Chausida de Jòrgi Reboul

François Courtray

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François Courtray, « Chausida de Jòrgi Reboul », Plumas [En ligne], 3 | 2023, mis en ligne le 10 juin 2023, consulté le 30 décembre 2024. URL : https://plumas.occitanica.eu/682

En 1965 paraît le recueil Chausida, du marseillais Jòrgi Reboul, dans la collection Messatges liée à la revue Letras d’Òc, revue des lettres occitanes qui s’était substituée momentanément à Oc. Ce « choix » de poèmes en occitan, issu du travail de Reboul entre 1937 et le début des années 60, est le fruit d’une collaboration approfondie entre l’auteur et l’occitaniste Andrée-Paule Lafont ; l’adaptation française des textes est quant à elle confiée au poète Jean Malrieu. Le présent article vise à retracer l’historique du recueil Chausida, de sa conception jusqu’à sa diffusion, à travers l’étude de la correspondance de Reboul archivée au Centre international de recherche et de documentation occitanes de Béziers (CIRDOC). Il propose ensuite une courte analyse du contenu de l’ouvrage : poèmes choisis, étude de leur langue et étude de leur traduction. Il dresse enfin un panorama de sa réception au moment de sa sortie.

En 1965 pareisse lo recuelh Chausida, dau marselhés Jòrgi Reboul, dins la colleccion Messatges ligada a la revista Letras d'Òc, revista dei letras occitanas que s’èra momentanèament substituït a Oc. Aquel « causida » de poèmas en occitan, eissit dau trabalh de Reboul entre 1937 e la debuta deis annadas 60, es lo fruch d’una collaboracion aprigondida entre l’autor e l’occitanista Andrée-Paule Lafont ; l’adaptacion francesa dei tèxtes es fisada au poèta Jean Malrieu. Lo present article a per tòca de descriure l’istoric dau recuelh Chausida, de sa concepcion fins a sa difusion, per l’estudi de la correspondéncia de Reboul archivada au Centre internacional de recèrca e de documentacion occitanas de Besiers (CIRDÒC). Prepausa puei una corta analisi dau contengut l’obratge : poèmas causits, estudi de sa lenga e estudi de sa revirada. Dreiça enfin un panorama de sa recepcion au moment de sa sortida.

In 1965, the collection Chausida, by Marseille-based Jòrgi Reboul, was released in the Messatges series of the review Letras d’Òc, revue des lettres occitanes. This ‟choice” of poems in Occitan, resulting from Reboul’s work between 1937 and the beginning of the 1960s, is the outcome of a profound cooperation between the author and Occitanist Andrée-Paule Lafont. The French adaptation of the texts was entrusted to poet Jean Malrieu. This article aims to retrace the history of the Chausida collection, from its conception to its distribution, through a study of Reboul’s correspondence, archived at the Centre internacional de recèrca e de documentacion occitanas (CIRDOC) in Béziers. We then analyze the content of the book in summary fashion: selected poems, study of their language and study of their translation. Last, we present an overview of the volume’s reception at the time of its release.

Introduction

Militant et poète marseillais, Jòrgi Reboul (1901-1993) a joué un rôle majeur au XXe siècle dans la défense et la promotion de la langue et de la culture d’oc. Alors qu’il avait rejoint très tôt le Félibrige, son indépendance et son regard critique l’amènent rapidement à fonder sa propre association, Lou Calen de Marsiho [La Lampe à Huile de Marseille]1 qui, pendant près de 60 ans, rayonne sur la vie culturelle d’oc de Marseille et de la Provence. Après la Seconde Guerre mondiale, Reboul rompt peu à peu avec le Félibrige pour rallier officiellement le nouvel Institut d’Estudis Occitans [Institut d’Études Occitanes] (IEO) et le mouvement occitaniste au sein duquel il va œuvrer jusqu’à ses 80 ans.

Dans le domaine des Lettres, Reboul est surtout connu pour sa poésie, même s’il a également été dramaturge, chroniqueur et critique littéraire. Sa poésie, inscrite dans le double héritage de Mistral et des Troubaires marseillais, se montre d’emblée novatrice, en rupture avec les canons félibréens traditionnels, tant dans la forme, souvent proche du vers libre, que dans les thèmes choisis où le désir, l’esprit de liberté et la conscience de la fuite du temps impriment une couleur particulière aux dialogues qu’il instaure avec le monde.

Après pratiquement 30 années durant lesquelles Reboul ne fait plus paraître de recueil ― hormis la très courte plaquette en français Petite suite forézienne (Reboul 1944a) ―, l’année 1965 renoue avec les grands ouvrages d’avant-guerre qu’ont notamment été Sènso relàmbi [Sans répit] et Terraire nòu [Terroir nouveau] (Reboul 1932 et 1937). À cette date, Reboul publie en effet un nouveau recueil intitulé Chausida [Choix], dans la collection Messatges de la Revue des lettres occitanes, Letras d’òc (Reboul 1965a). Cet ouvrage est accompagné d’une préface d’Andrée-Paule Lafont et l’adaptation française des textes est assurée par Jean Malrieu.

Première de couverture du recueil Chausida

Première de couverture du recueil Chausida

La première partie de cet article sera consacrée à la façon dont le recueil a vu le jour, en collaboration étroite avec Andrée-Paule Lafont, et à la façon dont Reboul a su tirer parti de sa publication pour assurer la promotion des engagements militants qui lui tenaient à cœur. Seront ensuite évoquées les spécificités propres au recueil en terme de paratexte, de choix des poèmes, de mise en graphie classique et d’adaptation des textes en français. Enfin, la dernière partie du propos permettra d’aborder la question de la réception critique de l’ouvrage.

1.- La genèse du recueil Chausida

À l’occasion d’une session de dédicaces à la librairie Quartier Latin de Marseille, Jòrgi Reboul déclare en plaisantant à propos de Chausida : « C’est mon ‟digest” » (Gros 1966). Si l’on s’en réfère à la définition de ce terme, ce recueil doit donc, de l’avis de Reboul, être considéré comme un petit volume permettant d’avoir un aperçu en condensé de son œuvre poétique.
Cette présentation ne permet toutefois pas d’avoir une vision concrète de la façon dont l’ouvrage a été conçu. De fait, loin d’être le résultat d’un travail solitaire de Reboul, Chausida est le fruit d’une collaboration assidue entre le poète et A.-P. Lafont, épouse de l’occitaniste Robert Lafont, avec laquelle il est en relation de travail depuis des années. La réalité et l’ancienneté de cette collaboration sont largement attestées par la correspondance que Reboul entretient avec les époux Lafont depuis au moins le milieu de la Seconde Guerre mondiale, correspondance conservée dans les archives du CIRDOC sous les références LAF.0/67 et LAF.H.0572.

