Hommage à Alan Ward (1937-2014), héros oublié de la kurdologie des années 1960

Adnan Çelik et Ergin Opengin

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Adnan Çelik et Ergin Opengin, « Hommage à Alan Ward (1937-2014), héros oublié de la kurdologie des années 1960 », Plumas [En ligne], 3 | 2023, mis en ligne le 04 juillet 2023, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://plumas.occitanica.eu/1003

Un jeune Irlandais du nom d'Alan Ward arrive à Diyarbakir à l'automne 1960 pour enseigner bénévolement dans un collège. Quatre mois plus tard, il est interpellé et expulsé de Turquie à cause de l’intérêt qu’il manifeste pour la langue maternelle de ses élèves, le kurde. De retour en Europe, il écrit en langue occitane un long poème sur Diyarbakir et les Kurdes, qu'il intitule La Còrda Roja (La corde rouge), en référence aux Kurdes pendus en Turquie. Lorsqu’il fut découvert par des cercles de militants kurdes et pro-kurdes au milieu des années 1960, son intêret pour la langue et la littérature kurdes étaient toujours vifs. Il produisit plusieurs autres œuvres s’y rapportant, dont une partie est restée inédite. Cet article retrace la trajectoire d'Alan Ward, en établissant un lien entre son parcours personnel d'Irlandais élevé en Angleterre et devenu linguiste, et son engagement en faveur de la langue et du peuple kurdes. Sur la base de l'analyse de nombreux documents d'archives, son profil est reconstitué dans le contexte de l'activisme kurde transnational des années 1960 et ses contributions évaluées de manière critique en relation aux autres apports des centres de kurdologie émergents de l'époque.

A young Irish man named Alan Ward arrives in Diyarbakir in the autumn of 1960 as a volunteer to teach at an elite high school. Within four months of his stay, though, he is arrested and deported from Turkey for showing interest in Kurdish, the mother tongue of his students there. Back in Europe, he wrote a long poem about the Kurds and Diyarbakir in the Occitan language, naming it La Còrda Roja (The Red Rope), in reference to Kurds hanged under the Turkish state. Discovered by Kurdish activist circles in the mid-1960s, he was drawn into Kurdish language and literature studies producing several other works, part of which have remained unpublished in archives. This article traces the trajectory of Alan Ward, linking his personal background as an Irish man grown in England and trained as a linguist with his engagement with the Kurdish language and the Kurds. Based on the analysis of extensive archival material his profile is reconstructed against the background of the transnational Kurdish activism of the 1960s and his contributions are critically assessed in relation to the emerging Kurdology centres of the period.

Introduction

À l'automne 1960, quelques mois après le coup d'État militaire du 27 mai, un jeune Irlandais de 23 ans, Alan Ward, arrive à Diyarbakir, la plus grande ville kurde de l'est de la Turquie. Il y enseigne l'anglais et les mathématiques à Diyarbakir Maarif Koleji, un collège créé par le gouvernement turc quatre ans plus tôt, fréquenté par les enfants des milieux aisés et les élites locales de la ville. Son séjour à Diyarbakir sera bref : quatre mois seulement, au bout desquels il se voit expulsé du pays. Linguiste de formation, il remarque rapidement que la plupart de ses élèves parlent entre eux une autre langue que le turc. Il s'intéresse à leur culture et à leur histoire, et apprend le kurde auprès de ses élèves et des amis qu'il s'est faits dans les milieux intellectuels de Diyarbakir. À peine les autorités s’aperçoivent-t-elles de son intérêt pour le kurde qu’il se voit licencié. Son titre de séjour ne tarde pas à être révoqué, et une expulsion définitive met fin à son séjour (vraisemblablement en décembre 1960).

De retour en Europe, il écrit un long poème sur les Kurdes et Diyarbakir, inspiré par son séjour dans cette ville. Fait remarquable, qui s’explique par son engagement en faveur des langues minorisées, c’est en occitan qu’il rédige son poème, auquel il donne pour titre La Còrda Roja, la Corde rouge. Ce titre évocateur de la violence et des crimes d’État est aussi la traduction littérale des termes par lesquels on désigne, en turc et en kurde, la potence (Kızıl Urgan en turc / Werîse Sor en kurde kurmandji), instrument de l’application de la peine de mort en Turquie dont de nombreux Kurdes ont été victimes. Dans les années qui suivirent, son poème, puis Alan Ward lui-même, sont découverts par des cercles d'activistes kurdes, qui l’invitèrent à poursuivre ses travaux sur la langue et la littérature kurdes, il collabora avec certains des plus actifs et produisit plusieurs autres œuvres, dont une partie est demeurée malheureusement inédite. Cet article se propose de retracer la trajectoire d'Alan Ward, pour mettre en relief le lien entre son parcours personnel d'Irlandais ayant grandi en Angleterre, devenu linguiste, et son engagement envers le kurde et les Kurdes. Nous avons choisi d’inscrire sa trajectoire dans le cadre plus large de l'activisme kurde transnational et des réseaux de kurdologie des années 1960, qui s'efforçaient d'assurer une place à la cause kurde sur la scène politique par le biais de travaux universitaires.

L'article s’appuie largement sur les archives de Silvio van Rooy1, principal collaborateur d'Alan Ward pour ses travaux en kurdologie (voir infra), conservées à l'Institut international d'histoire sociale (IISH) d'Amsterdam2, ainsi que sur plusieurs documents provenant des archives d'Ismet Cherif Vanly (conservées à l'université de Lausanne3) et de celles de la Kurdish Students’ Society of Europe (KSSE), disponibles à l'Institut kurde de Paris4. De nombreuses informations sur la vie d'Alan Ward ont été obtenues grâce à un entretien avec le fils de ce dernier, Alan Ward Jr. 5

La trajectoire d'Alan Ward

Alan Ward, également connu sous le nom d'Alan Mac an Bhaird, est né en 1937 à Brighton dans une famille irlandaise. Outre sa langue maternelle, le gaélique, il a parlé anglais et appris le français et le latin durant son enfance. Dans la continuité de ce talent précoce pour les langues, il a étudié les langues romanes et l'anglais à l'université d'Oxford, puis au Trinity College de Dublin où il a obtenu un doctorat en linguistique en 1974. Avant de s'installer en Andorre au milieu des années 1960 - où il a travaillé comme traducteur jusqu'à sa retraite et où il est décédé en 20146 - il a occupé le poste de responsable de la toponymie (placename officer) à l'Ordnance Survey de Dublin et a séjourné quelque temps à Hong Kong pour y étudier la langue et la littérature chinoises.

