 17-24.

42 Publié également dans Oc avec une lettre d'Alibert à Fabra (16-17, 1934, p. 76-80).

43 Son syndic, le majoral Carles Grandó, est également secrétaire perpétuel des Jeux Floraux perpignanais, et ses statuts lui font obligation d'y participer.

44 Voir Marie Grau, Jordi Pere Cerdà et Josep Sebastià Pons, Actes del Col·loqui Pons país i llengua, Illa, 7 de set. 2012, in : Cahiers des amis du vieil Ille, 2012, 199, p. 97-104.

45 Voir l'article très détaillé de Lluc Bonet, Una carta de Robert Lafont a Antoni Cayrol (Jordi Pere Cerdà), de 1959 : mirall d'un combat per a l'ensenyament i altres engatjaments per a la llengua del poble, Lengas, 64, 2008, p. 99-110.

46 La Tramontane, 430-431, 1960, p. 36-38

47 Cant alt, p. 189.

48 Voir Pere Verdaguer, El Grup Rossellonès d'Estudis Catalans i l'activitat catalanista al Rosselló, Defensa del Rosselló català, Barcelona, Curial, 1974, p. 53 sqq.

49 Robert Lafont, Temps tres, Perpinyà, Trabucaïre, 1991, p. 115.

50 Entrevista amb J.-P. Lacombe-Massot [Programme du concert Cantata « O món » de Jordi Barre i Jordi Pere Cerdà, 1996] : «…havia estès el meu horitzó coneguent poetes occitans. Són ells que van publicar el recull “Tota llengua fa foc” en 1954 [sic] […] El tema del poema és més conforme amb la poesia de “El Bosc sense armes”, que reprèn el meu engatjament social i polític. » [j'avais élargi mon horizon en faisant la connaissance des poètes occitans. Ce sont eux qui ont publié mon recueil “Tota llengua fa foc”. Le thème du poème [“O món“] est plus conforme à la poésie du “Bosc sense armes”, qui reprend mon engagement social et politique.]

51 Cant alt, p. 43

52 Voir M.C. Zimmermann, « Poème et paysage dans l’œuvre de Jordi Pere Cerdà : l’invention d’un style », Col·loqui Jordi Pere Cerdà, op. cit.

53 N. de l’A. : A N.D. de la Paur, 42 exemplars numerotats. Illustracions de Rudolf Scharpf, 1950.

54 N. de l’A. : Oc, octobre 1950, Nos e los auts.

55 NdE : nous avons corrigé un féminin fautif dans l’article, autorisés en cela par l’emploi correct, quelques lignes au-dessous de l’occitan « image » au masculin.

56 Nous avons corrigé un *fòça, coquille évidente