Le dossier LAF.0/67 reprend la correspondance générale échangée entre Reboul et R. Lafont, la période nous intéressant plus spécifiquement étant la période 1959-1966. Le dossier LAF.H.057 est pour sa part davantage centré sur la préparation du recueil Chausida et contient en particulier des exemplaires dactylographiés de nombreux poèmes de Reboul finalement publiés dans le recueil Chausida ainsi que des versions manuscrites desdits poèmes (versions occitanes mais surtout versions françaises), retranscrites de la main d’A.-P. Lafont3.

Version dactylographiée en graphie mistralienne du poème « Nòuturno » (dossier LAF.H.057)

Version dactylographiée en graphie mistralienne du poème « Nòuturno » (dossier LAF.H.057)

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Version manuscrite en français du poème « Nocturne » (dossier LAF.H.057)

Version manuscrite en français du poème « Nocturne » (dossier LAF.H.057)

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Version manuscrite en graphie occitane du poème « Nocturn » (dossier LAF.H.057)

Version manuscrite en graphie occitane du poème « Nocturn » (dossier LAF.H.057)

Au moment de la préparation de Chausida, cela fait déjà longtemps que Reboul a pris l’habitude de travailler avec A.-P. Lafont. Dans une lettre adressée à R. Lafont le 8 février 1960, Reboul demande ainsi si Madame Lafont pourrait retranscrire en graphie classique ses poèmes « Marignane » et « Art pouetique » (Reboul 1960a) : « Es que DONO ANDRE PAULO mi pourrié pas manda moun ‟MARIGNANO” emé la grafio de l’I.E.O. e si carga… pecaire ! de la bouta à moun ‟Art pouetique” […] ? » [Est-ce que MADAME ANDRÉE-PAULE ne pourrait pas m’envoyer mon « MARIGNANE » avec la graphie de l’IEO et se charger… pecaire ! de la mettre à mon « Art poétique » ?]

Ce recours à un tiers pour la mise en graphie classique de ses textes semble être habituel chez Reboul. La même année, il écrit en effet à R. Lafont avoir eu le plaisir de retrouver dans la revue Oc plusieurs de ses trobo « habillées à l’occitane » (Reboul 1960c) : « Ai remira dins Oc darnié, coutrìo emé de bèi pouèmo, mei trobo abihado à l’oucitano. Gramaci courau. » [J’ai admiré dans le dernier Oc, au côté de beaux poèmes, mes trobo habillées à l’occitane. Un grand merci cordial]. Quoique ce ne soit pas indiqué par la lettre, il est probable qu’A.-P. Lafont ait là encore été à l’origine de l’adaptation de ces poèmes en graphie classique car on retrouve, en annexe d’une lettre que Reboul lui écrira trois années plus tard, une demande de celle-ci pour qu’il lui fasse parvenir la traduction française des poèmes « La sèrp-volanta » [« Le cerf-volant »] et « Imne a la fuèlha blanca » [« Hymne à la feuille blanche »] en vue de leur publication dans la revue Oc4.

Les rapports entre Reboul et A.-P. Lafont ne se limitent toutefois pas à ces simples échanges de services. À l’évidence, A.-P. Lafont apprécie la poésie de Reboul de longue date et souhaite la mettre en valeur.
Ainsi, en 1963, au XIIe stage pédagogique et culturel d’été organisé par l’IEO, elle consacre une longue intervention à l’œuvre de Reboul, preuve de tout l’intérêt qu’elle lui porte (Lafont 1963).
De la même façon, lorsqu’elle fait paraître en 1962 son Anthologie de la poésie occitane 1900-1960, elle ne manque pas de réserver une place de choix à Reboul. Trois poèmes sont reproduits, en graphie mistralienne et avec traduction française de l’auteur : « Marignano » [« Marignane »], « Lou pus bèu de mei pouèmo » [« Le plus beau de mes poèmes »] et « Terraire nòu » [« Terroir nouveau »] (Lafont 1962, 204-211). Ces reproductions sont en outre accompagnées d’une présentation sommaire de la biographie de Reboul et de son inscription plus globale dans la poésie d’oc contemporaine (op. cit 166-167 et 204).
Dès lors, compte tenu de l’expérience déjà acquise par A.-P. Lafont dans le domaine des anthologies et eu égard aux liens étroits qui unissent depuis longtemps Reboul aux époux Lafont, les conditions sont réunies pour qu’une étroite collaboration se mette en place entre Reboul et A.-P. Lafont dans la conception du nouveau recueil du poète.

1.1.- La préparation du recueil

Les premiers échanges de Reboul avec les époux Lafont faisant directement allusion à la préparation de Chausida remontent à l’année 1963.
Reboul adresse tout d’abord à A.-P. Lafont une bibliographie détaillée de son œuvre, sur une feuille à l’en-tête de la Caisse primaire de sécurité sociale, non datée (Reboul 1963a)5. Il y fait état, en différentes rubriques, de ses trobo, de ses pièces de théâtre, des préfaces qu’il a rédigées ainsi que des vers et proses parus dans diverses revues.
Les courriers suivants entrent véritablement dans le vif du sujet et ont pour objet de déterminer le choix des poèmes qui doivent composer Chausida. Ils abordent également la question des traductions.

1.1.1.- Le choix des poèmes

La première lettre date du 20 septembre 1963. En réponse semble-t-il à une demande d’A.-P. Lafont, Reboul tente de dresser la liste de ses poèmes depuis 1937 (Reboul 1963b). Il fait d’abord état de deux textes peu connus, « La sèrp-voulanto » et « Inne à la fuèio blanco », déjà en possession de R. Lafont.
Dans l’attente d’une consultation de ses exemplaires de la revue Marsyas, Reboul cite ensuite un certain nombre de « Proso geougrafico » [« Proses géographiques »] qu’il avait confiées à Claude Barsotti pour leur mise en graphie classique6 : « Julieto d’Issel » [« Juliette Dissel »7] (5-02-1963) ; « Robur » [« Robur »] (7-02-1963) ; « Pensatiéu es toun ande » [Ta démarche est pensive] (25-02-1963)8 ; « Encuei » [« Aujourd’hui »] (7-05-1963). Il ajoute dans cette même série les poèmes « Coa-Rasa » [« Coaraze »]9 ; « Gorjas [Gòrjas] Nègras » [« Gueules noires »] ; et « Una fr. cl. de clarta » (« Una frema clafida de clarta ») [« Une femme pleine de clarté »]10. Il précise qu’A.-P. Lafont doit déjà tous les avoir.