Étudiant à Oxford, il développe un attrait particulier pour l’occitan, qu’il réussit à maîtriser parfaitement. Il a fait de nombreux séjours dans les régions occitanes de France, en particulier à Nîmes, et s’est lié d'amitié avec le grand chercheur et militant de la langue occitane Robert Lafont (1923-2009). Cofondateur en 1945 de l'Institut d'études occitanes, qu'il dirige de 1950 à 1981, professeur à l'université de Montpellier, Lafont était aussi chercheur et militant en faveur des nations minoritaires7 ; il appliqua notamment le concept de « colonialisme intérieur » à la gestion par l'État français des regions occitans du pays8. Alan Ward developpa des affinités solides avec de nombreuses personnalités de la nouvelle génération de militants et d'intellectuels occitans, comme le poète et auteur de langue occitane Yves Roquette (1936-2015). L'histoire familiale d'Alan Ward avec la langue gaélique réprimée au profit de l’anglais, puis sa formation de linguiste à l'université, avaient déjà créé chez lui les conditions d’un sensibilité certaine aux questions linguistiques ; mais l'observation de la mobilisation de la nouvelle génération d'intellectuels occitans, en particulier l'internationalisme solidaire des peuples minoritaires de Robert Lafont, allait laisser un impact durable sur la pensée et l'activité d'Alan Ward dans les années suivantes, notamment en ce qui concerne les Kurdes.

Fort de ces sensibilités politico-linguistiques, Alan Ward, fraîchement sorti de l'université, arrive à Diyarbakir en septembre 1960 pour y enseigner l'anglais et les mathématiques dans un collège essentiellement fréquenté par la progéniture des élites locales, le Collège de Maarif (Maarif Koleji). Cette école secondaire de langue anglaise avait été créée en 1956, de même que six autres similaires dans les principales villes de Turquie, dans le but de former des bureaucrates de haut rang pour les services de l'État9. Issus des couches socio-économiques les plus aisées de la ville10, ses élèves parlaient le turc et l’anglais dans le cadre scolaire, mais parlaient entre eux dans leur langue maternelle, le kurde, dont l’usage était à l’époque strictement interdit et passible de sanctions. Dans le contexte répressif d'après le coup d'État de 1960, qui a accentué la criminalisation des activités politiques et culturelles kurde naissantes - s’exprimant timidement alors à travers des revues - Alan Ward s'est intéressé à la langue et à l'histoire kurdes, recueillant les paroles de ses élèves et les témoignages de ses amis à propos de l'oppression des Kurdes dans la république de Turquie. Nous en avons connaissance grâce aux traces de ses échanges avec le poète Necib Başak et avec l'avocat et président du Barreau de Diyarbakir, Edip Altunakar. Au cours des quatre brefs mois qui précédèrent son expulsion, il avait déjà appris la langue11.

Un an après son retour forcé en Europe, inspiré de ses souvenirs, expériences et échanges en terres kurdes, il rédige La Còrda Roja, poème en langue occitane publié en 1964 par l'Institut d'études occitanes avec sa traduction française (dans la collection Messatges). Le choix de la langue occitane dit déjà beaucoup, et établit un lien symbolique entre l’oppression des peuples occitan et kurde. L'influence de l'activisme de cette nation minoritaire, l’Occitanie, sur les sentiments et la pensée de Ward est également perceptible dans la dédicace de son long poème, qui s'adresse au peuple kurde, « si aimé dans la dégradation de sa souffrance » et à « deux autres peuples aussi qui se rappelleront que les Turcs peuvent porter d'autres noms et que la pendaison n'est ni le seul ni le plus ignoble moyen de faire oublier » 12. Les deux peuples auxquels il fait allusion sont les Occitans et les Irlandais, tandis que « les Turcs » font office de métonymie pour les autres oppresseurs que sont vis-à-vis de ces derniers les Français et les Anglais.

Solidarité transnationale avec le mouvement kurde dans l'Europe des années 1960

Cette prise de conscience de la situation des minorités régionales s'inscrivait bien sûr dans le cadre de transformations politiques plus vastes dans le monde. D'une part, ce que l'on appelle le tiers-monde entrait en scène avec diverses luttes émancipatrices et indépendantistes anticoloniales en Algérie, au Viêt Nam, à Cuba, en Égypte, etc.13 Dans le « Premier monde », à savoir d’abord les États-Unis et l'Europe occidentale, divers mouvements sociaux émergeaient pour soutenir les luttes anticoloniales d’inspiration socialiste en cours dans divers pays du tiers-monde. Ces mouvements ont également soutenu les nations minoritaires colonisées par les États-nations européens. De nombreux militants irlandais, écossais, basques, catalans et occitans luttaient pour la cause de leur propre peuple tout en formant des comités de soutien pour les intellectuels, les étudiants et les réfugiés issus des peuples opprimés au-delà de l'Europe.

L'une de ces initiatives fut le Comité de solidarité à la révolution kurde (CSRK) 14, né à Paris en 1963. Son président était un jeune chercheur français, Jean-Pierre Viennot, qui réalisait un doctorat sur le mouvement national kurde en Irak15. Soutenant ardemment la lutte nationale au Kurdistan irakien, les membres du comité étaient pour la plupart issus des minorités européennes, comme le rédacteur en chef du journal Le Peuple breton Yann-Cheun Veillard, le professeur d'histoire catalan à l'université de Barcelone Jordi Ventura, la membre du conseil d'administration du Mouvement nationaliste basque (Enbata) Kristiane Etchalus et le président du Parti nationaliste occitan François Fontan16. Ces militants des minorités européennes défendaient le droit à l’autodétermination, ici et ailleurs. À cette époque, comme le souligne Olivier Roy, on assistait à un tournant intéressant en France : la gauche du pays s’intéressait progressivement aux questions relatives aux minorités, aux langues et aux dialectes, et s’ouvrait au concept d'autochtonie, thèmes qui relevaient jusqu'alors d’une grammaire politique de droite. Les nombreux mouvements de ce type qui émergeaient en Irlande, au Pays basque et en Occitanie recrutaient au contraire la plupart de leurs membres parmi les militants de gauche. Comme l'indique Roy, le principal slogan de l'époque était dans ces cercles : « Vive la juste lutte du peuple [kurde, baloutche, irlandais, basque…] ! » 17. La publication du poème d'Alan Ward dans une collection liée au movement de reanaissance occitane d’après-guerre s'inscrit donc parfaitement dans cet internationalisme des minorités en plein essor dans les années 1960.