Reboul donne enfin une liste de poèmes plus anciens : « Pèr Gil » I, II, III e IV [« À Gil »] ; « Ma terro » [« Ma terre »], « Espousc » [« Jaillissements »] et « Pèr dous cambarado de travai » [« Pour deux camarades de travail »] tirés des Cahiers du Sud ; « Dins lou mirau d’èstou matin » [« Dans le miroir de ce matin »] (1938) ; « Lou ciéune » [« Le cygne »] (1944) ; « Madalanen » [« Magdalanéen »] (1944) ; « Je ne veux devoir qu’à moi-même » et « À la mémoire de Paul Fritz Hein », tirés du livre d’or de l’auberge de jeunesse de Marseille-Allauch dont Reboul a été le créateur et père aubergiste de 1936 à 1943.
S’agissant de la façon de faire le tri dans ces propositions, Reboul s’en remet à l’appréciation d’A.-P. Lafont qu’il laisse libre de déterminer ce qui lui paraîtra plus ou moins bon : « Em’ acò ai l’espèr qu’em’ aquéu tout bèn de Diéu ! aurés la man fado pèr destria lou bouon dóu pas tant bouon ! ») [« Et ensuite j’ai l’espoir qu’avec celui-là tout bien de Dieu ! vous aurez la main heureuse pour discerner ce qui est bon de ce qui n’est pas si bon »].

De cette première liste seront retenus les poèmes « Per Gil » I [« À Gil »], « Esposcs », « Per dos cambaradas de trabalh », « En Andrieu Remacle » [« Pour André Remacle »] et « Magdalanenc ».
La seconde lettre date du 4 octobre 1963 (Reboul 1963c). Reboul semble s’y montrer plus désireux de prendre des initiatives dans les choix à effectuer.
Les poèmes parus dans ses grands recueils des années 30 et dans les numéros 195-196 et 200-201 de la revue Marsyas ne lui paraissent pas être prioritaires : « Parlen plus de Sènso relàmbi e de Terraire nòu… e dei Marsyas 195-196 e 200-201 que n’en retipon » [« Ne parlons plus de Sans répit et de Terroir nouveau… et des Marsyas 198-196 et 200-201 qui en reprennent »].
Dans sa nouvelle liste, Reboul témoigne d’une attention particulière pour le poème « Nòuturno » qui a également retenu l’attention d’A.-P. Lafont : « D’en proumié, vaqui moun Nòuturno que tant vous agrado » [En premier, voilà mon « Nocturne » qui vous plaît tant]. Peut-être cette prédilection tient-elle au fait que ce texte a été, selon les propos de Reboul, l’une de ses deux seules inspirations durant la guerre : « Es ma souleto ‟inspiracien”… dóu tèms de la Guèrro 1939-44… Emé Dei Roso Siegfried-Maginot que S.A. PEYRE óublidè dins sei cartoun » [C’est ma seule « inspiration »… de l’époque de la Guerre 1939-44… Avec « Des roses Siegfried-Maginot » que S.A Peyre a oublié dans ses cartons]11. Un consensus s’étant à l’évidence dégagé sur l’intérêt du poème, il sera effectivement retenu.
Reboul évoque ensuite une série de trobo ― sans doute une vingtaine ― qu’il a laissées à Mûrevigne chez Peyre et dont il ne trouve pas copie. Le sort de ces textes ne semble pas l’apitoyer outre mesure puisque, s’ils se sont égarés, c’est qu’ils ne devaient pas valoir grand-chose : « Laissèri tambèn à ‟Mûrevigne” uno pougnado de meis escri, que retròvi plus eici, segur uno vinteno de trobo se mi fìsi à-n-uno tiero que mi mandè S.A. PEYRE. Mai coumo lei recampa ?... Puei, es que valon pas gaire ! Basto ! » [J’ai aussi laissé à Mûrevigne une poignée de mes écrits, que je ne retrouve plus ici, sûrement une vingtaine de trobo si je me fie à une liste que m’a envoyée S.A. PEYRE. Mais comment les rassembler ?... Et puis, c’est qu’elles ne valent pas grand-chose ! Bref !]

En fin de lettre, Reboul dresse une liste complémentaire de poèmes qu’il dit joindre à son envoi : « Nòuturno » (Marsyas 241) ; « Pèr dous cambarado de travai » (Marsyas 251) ; « Chapitre de la mouart » (d°) [« Chapitre de la Mort »] [idem] ; « Pèr l’ome de la marteliero » (d°) [« Pour l’Homme à la Martelière »] [idem] ; « Erian setèmbre » [« C’était Septembre »] (1938 e Journau Fe) ; « Legèndo de Jóusè » [Légende de Joseph] (Calèndo 1947 [Noël 1947]) ; « La sèrp-voulanto » (14-07-1944) ; « Éu » [« Lui »] (Marsyas 295) ; « Au Felibrige » (d°) [Au Félibrige] [idem]12 ; « Ai enrega lou carreiroun » [« J’ai suivi l’étroit sentier »] & « L’a ’no man pichoto » [« Une petite main »] (d°) [idem] ; « Dei roso Siegfried-Maginot » [« Des roses Siegfried-Maginot »] (1938) ; « Inne à la fuèio blanco » [« Hymne à la feuille blanche »] (1951) ; « Dicho de la veuso » [« Discours de la veuve »] (1944) ; « Lou saume dei set ans » [« Psaume des sept ans »] (Oc). Reboul termine cet inventaire en précisant qu’il lui faudrait retrouver « À moun fraire » [« À mon frère »]13, dédié à Charles Camproux, que ce dernier doit avoir ; il en adresse pour l’heure simplement une traduction à A.-P. Lafont.

Des poèmes de cette lettre seront finalement retenus, outre « Nocturn » déjà évoqué : « Per dos cambaradas de trabalh », « Capítol de la Mòrt », « Per l’Òme de la Marteliera », « Eriam Setembre », « Eu », « Ai enregat lo carrairon » et « Li a una pichòta man ».
La troisième et dernière lettre date du 21 octobre 1963 (Reboul 1963d). Reboul y renvoie A.-P. Lafont vers deux séries de textes : son recueil Petite suite forézienne (Reboul 1944) et l’anthologie Two poets of the Midi [« Deux poètes du Midi »] qui contient les poèmes « Partirai » [« Je partirai »], « Pèr dous cambarado de travai » et « Lou Ciéune » (Leclercq 1947). De l’ensemble de ces poèmes seul sera retenu « Per dos cambaradas de trabalh » que Reboul cite ici pour la troisième fois et qui, dès lors, semble tout particulièrement lui tenir à cœur14.

À la suite de cette première liste, Reboul indique avoir finalement retrouvé un exemplaire de « À moun fraire » [« À mon frère »] qu’il joint à son envoi en graphie mistralienne, faute d’en retrouver l’adaptation en graphie classique. Toujours est-il que ce texte ne figurera pas dans le recueil.
Reboul transmet enfin quelques poèmes supplémentaires mais il précise que ce sont des vieilleries : « Ce que retròbi… es de vieiarié » [« Ce que j’ai trouvé… ce sont des vieilleries »]. Il s’agit de « En pensamen dei Mouart en mar » [« En commémoration des Morts en mer »] (1937), « Vers lou croues » [« Vers le tombeau »] (1938), « À Filadelfo de Gerdo » [« À Philadelphe de Gerde »] (1932), « En virant… » [« En tournant… »] (1937) et « La sereno » [« La sirène »] (1938). Il ajoute encore le poème « Lei chin » [Les chiens] (1937), indiquant qu’il pourrait retrouver d’autres textes du même genre ― celui des Troubaire Marsihés  [Troubaires marseillais] ― dans les Armana Marsihés de 1928 à 1939. Toutefois, il estime que ces poèmes seraient sans doute dépourvus d’intérêt et indignes du projet envisagé par A.-P. Lafont : « Coumo aquéstei ― dóu biais dei ‟Troubaire Marsihés” ― pouédi n’en destousca dins leis Armana Marsihés de 1928 à 1939. Mai crèsi bèn que serié de rafataio, e pas proun digne emé ce que voulès coumpli. » [Comme ceux-ci ― du style des « Troubaires Marseillais » ― je peux en dénicher dans les Armana Marsihés de 1928 à 1929. Mais je crois bien que ce serait du rebut, et pas assez digne de ce que vous voulez réaliser]. S’il fallait le préciser, au vu de cet avis qui les propose tout en les disqualifiant, ces textes ne trouveront pas leur place dans le recueil.
Reboul conclut sa lettre sur le fait que ces recherches lui demandent un gros travail mais qu’il est vraiment ravi de participer à l’entreprise : « Mi fès faire uno bello bugado… mai, vous l’ai di, n’en siéu ravi !» [Vous me faites faire une belle lessive… mais, je vous l’ai dit, j’en suis ravi !].

Lettre de Reboul du 21 octobre 1963

Lettre de Reboul du 21 octobre 1963

1.1.2.- La question des traductions

L’étude des lettres échangées entre Reboul et les époux Lafont permet de comprendre à demi-mot les raisons probables qui ont conduit Reboul et A.-P. Lafont à s’adjoindre la complicité de Jean Malrieu pour assurer la version française de Chausida.
Dès 1960, Reboul témoigne en effet dans une lettre à R. Lafont combien lui coûte le travail d’adaptation en français de deux de ses poèmes. Cet exercice lui demande de se creuser terriblement la cervelle et il semble le considérer plus comme une punition (un pensum) que comme un moment de plaisir. Le résultat ne lui semble d’ailleurs pas extraordinaire et il invite avec humour son éminent ami R. Lafont, alors professeur agrégé de lettres classiques, à y apporter des retouches s’il l’estime nécessaire, en particulier pour corriger la qualité de son parler marseillais (Reboul 1960b) :

Me demandes uno causo « terriblo »… la viraduro francihoto… de 2 de mei trobo proun fantasiouso… Mi siéu, vertadieramen, cava lei cervello… à-n-ètsre ensuca… emé lou caud que ploumbo… Mai vaqui, Moussu lou Professour, lou « pensum » de voueste escoulan-oucitanoufile… Mete-li la darriero man… N’en serai pas facha, pèr castiga mei massalia-outisme ! (anàvi marca : Autisme !!!)

[Vous me demandez une chose « terrible »… la traduction en français du Nord… de 2 de mes trobos assez fantaisistes… Je me suis, véritablement, creusé la cervelle… à en être assommé… avec la chaleur plombante… Mais voilà, Monsieur le Professeur, le « pensum » de votre écolier-occitanophile…. Mettez-y la dernière main… Je n’en serai pas fâché, pour corriger mes marseillotismes ! (j’allais marquer : Autisme !!!)]

De manière nettement plus éloquente encore et directement en lien avec Chausida, Reboul réitère ce même désintérêt pour la mise en français de ses textes dans la lettre qu’il adresse à A.-P. Lafont le 21 octobre 1963 (Reboul 1963d).
Comme A.-P. Lafont le lui avait demandé, il joint à son courrier deux traductions (la lettre ne précise pas de quels poèmes il s’agit) : « Vaqui dounc lei viraduro que m’avès demandado. » [Voici donc les traductions que vous m’avez demandées]. Plus que cette information factuelle, le détail intéressant est le commentaire subséquent de Reboul dans lequel il précise qu’il ne pensait pas que ces traductions fussent nécessaires et qu’à vrai dire, il n’en avait que faire : « Cresiéu qu’èron pas necito. E mi n’en foutiéu !!!! » [Je croyais qu’elles n’étaient pas indispensables. Et je m’en fichais !!!].
Reboul précise ensuite qu’il a réalisé deux versions françaises du poème « Pèr Gil » [« À Gil »], celle publiée dans la revue Départs et une autre, semble-t-il déjà en possession d’A.-P. Lafont : « L’a 2 viraduro de ‟Pèr Gil” : aquelo de ‟Départs” qu’es de iéu, segur ! e l’autro (de iéu tambèn) que vous arrestè. » [Il y a 2 traduction de « À Gil » : celle de « Départs » qui est de moi, bien sûr ! et l’autre (de moi aussi) qui vous a arrêté]. Devant sa difficulté à choisir, il laisse à A.-P. Lafont toute liberté d’arbitrer sur celle qu’elle estimera la meilleure : « Chausirés la mihouro ! » [Vous choisirez la meilleure !].
Reboul profite enfin de cette lettre pour indiquer que la traduction du poème « Setèmbre erian » lui donne beaucoup de difficultés et qu’il n’aurait rien contre l’aide d’A.-P. Lafont : « Setèmbre erian » mi douno foueço mau… E si li baiavias d’ajudo, vous fariéu pas lou contro. » [« C’était Septembre » me donne beaucoup de mal… Et si vous lui donniez de l’aide, je n’aurais rien contre].