Après la publication du livre d'Alan Ward en 1964, le poème a été diffusé au sein du mouvement occitan. Pourtant, les Kurdes ne le découvriront que deux ans plus tard, lors du Festival des Nations organisé à la Cité Universitaire de Paris par des résidents issus de différentes nationalités minoritaires, le 19 juin 1966. Y participent quelques Kurdes ainsi que des membres du CSRK, dont Jean-Pierre Viennot18. À cette occasion, la « tente occitane » distribue un dépliant de trois pages intitulé « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan ». La Còrda Roja y est présenté comme un témoignage d'Alan Ward sur la période très difficile vécue par le peuple kurde sous l'oppression du régime militaire de Cemal Gürsel 19. Le dépliant contient également de nombreuses citations de dirigeants et personnalités turques, tels que Cemal Gürsel, Ismet Inönü et Mahmut Esat Bozkurt, attestant de la tragédie du peuple kurde à travers la négation de son existence et de son identité par l'État turc, ainsi que deux textes commentant le poème. L'un est rédigé par Yves Rouquette, ami occitan de Ward, qui y voit l'incarnation d'un esprit poétique s’exprimant aussi à travers l’usage des noms de personnes, de lieux et de villes, révélateur également de la douleur et de la protestation du poète face à ce dont il a été témoin20. Après un point d’actualité sur la situation de la révolution kurde en Irak et sa répression par l'État irakien, les auteurs du tract reconnaissent que, si le poème d'Alan Ward ne peut améliorer la situation des Kurdes, il restera comme un appel à la protestation fondé sur la fraternité des peuples et l'internationalisme, dénonçant non seulement les régimes oppressifs de Bagdad, Téhéran et Ankara, mais aussi les puissances mondiales qui ferment les yeux sur le « génocide du peuple kurde »21.

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Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

Alan Ward « découvert » : Silvio van Rooy et l’International Society Kurdistan

L'engagement d'Alan Ward auprès des Kurdes aurait pu se limiter à ce poème sans l’intervention d’un certain Silvio van Rooy. Van Rooy (1924-1982), éditeur et journaliste hollandais, également archiviste à la municipalité d'Amsterdam, mettait activement sa plume au service des questions religieuses et des minorités dans le sud de l'Europe ainsi qu'en Union soviétique et en Chine. Publié dans des revues et par des éditeurs néérlandais (mais pas seulement), parfois sous le pseudonyme Hans Weerd, van Rooy commença à s'intéresser aux Kurdes après avoir assisté à une conférence de l'intellectuel kurde en exil Kamuran Bedir Khan à Vienne en 1959. Peu après, en juillet 1960, il créa à Amsterdam, en coopération avec plusieurs journalistes et étudiants néerlandais, la Société internationale du Kurdistan (International Society Kurdistan,ISK ; en kurde Rêkxrawî Cîhanîy Kurdistan). L’ISK est Issue de l'activisme kurde en Europe, auquel le retour du leader kurde Mustafa Barzani en Irak en 1958 après son exil soviétique avait donné un nouvel élan. Le statut de fondation de l’ISK lui donne une existence légale. Sous la direction de van Rooy, cette Fondation se donnait pour objectif de « collecter et diffuser des informations sur les Kurdes et le Kurdistan, aider le mouvement national démocratique kurde, créer des liens de fraternité entre les Kurdes, leurs voisins et les nations du monde » 22.

Devenu en très peu de temps un ardent défenseur de la cause kurde, van Rooy établit un vaste réseau de kurdologues, d'intellectuels, d'étudiants, d'activistes et de réfugiés parmi les Kurdes et leurs amis, un réseau largement transnational23. S'appuyant sur ces relations il œuvra sans relâche : il collecta des informations pour la revue de la Société, Kurdish Facts, et alimenta sans trêve une série de bibliographies sur la kurdologie. C’est à son travail patient et exhaustif que l’on doit notamment la bibliographie la plus importante à ce jour sur la kurdologie, la « ISK's Kurdish Bibliography », publiée en deux volumes, en 196824. Tournée vers la promotion des activités scientifiques en kurdologie, surtout après 1965, l'ISK avait conçu divers projets, dont une Encyclopédie du Kurdistan, pour laquelle un grand nombre de documents furent compilés25.

Van Rooy était bien entendu également en contact avec d'autres associations kurdophiles, notamment le Comité de solidarité à la révolution kurde (CSRK) à Paris et son directeur Jean-Pierre Viennot. Il entretient une correspondance régulière avec ce dernier, qui lui envoie notamment des sources pour ses recherches bibliographiques. Dans une lettre adressée par Viennot à van Rooy le 21 avril 1966, celui-ci mentionne La Còrda Roja d'Alan Ward en occitan, « une langue parlée dans le sud de la France ».26 Van Rooy en demande alors un exemplaire auprès de l'Institut d'études occitanes, en vue de faire traduire le poème en kurde et en anglais et de le publier dans l'annuaire du Kurdistan (Kurdistan Yearbook 27. Jacques Taupiac, l'éditeur de la revue Letras d'Òc de l'Institut, lui répond avec enthousiasme : il enverra volontiers à van Rooy « le livre sur la lutte du peuple kurde contre les Turcs »28. Dans une lettre ultérieure, Taupiac communique à van Rooy l'adresse andorrane d'Alan Ward29.

Le 19 septembre 1966, van Rooy adresse sa première lettre à Alan Ward. Il y parle longuement des activités scientifiques et littéraires de la Société internationale du Kurdistan et lui demande la permission de publier La Còrda Roja dans l'Annuaire du Kurdistan, précisant que son poème serait accompagné dans le même numéro de ceux d'un poète ukrainien, Vassyl Symonenko, et d'un poète arabe, Muhammad Mahdi al-Jawahiri30. Il l’invite également à rejoindre la Société. Une semaine plus tard, Ward fait parvenir à van Rooy la traduction anglaise de son poème. Il déclare accepter avec plaisir son invitation à devenir membre de la section « Études scientifiques kurdes » de l'ISK31. C'est ainsi que débute une relation d'amitié et de travail entre les deux hommes, et que Ward se replonge sans délai dans l'étude de la langue et de la littérature kurdes, comme en témoignent les 37 lettres qu'il échange avec Silvio van Rooy entre septembre 1966 et décembre 196732. Cette relation se renforce avec la publication des livres d'Alan Ward (voir infra), qui se rend à Amsterdam pendant une semaine au début de l'année 1967, logeant chez van Rooy et effectuant des recherches à la bibliothèque de l'ISK pour ses projets33. Plus tard dans l'année, van Rooy ira à son tour en Andorre, séjournant chez Ward pour travailler sur leurs projets communs34. Cette collaboration fructueuse s’est concrétisée sous la forme de plusieurs traduction et travaux en kurdologie.