On le voit au regard de ces quelques extraits très révélateurs, la traduction était loin d’être la préoccupation première de Reboul ; non seulement elle ne l’intéressait pas spécialement, mais en plus, elle lui posait d’importantes difficultés. Ces différentes raisons pourraient en partie expliquer pourquoi, finalement, Reboul et A.-P. Lafont ont décidé de faire appel à un tiers pour la version française de Chausida.
Ce choix d’une allotraduction contraste avec les habitudes antérieures de Reboul qui, jusqu’alors, avait toujours assuré lui-même la traduction de ses textes, avec la collaboration officieuse mais attentive de son épouse, Gil Reboul15. Sans doute cette pratique lui avait-elle été plus dictée par des contraintes éditoriales que par un strict choix personnel. Il était notamment de coutume, dans les éditions et la revue Marsyas de Peyre, d’accompagner les poèmes en langue d’oc d’une version française. Or, dès les débuts de la carrière poétique de Reboul mais aussi par la suite, on trouve trace de très nombreux textes dépourvus d’une telle retranscription, preuve là encore que Reboul n’y attachait guère d’importance : ainsi de ses trois premiers recueils de jeunesse À couar dubert [À cœur ouvert], Calignàgi [Galanteries] et Escapolon [Échantillon] (Reboul 1928, 1929 et 1930) ; ainsi également de l’ensemble des poèmes parus dans la revue Oc, de 1927 à 1976.
Comment le choix de Malrieu a-t-il finalement été arrêté par Reboul et A.-P. Lafont ? Les documents à ce jour dépouillés ne permettent pas de répondre à cette question. La seule certitude est que Reboul le connaissait de l’époque de la Résistance, qu’ils avaient tous deux collaboré aux Cahiers du Sud dirigés par Jean Ballard ― Reboul a publié au sein de cette revue quatre poèmes, entre 1943 et 194416 ―, que la revue Action poétique qu’il avait contribué à fonder publiait des poètes occitans et qu’il bénéficiait déjà d’un renom certain en raison de son prix Apollinaire de 1953.
Exception dans la carrière poétique de Reboul, ce choix d’une allotraduction ne sera réitéré qu’une seule fois, au milieu des années 80, lorsque le poète confiera la traduction de son pénultième recueil Pròsas geograficas [Proses géographiques] à son ami Jean-Marie Petit (Reboul 1985).

1.2.- Le suivi de la sortie du recueil

Reboul ne se contente pas de veiller à la préparation de Chausida en discutant avec A.-P. Lafont du choix des poèmes. Il assure aussi tout le suivi de l’ouvrage, de son impression à sa diffusion.
Les documents actuellement disponibles ne permettent pas d’avoir d’informations précises sur l’exacte chronologie de la sortie de Chausida. Quelques informations sont malgré tout disponibles.

On retrouve tout d’abord dans les archives du CIRDOC une carte postale que Reboul adresse à R. Lafont le 15 juin 1965 dans laquelle il lui demande d’informer son épouse que Reboulin, l’imprimeur d’Apt chargé de la reproduction de l’ouvrage, vient de lui faire part de ses conditions (Reboul 1965b) : « Digo à ta Damo que Reboulin vèn de mi douna sei coundicien pèr ‟nouesto” CHAUSIDA. » [Dis à ta Femme que Reboulin vient de me donner ses conditions pour « notre » CHOIX].
Ensuite, sur la page de garde gauche du livre, il est fait mention d’une fin d’impression le 15 octobre 1965 (« acabat de tirar lo 15 d’octòbre de 1965 ») [Fini de tirer le 15 octobre 1965].

Pages de garde du recueil Chausida

Pages de garde du recueil Chausida

À cela s’ajoute la première annonce de parution du recueil dans le numéro 2 de la revue Letras d’Òc en avril-juin 1965. Elle aurait figuré sur deux feuillets hors texte annexés à la publication, selon ce que rapporte Georges Ricard dans ses Tables signalétiques et analytiques de la revue Oc (Ricard 1985)17.

Enfin, une lettre que Reboul adresse le 9 janvier 1966 au secrétaire de direction de Lettres d’oc et de l’IEO permet de déduire que Chausida est probablement arrivé en librairie entre la fin de l’année 1965 et le tout début de l’année 1966 (Reboul 1966b) :

Notre brave Reboulin, d’Apt, vous a adressé le 3-1-66 : 50 exemplaires de Chausida numérotés de 351 à 400. J’ai tenu à vous réserver des exemplaires numérotés pour en faire bénéficier les clients de votre librairie d’oc et vos finances… Vous pourriez écouler ces Chausida à 8 F au lieu de 7 ― et bien indiquer le ‟relief” du numérotage pour les bibliophiles…

« Je vous ‟ferai” 4 F l’exemplaire, avec 4 F de bénéfice à l’I.E.O.

« Ayant assuré l’édition du Recueil, bulletins de souscription, envois, ‟prière d’insérer”, postage aux souscripteurs, service de presse, bandes d’envoi, etc… etc… je joindrai ‟les deux bouts” ― mais ne désire faire aucun bénéfice personnel avec Chausida.

Tellement que j’ai offert à chacun des 150 premiers souscripteurs (à 15 F et 10 F) un exemplaire ordinaire à 7 F pour les remercier !...

« Souscripteurs ou non, j’en suis à ma 280ème dédicace… Tous mes envois [portent ?] la fiche des ‟Publications de l’I.E.O.” que vous m’avez envoyée pour une bonne propagande de vos Éditions, notamment, dans les milieux qui ne sont pas les nôtres encore… ou qui nous sont toujours très opposés…

Au-delà de cette stricte question de date, la lettre présente plusieurs intérêts. Elle témoigne tout d’abord du souci de Reboul d’assurer l’approvisionnement des librairies, en prenant soin au passage de satisfaire des clients exigeants et bibliophiles (allusion au relief du numérotage : voir supra image n°2).
Elle témoigne aussi du fait que Reboul s’est occupé de toute la partie strictement commerciale de la diffusion, à l’instar d’une part importantes des auteurs publiés dans la collection Messatges.
Elle montre encore son peu d’intérêt à faire des profits grâce aux ventes, sa seule ambition réelle étant la large diffusion de ses écrits et le remerciement de ceux qui l’ont aidé grâce à leurs souscriptions.

Enfin, on relèvera que, même pris par son travail assidu de dédicaces et de promotion, Reboul n’en demeure pas moins un infatigable militant qui ne manque pas une occasion de promouvoir les causes lui tenant à cœur. En l’occurrence, il profite de la sortie de Chausida pour assurer une publicité à peu de frais à l’IEO en joignant aux expéditions de son recueil la fiche des publications de l’Institut, sans se soucier de l’éventuelle hostilité des destinataires ― les années 60 marquent une acmé dans les relations tendues entre l’IEO, le Félibrige et nombre d’associations provençales se réclamant du seul héritage mistralien.

Lettre de Reboul du 9 janvier 1966

Lettre de Reboul du 9 janvier 1966

Dans les semaines qui suivent, Reboul continue d’assurer la promotion du recueil par des sessions de dédicaces. Dans une lettre probablement datée du 2 février 1966 qu’il adresse à R. Lafont, Reboul évoque ainsi une invitation de la librairie marseillaise Quartier Latin pour le 24 février suivant. Cette séance sera accompagnée d’une exposition de divers livres en vitrine, du 17 au 24 du même mois (Reboul 1966c). Reboul profite de sa lettre pour rappeler qu’il a fait parvenir 150 exemplaires gratuits du recueil aux souscripteurs, ainsi que 150 autres exemplaires en services de presse :

À la demando ― de mant un còup ― de la librarié « Quartier Latin » ― de Marsiho ― mi siéu puei decida de signa q/q eisemplàri (1) numerouta à 8 F (lei soulet que mi soubron !) de nouesto CHAUSIDA. Acò si passara lou 24/2 ― segoun lou brèu qu’aqui dintre. Mai, dóu 17 au 24/2, si tendra en vitrino dóu 68, Bd de la Liberacien, uno pichoto espausicien de libre nouestre.

N’ai manda 150 à gràtis ― pèr lei souscrivèire e 150 en servìci de Presso (tambèn à gràtis).

[À la demande ― plus d’une fois ― de la librairie « Quartier Latin » ― de Marseille ― je me suis ensuite décidé à signer quelques exemplaires (1) numérotés à 8 F (les seuls qui me restent !) de notre CHOIX. Cela se passera le 24/2 ― selon le résumé ci-joint. De plus, du 17 au 24/2, aura lieu en vitrine du 68, Bd de la Libération, une petite exposition de nos livres.
(1) J’en ai envoyé 150 gratuitement ― pour les souscripteurs et 150 en service de Presse (gratuitement aussi).]

À la même date, et dans une lettre pour Guy Martin18, Reboul rentre davantage dans le détail de l’exposition de livres (Reboul 1966d). Cette idée lui a été soufflée par Guy Martin afin de mettre en valeur d’autres auteurs. Reboul précise dans son courrier la liste des personnalités concernées : il s’agit de R. Lafont, de Charles Camproux, de Jean Larzac (pseudonyme de Jean Rouquette, frère d’Yves Rouquette) et d’A.-P. Lafont ― autant d’auteurs et militants d’oc qui sont des proches de Reboul :

Fènt mestié de ta flamo e fraternalo idèio d’espòusicien de libre oucitan au moument de la signaturo de n/ CHAUSIDA à Marsiho, siéu urous de t’avisa qu’aquesto si debanara de 17 à 19 ouro, lou Dijòu 24 de Febrié, 68 la Liberacien. Adurrai d’oubràgi de R. LAFONT, C. CAMPROUX, Jan LARZAC, A.P. LAFONT, etc… La mouestro si tendrié dóu 17 au 24 de Febrié.

[Profitant de ta brillante et fraternelle idée d’exposition de livres occitans au moment de la signature de notre CHOIX à Marseille, je suis heureux de t’informer que cela se déroulera de 17 à 19 heures, le Jeudi 24 Février, 68 la Libération. J’apporterai des ouvrages de R. LAFONT, C. CAMPROUX, Jean LARZAC, A.P. LAFONT, etc… L’exposition se tiendrait du 17 au 24 Février.]

2.- Les spécificités propres au recueil Chausida

Le recueil s’ouvre sur le titre Chausida, accompagné de la précision « poèmas de Jòrgi Rebol » [poèmes de Jòrgi Reboul]. Conformément à la formule du poète qualifiant lui-même l’ouvrage de « digest » (Gros 1966), il faut voir dans cet ouvrage un florilège de poèmes grapillés ici ou là, avec pour ambition première de proposer un aperçu varié de la production poétique de Reboul depuis son précédent recueil Terraire nòu [Terroir nouveau] en 1937 (cf. 1.1.1).
Deux axes complémentaires d’analyse permettront de décrire l’agencement interne du recueil, le paratexte et les poèmes eux-mêmes, tant dans leur choix que dans leurs caractéristiques linguistiques. L’aspect plus strictement littéraire de l’ouvrage sera quant à lui évoqué en dernière partie de cet article, à l’occasion de l’étude de sa réception critique.

2.1.- Le paratexte

Chausida s’ouvre tout d’abord sur une brève bibliographie de l’auteur, nettement plus synthétique que celle initialement esquissée (1.1, introduction). Elle reprend tout d’abord les recueils antérieurement publiés (avec d’ailleurs une quasi erreur concernant la parution du recueil Lindaus [Seuils], mentionné comme « à paraître » alors qu’en 1965, il était déjà acté de longue date que ce recueil ne verrait jamais le jour). Elle évoque ensuite diverses préfaces signées par Reboul puis liste en vrac le nom des supports dans lesquels ont été reproduites ses autres œuvres (théâtre, poésie, chroniques).
On notera le caractère très succinct des références qui se contentent de donner le titre des ouvrages et leur date de parution, sans plus de précisions ; s’agissant de la troisième rubrique, seuls sont cités les noms des supports, sans la moindre indication du numéro des revues, de leur date ou des pages concernées.