Alan Ward kurdologue et ses travaux linguistiques

L'intérêt d'Alan Ward pour les Kurdes et la kurdologie est donc double : un intérêt littéraire découlant directement de ses expériences personnelles au Kurdistan et un intérêt scientifique motivé par son implication dans les cercles de défense des droits des minorités et par sa découverte des mouvements politico-culturels kurdes en Europe.

Alan Ward, qui avait reçu une formation de linguiste en Irlande puis en Angleterre durant ses études universitaires, apprit en peu de temps le kurde kurmandji durant son séjour de 1960 à Diyarbakir , il fut donc introduit dans le monde de la kurdologie en Europe par Silvio van Rooy à la fin de l'année 1966. Van Rooy l'invita puis l’accueillit au sein de la Société internationale du Kurdistan, et l'encouragea à participer aux efforts de l'ISK pour promouvoir l'alphabet kurdo-latin « Hawar » dans la transcription du kurde35. L'accent mis sur l'alphabet Hawar est si fort au sein de l'ISK qu’il y est également utilisé pour écrire le kurde sorani au détriment de l'alphabet kurdo-arabe. Les usagers du kurde sorani se détourent de l’alphabet kurdo-arabe dans leurs efforts pour unifier l'écriture kurde autour de l'alphabet kurdo-latin. Plusieurs projets sont discutés au sein de l’ISK, parmi lesquels la publication d'un dictionnaire kurde complet de 50 000 mots en orthographe Hawar36 et d’une anthologie de poésie kurde37. Il est aussi question de la création d'une maison d'édition sous le nom de « Oppressed Nationalism Printed House »38, afin de mobiliser autour d’elle un front de kurdophiles, de Kurdes et de kurdologues. Voyant en Alan Ward un allié de choix pour établir le centre de kurdologie qu’il souhaite créer, van Rooy en entame les préparatifs et envisage même d'acquérir une machine à imprimer afin d’assurer l’activité éditoriale du futur centre. La coopération entre Ward et van Rooy ne tarde pas à porter ses fruits, sous la forme de plusieurs publications.

Mem û Zin : L'épopée nationale kurde

La première contribution d’Alan Ward à la kurdologie est l'édition d'une retranscription intégrale de l'épopée kurde Mem û Zin (« Mem et Zîn »), relevant jusque-là de la tradition orale. Celle-ci fut publiée en 1969 par l'ISK.39 Ward fournit une version « latinisée » du texte original, dans l'orthographe Hawar, accompagnée de la traduction anglaise correspondante. Le choix de Mem û Zîn parmi une kyrielle d’autres épopées léguées par la tradition orale doit beaucoup à la conviction d'Alan Ward, qui considère que « Mem û Zîn est la littérature kurde ». Il s’en explique dans la préface qu’il rédige pour la publication et souligne l’importance et la singularité de ce récit : Mem û Zîn se distinguerait du reste de « la vibrante culture orale et écrite kurde » par « un thème d'importance transcendantale qui la traverse ». Établissant un parallèle avec les mythes du monde grec, qui « naissent et renaissent un nombre incalculable de fois dans la bouche d'un narrateur », il affirme qu'« il y a potentiellement autant de variantes qu'il y a de Kurdes capables de raconter une histoire ». Reconnaissant qu'il en va de même pour d'autres grandes histoires d'amour du monde iranien, telles que Farhad et Shirin ou Layla et Majnun, il affirme avec emphase que Mem û Zîn « les surpasse toutes » par « la richesse de son action, le réalisme perspicace de sa caractérisation et, surtout, par son sens poignant de la tragédie40 ».

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Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

Éléments de kurde : Grammaire et lexique kurdes

Fort de la formation de linguiste reçue à Oxford qu’il a développée ensuite en autodidacte, Alan Ward s'est engagé dans la description grammaticale et la classification historique du kurde. Sa correspondance avec van Rooy révèle qu'il a établi des liens avec des linguistes de langue iranienne au Royaume-Uni et en Union soviétique41. En septembre 1967, il avait déjà rédigé quelques chapitres de son Elements of Kurdish42 (initialement en catalan, comme nous l’apprennent ses notes et ses lettres)43. L’année suivante, la préface de ce livre de grammaire kurde en préparation fut publiée dans Kurdish Facts44, accompagnée d'une description du contenu de l'ouvrage.45 Cependant, le volume reste à l'état de projet de prépublication (daté de 196846) et, pour des raisons inconnues, n’a pas été pas publié. Ward le reprendra en 1997 et on trouve dans ses archives le texte dactylographié de cette version révisée, demeurée inédite.

L’ouvrage de Ward présente plusieurs caractéristiques originales. Ward applique une orthographe kurde Hawar légèrement modifiée pour s’adapter au kurde du Nord (kurmandji) et au kurde central (soranî), aujourd'hui principalement transcrits en alphabet kurde latin et arabe respectivement, ce qui, comme il le dit à juste titre, est « la première tentative d'appliquer une orthographe unifiée dans l'alphabet latin au kurde dans son ensemble plutôt qu'à une seule variété de kurde »47. Il est également unique en ce sens qu'il présente la phonologie, la grammaire et le vocabulaire de ces deux principales variétés de kurde de manière comparative. Conformément aux objectifs fondamentaux de l'ISK et de son président Silvio van Rooy, ces ouvrages s'inscrivent clairement dans un effort plus général visant à unifier les Kurdes autour de valeurs et de représentations communes, comme ce fut le cas pour l'édition de Mem û Zin.