Bibliographie de Reboul

Bibliographie de Reboul

À la suite de la bibliographie se trouve une petite préface d’A.-P. Lafont. La présence de cette préface, et le fait qu’elle ait été rédigée par A.-P. Lafont elle-même, souligne, si besoin en était encore, son rôle prépondérant dans la conception du recueil et son investissement personnel certain. Reboul la remercie d’ailleurs chaudement, une fois encore, dans une lettre qu’il lui adresse le 9 janvier 1966 (Reboul 1966a) : « D’abord que vous sias proun afougado de nouesto CHAUSIDO vous fìsi aquest pichot parlamen amistadous emé l’I.E.O. ― Ai tout fa pèr un bèn… Voueste recounoueissènt » (suit la signature de Reboul) [Puisque vous vous êtes suffisamment enthousiasmée de notre CHOIX je vous confie cette petite conversation amicale avec l’IEO. ― J’ai tout fait au mieux… Votre reconnaissant].
Dans la table des matières du recueil, cette préface est sobrement intitulée « Paroles d’A.-Paule Lafont ». Si ce propos liminaire permet à A.-P. Lafont de donner une idée du contenu et de la tonalité de l’ouvrage, elle en profite surtout pour parler de l’œuvre de Reboul en général. Elle met en avant la conception qu’il se fait de la poésie en tant que « leçon sur la vie même », à même d’incarner une morale humaniste du désir et un dialogue ininterrompu avec les autres. Elle insiste par ailleurs sur les caractéristiques stylistiques propres au poète, son côté très direct et dru et le lien intime qu’entretiennent ses textes avec la marche et le « gravissement ».

C’est en Provence, son pays, qui n’a cessé de l’émerveiller, que Georges Reboul a pris conscience, et de ses rapports avec cette terre, et des rapports avec les hommes, de sa place au monde. Cela, il l’a dit, en poète, à l’âge des premiers éveils.
Présent à sa terre, mais à toutes les terres, ce que Reboul demande à la poésie, c’est une leçon sur la vie même. Ses poèmes sont à la fois des comptes rendus d’expériences et un appel du poète à soi, un rassemblement de son intelligence et de ses forces pour mieux nouer sa vie, une mobilisation de l’être tendu vers ses conduites par l’effort de sa « vigilance », de l’aparament, comme il l’a dit en sa langue dans un poème ancien.

Car la vie et la poésie, identifiées, sont conquête. Et d’abord désir. La poésie est donc morale. Cette vérité, qui n’est plus nouvelle, Georges Reboul l’énonçait en langue d’oc dès 1932, à sa manière rugueuse et franche. Au sens de ses poèmes d’alors, il est resté fidèle, sans que son effort ne se soit jamais crispé : la seule mesure, la seule vérité, c’est l’homme. Et l’homme est encore le créateur. Par lui s’ordonne et s’étalonne l’univers.
L’homme, qui n’est pas seul. L’homme qui rencontre l’autre, et d’abord rencontre l’homme d’oc. Qui, avec lui, engage le dialogue, et avec tous, et avec ceux de l’avenir. Le poème est d’abord cette voix qui se place : assez clair, assez haut, sans emphase, avec vaillance. Sans fin le poète dialogue : avec lui-même, avec la femme qu’il aime, avec la jeunesse, le camarade, la terre. Il raconte dans des raccourcis rudes. Il interroge dans l’inquiétude. Plus souvent il invite, commande, obtient de lui-même ou d’autrui, il promet, proclame, prophétise. L’image éclate parfois, mais retenue, enchâssée dans la dialectique de la phrase, charriée par elle. La phrase est lancée comme un jet, toujours plus près de l’injonction que de l’énonciation. Elle suit des rythmes de marche, de montée. Elle est gravissement. Car il y a toujours un chemin à conquérir, un au-delà de soi à connaître. À donner à connaître aussi.
Cet « espoir d’exister » sans contemplation ni complaisance, Georges Reboul, en publiant après si longtemps un choix de poèmes, nous dit qu’il ne cesse ni pour lui, ni pour les autres. Il nous communique sa certitude.
En fin d’ouvrage, suite aux poèmes, on trouve une table des matières bilingue, sur deux pages, reprenant le plan d’ensemble du recueil. Elle est sobrement intitulée « TABLE » dans sa version française et « TAULA » dans sa version occitane.

Table des matières

Table des matières

Suit en dernier lieu une liste des amis qui ont aidé à la parution du recueil : « Tiera deis amics qu’an ajudat l’espelida d’aquesta Chausida » [Liste des amis ayant aidé à la naissance de cette Chausida]. Cette liste est à rapprocher des 150 premiers souscripteurs mentionnés dans la correspondance de Reboul et auxquels il a fait parvenir un exemplaire gratuit du recueil. À noter toutefois que cette Tiera deis amics comporte plus que 150 noms et liste en outre, sous la référence « Bibliothèques », six entités qui des établissements à vocation pédagogique ou des associations.

Tiera deis amics [Liste des amis]

Tiera deis amics [Liste des amis]

2.2.- Les poèmes

S’agissant du cœur de l’ouvrage, il est composé de quatorze poèmes. On peut s’étonner d’un choix aussi restreint alors que Reboul n’avait plus eu l’occasion de publier de recueil depuis longtemps. Sans certitude absolue sur cette question, on peut néanmoins avancer deux éléments d’explication :
- Tout d’abord, le caractère anthologique de Chausida. La logique même de l’anthologie supposait la réalisation de choix, contradictoires avec une vaste présentation de la production poétique de Reboul entre 1937 et le milieu des années 60.
- Ensuite, et probablement surtout, les contraintes éditoriales liées à la collection Messatges. Fondée en 1942, sous les auspices de la Societat d’Estudis Occitans [Société d’Études Occitanes] puis sous ceux de l’IEO à partir de 1945, la collection manque de moyens. Ainsi que le relève Sylvan Chabaud dans un article consacré aux textes publiés dans cette collection durant la période 1951-1955 (Chabaud 2021) :

La collection Messatges fonctionne avec peu de moyens et ce sont bien souvent les auteurs eux-mêmes qui engagent de l'argent pour pouvoir réaliser l'édition. La volonté de produire une grande quantité de textes, de donner leur place à tous les auteurs (ils sont nombreux) du moment, va également dans le sens de la brièveté. Nous sommes alors dans une période de conquête : il faut déployer cette poésie, dans sa richesse, dans sa variété, afin d'asseoir les lettres d'oc, définitivement, au cœur de leur temps. Nous comprenons donc bien que les responsables de la collection aient opté pour des recueils brefs, mais denses.

Au moment de la parution de Chausida, il ne fait guère de doute que les conditions matérielles et financières de la collection n’ont pas changé et demeurent toujours précaires. En témoignent largement les propos déjà rapportés de Reboul lorsqu’il écrit avoir lui-même « assuré l’édition du Recueil, bulletins de souscription, envois, prière “d’insérer”, postage aux souscripteurs, service de presse, bandes d’envoi », très probablement dans l’optique de diminuer au maximum les frais (Reboul 1966b).