Dans la préface de Elements of Kurdish, Ward déplore les difficultés rencontrées pour obtenir des données fiables auprès de certains informateurs qui, dit-il, donnent des informations vagues. Il critique aussi la mauvaise interprétation et la déformation des données linguistiques par des chercheurs étrangers et autochtones, ainsi que par des gouvernements qui sont intervenus « pour assurer que, puisque les Kurdes n'existaient pas, il était inutile d'aller les interviewer »48. Il souligne sans détour qu'aucune étude dialectologique n'a été réalisée sur les principaux dialectes kurdes de Turquie et considère donc que sa connaissance du kurde de Diyarbakir, acquise lors de son séjour de quatre mois, est un atout pour remédier à ce déséquilibre, même s'il admet que son matériel se présente sous la forme de notes plutôt que de transcriptions systématiques de textes, car il avait initialement l'intention d'apprendre la langue uniquement pour communiquer, sans projet de description grammaticale.

La conceptualisation du kurde par Ward est entièrement fondée sur les résultats des études philologiques des langues iraniennes49, excluant ainsi le zazaki et le gorani en tant que langues distinctes et divisant le kurde en trois groupes de dialectes : nord (kurmanji), centre (sorani) et sud (kalhori et autres variantes). Il note également que, bien que de caractère iranien du nord-ouest, le kurde est considérablement proche de l’iranien du sud-ouest. Après avoir décrit avec précision les zones d'expression des trois variétés de kurde, il propose des classifications dialectales internes pour le kurde du nord et le kurde central50. En accord avec le linguiste britannique David N. MacKenzie, il souligne la nature plus conservatrice du kurde du Nord et mentionne la présence d’un « substrat de gorani » dans le kurde central pour expliquer sa différence d’avec le kurde du Nord ainsi que les variations interne au sein du kurde central, une hypothèse largement adoptée depuis par les linguistes des aires kurde et iranienne51.

Le manuel Elements of Kurdish est divisé en trois parties : phonologie, morphologie & syntaxe, structure lexicale. Dans la partie « phonologie », les sons du kurde du Nord et du centre sont présentés de manière comparative, avec quelques notes sur la structure des syllabes et l'attribution de l'accent. Dans la deuxième partie, le marquage grammatical des noms est présenté, avec parfois de fines variations dialectales. Enfin, d'autres catégories telles que les adjectifs, les pronoms, les chiffres, les verbes, les adverbes, les adpositions et les conjonctions sont décrites. Cette deuxième partie se clôt sur une brève série d’exemples de différents types de phrases, à titre d’illustration.

La troisième partie, consacrée à la structure lexicale, donne un bref aperçu des mots d'origine iranienne, des mots empruntés à l'arabe et au turc, ainsi que des « mots internationaux ». Il note les emprunts superflus au russe dans le kurde d'Erevan et signale des néologismes intéressants qui ont « surgi spontanément et ont été acceptés »52. L'une des contributions les plus intéressantes de cette partie réside dans un court article intitulé « Phonetic evolution from Middle Iranian to Kurdish » [évolution phonétique de l'iranien central au kurde], dans lequel l'auteur identifie les principaux changements sonores survenus dans l'histoire du kurde. Après la transcription de deux textes folkloriques, l’un en kurmanji, l’autre en sorani, on trouve un dictionnaire kurdo-anglais complet.

Dans cet ouvrage, Ward prend le kurmanji comme base et note les formes de mots en sorani et dans d'autres variantes. En kurmandji, où les noms sont genrés, il indique systématiquement leur genre (masculin ou féminin) . Sur le plan méthodologique, comme il le note dans sa préface, il s’est résolu à laisser de côté tout mot qu'il ne pouvait pas confirmer (concluant en admettant qu’ainsi, peut-être « le bébé [avait-il dans certains cas été] jeté avec l'eau du bain »53). En revanche, il ne s’est pas abstenu d'inclure dans son dictionnaire des emprunts au turc dans leurs formes familières, comme alçax « bas, humble » et arax « alcool », et de nombreux emprunts à l’arabe comme mukerrer « répété » et mumtaz « privilégié », qui ne figureraient généralement pas dans les dictionnaires kurdes modernes à tendance plus puriste. Il inclut également librement des néologismes dans son dictionnaire, comme aşê agir « centrale électrique » et bihîstok « téléphone », qui n'ont pas survécu depuis lors dans le kurde écrit standard. Le dictionnaire de Ward reste donc un ouvrage précieux sur lequel les lexicographes kurdes peuvent s'appuyer, du fait de son étendue et des équivalents pratiques qu’il donne en anglais.

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Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

« Zaza – a few notes »

Enfin, Alan Ward a également travaillé sur le zazaki. Lorsqu'il était à Diyarbakir, il avait deux élèves de langue zaza, auprès desquels il avait recueilli de nombreuses données linguistiques. Dans un manuscrit d'octobre 1966 intitulé « Zaza – a few notes »54, il esquisse une phonologie et une morphologie du zazaki ainsi qu'un lexique de base. Après avoir réitéré son objection au classement du zazaki comme une variété du kurde kurmanji, bien que celui-ci ait selon lui été « fortement influencé par une symbiose séculaire avec les Kurdes, beaucoup plus nombreux », il répertorie les sons principaux et décrit les principaux morphèmes et verbes de la langue. Dans le lexique, il présente des mots empruntés au turc, à l'arabe et au persan, et liste les mots iraniens partagés avec le kurmandji séparément de ceux qui ne sont pas partagés avec le kurmandji, énumérant également les mots zazakis et kurmandjis dont les « parents iraniens » n'ont pas été retracés. Dans une note finale, il souligne l'absence totale d'ouvrages sur le zazaki, à sa connaissance, et tire plusieurs conclusions qui restent valables à la lumière de nos connaissances actuelles en linguistique iranienne : à savoir que le zazaki est une langue iranienne occidentale, et qu'en ce qui concerne les changements sonores historiques, elle se rapproche davantage du kurmanji que du persan. Il termine avec une liste des caractéristiques qui distinguent le zazaki et le kurmanji du persan ainsi que de celles qui distinguent le zazaki du kurmanji.

En conclusion

Les connaissances approfondies d'Alan Ward sur le kurde et son analyse du kurde par rapport à la philologie iranienne sont frappantes, surtout si l'on considère qu'il s'est formé lui-même dans ces domaines sans aucune orientation et avec très peu de sources fiables. Ses contributions sont donc précieuses à la fois en tant que matériel primaire et comme l'un des premiers exemples de l'application de l'analyse linguistique moderne à la description des dialectes kurdes. Cependant, l'implication de Ward dans la kurdologie s'est brusquement arrêtée à la fin de l'année 1967. Son intérêt s'est probablement déplacé vers l'irlandais, puisqu'il a obtenu un doctorat en linguistique quelques années plus tard, en 1974, avec une thèse sur la structure grammaticale d'un dialecte irlandais intitulée The Grammatical Structure of Munster Irish55. Par la suite, il n'a publié que sporadiquement quelques travaux universitaires dans des revues.

En 1994, Alan Ward retourne en Anatolie, séjournant à Izmir. Mais l'année suivante, son entrée en Turquie est refusée, probablement parce qu'en raison de ses séjours à Diyarbakir en automne de 1960, de son ouvrage La Còrda Roja et de son implication dans la kurdologie quelque trente ans plus tôt, à l’heure du regain de la lutte nationale kurde, à la fois en Irak et en Turquie, il est considéré comme une menace potentielle pour la sécurité nationale. Cette visite a toutefois ravivé son intérêt pour les Kurdes et la langue kurde, car c’est en en revenant qu’il a entrepris la révision du manuscrit d’Elements of Kurdish. L’absence de publication et de diffusion de l’ouvrage ne lui ont cependant pas permis d’atteindre un public plus large et de se faire connaître des Kurdes avant sa mort en 2014.

La Còrda Roja de Ward a été, sans surprise, interdit d'entrée en Turquie par un décret du conseil des ministres du 27 août 196656, ce qui a retardé sa rencontre avec le public kurde de Turquie de plus d'un demi-siècle, jusqu'à sa parution dans une édition bilingue kurde-turc à Istanbul en 2021.57 Peu après, sa vie et son œuvre ont fait l'objet d'un documentaire réalisé par un média kurde du Kurdistan irakien58. C’est dans le même esprit que le présent article, dix ans après sa disparition, a tenté de rassembler les éléments de la trajectoire, de la vie et de l’engagement d'Alan Ward, ainsi que d’évaluer l'importance de ses contributions à la kurdologie d'un point de vue plus académique. Bien qu'avec cinq décennies de retard, « L'hommage kurde d’un Irlandais » a finalement atteint ses destinataires, dont quelques uns s’efforcent aujourd’hui de faire résonner la voix.

1 Les documents d'archives ont été collectés par Adnan Çelik dans le cadre du projet RUSKURD, dirigé par Etienne Peyrat et Masha Cerovic, et financé

2 Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam. https://search.iisg.amsterdam/Record/ARCH01952 (Dernière consultation

3 Fonds Ismet Chérif Vanly (ICV) 5546, Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne.

4 Fonds Kurdish Students Society of Europe (KSSE), l'Institut kurde de Paris.

5 Entretien avec Alan Ward Jr, le 3 avril 2020.

6 Voir aussi Alan Ward, La Còrda Roja, traduit par Alan Ward Jr. (CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017), 45.

7 Philippe-Jean Catinchi, « Robert Lafont, linguiste, écrivain occitan », Le Monde, 30 June 2009, https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/06/

8 Robert Lafont, La Révolution régionaliste (Paris, Gallimard, 1967) ; Robert Lafont, Décoloniser en France : les régions face à l’Europe (Paris :

9 M. Gündüz and A. Soydan Erdemir, « The place and importance of the Maarif Colleges in Turkish Education System », Research on Education and

10 Cf. Dilan Kaya, İlk Hatıra Son Anı. (2011) Documentary Film: https://vimeo.com/412496536 (Last access March 24th, 2023)

11 Alan Ward, Elements of Kurdish, Manuscrit inédit. (1968), 2.

12 Alan Ward, La Còrda roja, collection Messatges (n° 33), Institut d'études occitanes, 1964, p.4

13 Vijay Prashad, The Darker Nations : A People’s History of the Third World (New York : The New Press, 2008).

14 Adnan Çelik, « 1960’larda Kürdistan Özgürlük Mücadelesi ve Anti-Sömürgeci Gramerin Oluşumu », Kürd Araştırmaları Dergisi, No 2 (2020) : 6369.

15 Jean-Pierre Viennot, Contribution à l’étude de la sociologie et de l’histoire du mouvement national kurde (1920 à nos jours). (Doctoral

16 Çelik, « 1960’larda Kürdistan…», 64.

17 Olivier Roy, In Search of the Lost Orient: An Interview, translated by Olivier Mongin (Columbia University Press, 2017), 3637.

18 Lettre de Jean-Pierre Viennot à Silvio van Rooy, le 15 juin 1966, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952).

19 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 19 juin 1966, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952).

20 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 2.

21 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 4.

22 Pour des informations détaillées sur ces archives, voir Adnan Çelik, « Archives Silvio van Rooy et International Society Kurdistan (ISK)  »

23 Adnan Çelik, « The nexus of networking between the Kurds and Kurdologists during the 1960s and 1970s: The case of The Kurdish Students’ Society in

24 « Avec plus de neuf mille entrées, la présente bibliographie kurde n°1 est la plus importante sur le sujet à ce jour. Les entrées étant tirées de

25 Archive Silvio van Rooy (ARCH01952). Box n° 125.

26 Lettre de Jean-Pierre Viennot à Silvio Van Rooy, 21 avril 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

27 Lettre de Silvio Van Rooy à l'Institut d'études occitanes, 24 juin 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

28 Lettre de Jaques Taupiac à Silvio Van Rooy, 13 juillet 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

29 Lettre de Jaques Taupiac à Silvio Van Rooy, 7 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

30 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 19 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

31 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 25 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

32 International Institute of Social History, Amsterdam, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

33 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 5 décembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

34 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 2 aout 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

35 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 octobre 1966, Archive sSilvio van Rooy (ARCH01952).

36 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 août 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

37 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 24 aout, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

38 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 octobre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

39 Alan Ward, ed., Mem û Zîn = Mam and Zin: Kurdish national epic, translated by Alan Ward (Amsterdam: International Society Kurdistan, 1969).

40 Idem

41 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 6 septembre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

42 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 6 septembre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

43 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 8 octobre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

44 Alan Ward, « Diyarbekir and after », Kurdish Facts, February 1968, 34.

45 « Out: Summer 1968, Elements of Kurdish », Kurdish Facts, no 3 (1968) : 8.

46 Alan Ward, Elements of Kurdish (Northern and Central dialects), Manuscrit inédit. (Amsterdam : The Eurasia Press, 1968).

47 Ward, 1997, p.7

48 Ward, 2.

49 David N. Mackenzie. The origins of Kurdish. Transactions of the Philological Society No 60 (1961) : 86-86.

50 Ward, Elements of Kurdish, 1.

51 Cf. Opengin (2021: 607-611) pour une présentation complète de ce compte.

52 Ward, 1997, p.26

53 Ward, 1968, p.3

54 Alan Ward, « Zaza - a few notes », 9 October 1966, 1, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952)

55 Alan Ward. Review of The shape of English: Structure and history by Lass, Roger. Medium Aevum 58 (1989) : 320-321.

56 Başbakanlık Cumhuriyet Arşivi [Archives de la République de Turquie] - 030.10.01.02.198.61.12. La décision est réitérée dans la liste des livres

57 Alan Ward, Werîsê Sor – Kızıl Urgan, traduit et édité par Adnan Celik et Ergin Opengin (Istanbul : Avesta, 2021).

58 Werîsê Sor – La Corde rouge, Film documentaire réalisé par Horen Gharib (Rudaw Media Network, 2022).

Catinchi, Philippe-Jean, « Robert Lafont, linguiste, écrivain occitan », Le Monde, 30 June 009, https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/06/30/robert-lafont-linguiste-ecrivain-occitan_1213508_3382.html. (Last access March 24th, 2023).

Çelik, Adnan and Opengin, Ergin, « Pêşgotina amadekaran [Editors’ Introduction] », in Alan Ward, Werîsê Sor – Kizil Urgan, translated and edited by Adnan Celik and Ergin Opengin (Istanbul: Avesta, 2021), pp. 15-25.

Çelik, Adnan and Namik Kemal Dinc, La malédiction. Le génocide des Arméniens dans la mémoire des Kurdes de Diyarbekir, translated from Turkish by Ali Terzioglu and Jocelyne Burkmann, (Editions L’Harmattan, Paris, 2021).

Çelik, Adnan, « 1960’larda Kürdistan Özgürlük Mücadelesi ve Anti-Sömürgeci Gramerin Oluşumu », Kürd Araştırmaları Dergisi, No 2 (2020): 63‑69.

Çelik, Adnan, "Archives Silvio van Rooy et International Society Kurdistan (ISK)", RUSKURD (blog), 30 March 2020, https://ruskurd.hypotheses.org/607. (Last access 10 February 2023)

Çelik, Adnan, « The nexus of networking between the Kurds and Kurdologists during the 1960s and 1970s : The case of The Kurdish Students’ Society in Europe (KSSE) and The International Society Kurdistan (ISK) » (Workshop, Kurdish transnational networks between Western Europe, the Communist world and the Middle East in the 20th century, Istanbul, 13 December 2019), https://ruskurd.hypotheses.org/519. (Last access 10 February 2023).

Chyet, Michael, « And a Thornbush Sprang Up between Them: Studies on Mem u Zin, a Kurdish Romance. (University of California at Berkeley Dissertation, 1991).

Chyet, Michael, Ferhenga Birûskî: Kurmanji-English Dictionary. (London: Transnational London Press, 2020).

Cohen, Marcel and A. Meillet, eds., Les Langues du Monde (Paris : Librairie Ancienne Edouard Champion, 1924).

Gündüz, M. and Soydan Erdemir, A., « The place and importance of the Maarif Colleges in Turkish Education System ». Research on Education and Psychology, No 5(2) (2021): 246-266.

Kaya, Dilan, Ilk Hatira Son Ani. (2011) Documentary Film: https://vimeo.com/412496536 (Last access March 24th, 2023)

Lafont, Robert, La Révolution régionaliste (Paris, Gallimard, 1967) ; Robert Lafont, Décoloniser en France : les régions face à l’Europe (Paris : Gallimard, 1971).

Mackenzie, David N., « The origins of Kurdish », Transactions of the Philological Society No 60 (1961) : 86-86.

MacKenzie, David N., Kurdish Dialect Studies, Vol I., (Oxford: Oxford University Press, 1961b).

Opengin, Ergin, 2021. « The history of Kurdish and the development of literary Kurmanji », In H. Bozarslan, C. Gunes, & V.  Yadirgi (eds.), The Cambridge History of the Kurds (pp. 603-632), Cambridge University Press.

Prashad, Vijay, The Darker Nations: A People’s History of the Third World (New York: The New Press, 2008).

Roy, Olivier, In Search of the Lost Orient: An Interview, translated by Olivier Mongin (Columbia University Press, 2017).

van Rooy, Silvio and Tamboer, Kees, ISK’s Kurdish bibliography, Amsterdam: International Society Kurdistan, 1968.

Viennot, Jean-Pierre, Contribution à l’étude de la sociologie et de l’histoire du mouvement national kurde (1920 à nos jours), Doctoral Dissertation, École pratique des hautes études, 1969.

von Le Coq, Albert, Kurdische texte, Berlin : Gedruck in der Reichsdruckerei, 1903.

Ward, Alan, « Diyarbekir and after », Kurdish Facts, February 1968, 3‑4.

Ward, Alan, « Preface », in Mem û Zîn = Mam and Zin: Kurdish national epic, translated by Alan Ward, Amsterdam: International Society Kurdistan, 1969.

Ward, Alan, ed. Mem û Zin: Mam and Zin, Kurdish National Epic, Amsterdam, International Society Kurdistan [ISK], 1968.

Ward, Alan, Element of Kurdish (Northern and Central dialects), Unpublished Ms, Amsterdam, The Eurasia Press, 1968.

Ward, Alan, La Còrda Roja, translated by Alan Ward Jr, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017, 45.

Ward, Alan, Mem û Zîn = Mam and Zin : Kurdish national epic, translated by Alan Ward, Amsterdam : International Society Kurdistan, 1969.

Ward, Alan, Review of The shape of English : Structure and history by Roger Lass. Medium Aevum 58 (1989): 320-321.

Ward, Alan, Werîsê Sor – Kizil Urgan, Istanbul : Avesta, 2021.

1 Les documents d'archives ont été collectés par Adnan Çelik dans le cadre du projet RUSKURD, dirigé par Etienne Peyrat et Masha Cerovic, et financé par l'Agence Nationale de la Recherche - ANR. Pour en savoir plus sur ce projet, voir : https://ruskurd.hypotheses.org/ (Dernier accès le 24 mars 2023).

2 Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam. https://search.iisg.amsterdam/Record/ARCH01952 (Dernière consultation le 24 mars 2023)

3 Fonds Ismet Chérif Vanly (ICV) 5546, Bibliothèque Cantonale et Universitaire de Lausanne.

4 Fonds Kurdish Students Society of Europe (KSSE), l'Institut kurde de Paris.

5 Entretien avec Alan Ward Jr, le 3 avril 2020.

6 Voir aussi Alan Ward, La Còrda Roja, traduit par Alan Ward Jr. (CreateSpace Independent Publishing Platform, 2017), 45.

7 Philippe-Jean Catinchi, « Robert Lafont, linguiste, écrivain occitan », Le Monde, 30 June 2009, https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2009/06/30/robert-lafont-linguiste-ecrivain-occitan_1213508_3382.html. (Last access March 24th, 2023).

8 Robert Lafont, La Révolution régionaliste (Paris, Gallimard, 1967) ; Robert Lafont, Décoloniser en France : les régions face à l’Europe (Paris : Gallimard, 1971).

9 M. Gündüz and A. Soydan Erdemir, « The place and importance of the Maarif Colleges in Turkish Education System », Research on Education and Psychology, No 5(2) (2021) : 246-266.

10 Cf. Dilan Kaya, İlk Hatıra Son Anı. (2011) Documentary Film: https://vimeo.com/412496536 (Last access March 24th, 2023)

11 Alan Ward, Elements of Kurdish, Manuscrit inédit. (1968), 2.

12 Alan Ward, La Còrda roja, collection Messatges (n° 33), Institut d'études occitanes, 1964, p.4

13 Vijay Prashad, The Darker Nations : A People’s History of the Third World (New York : The New Press, 2008).

14 Adnan Çelik, « 1960’larda Kürdistan Özgürlük Mücadelesi ve Anti-Sömürgeci Gramerin Oluşumu », Kürd Araştırmaları Dergisi, No 2 (2020) : 6369.

15 Jean-Pierre Viennot, Contribution à l’étude de la sociologie et de l’histoire du mouvement national kurde (1920 à nos jours). (Doctoral Dissertation, École pratique des hautes études, 1969).

16 Çelik, « 1960’larda Kürdistan…», 64.

17 Olivier Roy, In Search of the Lost Orient: An Interview, translated by Olivier Mongin (Columbia University Press, 2017), 3637.

18 Lettre de Jean-Pierre Viennot à Silvio van Rooy, le 15 juin 1966, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952).

19 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 19 juin 1966, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952).

20 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 2.

21 « Un poème en langue occitane sur le Kurdistan », 4.

22 Pour des informations détaillées sur ces archives, voir Adnan Çelik, « Archives Silvio van Rooy et International Society Kurdistan (ISK)  », RUSKURD (blog), 30 March 2020, https://ruskurd.hypotheses.org/607. (Dernière consultation le 10 février 2023)

23 Adnan Çelik, « The nexus of networking between the Kurds and Kurdologists during the 1960s and 1970s: The case of The Kurdish Students’ Society in Europe (KSSE) and The International Society Kurdistan (ISK)  » (Workshop, Kurdish transnational networks between Western Europe, the Communist world and the Middle East in the 20th century, Istanbul, 13 December 2019), https://ruskurd.hypotheses.org/519. (Last access 10 February 2023)

24 « Avec plus de neuf mille entrées, la présente bibliographie kurde n°1 est la plus importante sur le sujet à ce jour. Les entrées étant tirées de quelque quarante [sic] langues différentes, c'est aussi la plus internationale. » Silvio van Rooy et Kees Tamboer, ISK’s Kurdish bibliography (Amsterdam: International Society Kurdistan, 1968).

25 Archive Silvio van Rooy (ARCH01952). Box n° 125.

26 Lettre de Jean-Pierre Viennot à Silvio Van Rooy, 21 avril 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

27 Lettre de Silvio Van Rooy à l'Institut d'études occitanes, 24 juin 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

28 Lettre de Jaques Taupiac à Silvio Van Rooy, 13 juillet 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

29 Lettre de Jaques Taupiac à Silvio Van Rooy, 7 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

30 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 19 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

31 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 25 septembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

32 International Institute of Social History, Amsterdam, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

33 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 5 décembre 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

34 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 2 aout 1966, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

35 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 octobre 1966, Archive sSilvio van Rooy (ARCH01952).

36 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 août 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

37 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 24 aout, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

38 Lettre de Silvio van Rooy à Alan Ward, 15 octobre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

39 Alan Ward, ed., Mem û Zîn = Mam and Zin: Kurdish national epic, translated by Alan Ward (Amsterdam: International Society Kurdistan, 1969).

40 Idem

41 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 6 septembre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

42 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 6 septembre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

43 Lettre d’Alan Ward à Silvio van Rooy, 8 octobre 1967, Archives Silvio van Rooy (ARCH01952).

44 Alan Ward, « Diyarbekir and after », Kurdish Facts, February 1968, 34.

45 « Out: Summer 1968, Elements of Kurdish », Kurdish Facts, no 3 (1968) : 8.

46 Alan Ward, Elements of Kurdish (Northern and Central dialects), Manuscrit inédit. (Amsterdam : The Eurasia Press, 1968).

47 Ward, 1997, p.7

48 Ward, 2.

49 David N. Mackenzie. The origins of Kurdish. Transactions of the Philological Society No 60 (1961) : 86-86.

50 Ward, Elements of Kurdish, 1.

51 Cf. Opengin (2021: 607-611) pour une présentation complète de ce compte.

52 Ward, 1997, p.26

53 Ward, 1968, p.3

54 Alan Ward, « Zaza - a few notes », 9 October 1966, 1, Archive Silvio van Rooy (ARCH01952)

55 Alan Ward. Review of The shape of English: Structure and history by Lass, Roger. Medium Aevum 58 (1989) : 320-321.

56 Başbakanlık Cumhuriyet Arşivi [Archives de la République de Turquie] - 030.10.01.02.198.61.12. La décision est réitérée dans la liste des livres interdits publiée dans un journal officiel, voir : « Yasak Kitaplar », Yeni Yayinlar Dergisi, no 12‑13 (1967).

57 Alan Ward, Werîsê Sor – Kızıl Urgan, traduit et édité par Adnan Celik et Ergin Opengin (Istanbul : Avesta, 2021).

58 Werîsê Sor – La Corde rouge, Film documentaire réalisé par Horen Gharib (Rudaw Media Network, 2022).

Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

Archive Silvio van Rooy, International Institute of Social History, Amsterdam

Adnan Çelik

Chercheur postdoctoral à l'Institut d'études avancées en sciences humaines (KWI), Universität Duisburg-Essen, Allemagne

Ergin Opengin

Chercheur postdoctoral à l’Université de Cambridge, Faculté des études asiatiques et du Moyen-Orient, Cambridge, UK