2.2.1.- Caractéristiques générales

Qu’en est-il des poèmes effectivement présentés dans le recueil ? La plupart sont des rééditions de textes déjà parus précédemment dans diverses revues, essentiellement Marsyas et Les Cahiers du Sud :
- « Nocturn » (Marsyas, n°241, janvier 1946, 1204) ;
- « Plòu » (Marsyas, n°241, janvier 1946, 1204) ;
- « Li a una pichòta man » (Marsyas, n°295, juillet-août 1952, 1800) ;
- « Per Gil » (Départs, revue mensuelle de l’école normale de Nîmes, n°2, juillet 1939 ; Marsyas, n°251, janvier-février 1947, 129319) ;
- « Ai enregat lo carrairon » (Marsyas, n°295, juillet-août 1952, 1800) ;
- « Per l’Òme de la Marteliera » (Marsyas, n°251, janvier-février 1947, 1295) ;
- « Per dos cambaradas de trabalh » (Cahiers du Sud, n°265, avril-mai 1944, 244-247 ; Marsyas, n°251, janvier-février 1947, 1292) ;
- « Esposcs » (Cahiers du Sud, n°265, avril-mai 1944, 244-245 ; Marsyas, n°273, décembre 1949, première page) ;
- « Eu » (Marsyas, n°295, juillet-août 1952, p. 1799 ; Arts et livres de Provence, n°45, IV, 1960, 82-83 ; Armana prouvençau, 1962, 41) ;
- « Capítol de la Mòrt » (Marsyas, n°251, janvier-février 1947, 1294-1295).

On relève néanmoins quatre textes totalement nouveaux, non datés : « En Andrieu Remacle », « Eriam Setembre », « Magdalanenc » et « Glaudi Barsòtti ».
On notera que, selon une habitude très fréquente de Reboul, la moitié des poèmes sont dédiés à des proches ou à des maîtres qui ont compté pour lui.
On retrouve ainsi deux poèmes consacrés à son épouse, le très explicite « Per Gil » mais aussi le poème « Plòu » dont Reboul parle longuement dans le film d’Henry Moline Jòrgi Reboul. A Trets, un jorn que bufava lo Mistral… [Jòrgi Reboul. À Trets, un jour que soufflait le Mistral…] (Moline 1974)20.
On retrouve également : un poème dédié à la mère du poète (« Capítol de la mòrt » ; un autre au journaliste, romancier et poète André Remacle (« En Andrieu Remacle » [« Pour André Remacle »]) ; un au journaliste et ami Claude Barsotti (« Glaudi Barsòtti ») ; un au poète et ancien pygmalion de Reboul Sully-André Peyre (« Per l’Òme de la Marteliera ») ; un dernier, enfin, dédié à l’initiateur de la renaissance d’oc au XIXe siècle, Frédéric Mistral, et sobrement intitulé « Eu », titre alliant à la fois laconisme et emphase.

Autre détail important à remarquer, deux innovations formelles majeures sont mises en œuvre pour la première fois dans Chausida. Ces innovations sont d’autant plus notables qu’elles accompagneront régulièrement Reboul dans la suite de ses publications poétiques.
En premier lieu, trois des poèmes (« Plòu », « Eriam Setembre » et « Capítol de la Mòrt ») optent pour des mises en page très sophistiquées, avec alternance de centrages, d’alinéas et/ou de retraits, contrairement aux habitudes de Reboul qui privilégiait jusqu’alors une simple justification à gauche ou un centrage.
Ensuite, pour tous les textes du recueil, les virgules ont été systématiquement remplacées par des espaces longs. Cette innovation est d’autant frappante lorsque l’on compare la ponctuation des poèmes réédités dans Chausida avec leurs versions antérieures.
À titre illustratif, je reproduis ici le poème « Plòu » qui donne un bon exemple de ces deux types d’innovations.

Reproduction du poème « Plòu »

Reproduction du poème « Plòu »

Enfin, s’agissant de l’aspect linguistique, selon la tradition propre à la collection Messatges qui se veut accessible aux non-occitanophones, les poèmes sont présentés de façon bilingue : sur les pages de gauche, on trouve la version française de Malrieu, en italique ; et en regard, sur les pages de droite, en romain, les textes occitans de Reboul, uniformément rédigés en graphie classique ― les poèmes déjà publiés l’avaient tous été en graphie mistralienne.

2.2.2- Caractéristiques linguistiques

Compte tenu des choix éditoriaux propres à Chausida qui diffèrent pour beaucoup des choix antérieurs de Reboul ― usage de la graphie classique et recours à l’allotraduction ―, il se justifie de consacrer quelques développements aux aspects plus spécifiquement linguistiques du recueil.

2.2.2.1.- Les particularités de la version occitane des poèmes

La collection Messatges relevant de l’IEO, il n’est guère surprenant que les poèmes soient présentés en graphie classique qui est la graphie prônée par l’Institut depuis sa création. Reboul a déjà eu recours à la graphie classique au cours de sa carrière21 ; toutefois, sa graphie de prédilection n’en est pas moins demeurée la graphie mistralienne dans laquelle a jusqu’alors paru la très grande majorité de ses textes.
J’ai largement eu l’occasion de détailler, dans ma thèse de doctorat, combien, sous des questions graphiques, pouvaient se cacher de façon plus insidieuse des infléchissements dialectaux, le passage d’une graphie à l’autre étant souvent l’occasion de modification/standardisation de la langue de l’auteur, notamment au gré de contraintes éditoriales (Courtray 2020, 361-366 essentiellement).

On peut donc se demander dans quelle mesure l’emploi de la graphie classique dans Chausida n’a pas justement été l’occasion de telles modifications linguistiques.
De toute évidence, et comme en attestent les grands recueils de la « période classique » publiés par Reboul dans les années 30 (Reboul 1932 et 1937), la langue véritablement propre au poète, celle qu’il revendique comme son canon littéraire personnel, est l’occitan provençal maritime dans sa version marseillaise. Dans une lettre qu’il adresse à Alban Bertero durant les années 50, Reboul écrit ainsi (Reboul 195?) :

On parle peu provençal à Marseille ; mais encore assez dans nos banlieues et partout dans nos terres. Nos « mainteneurs » par un goût d’exotisme ― que j’ai eu en son temps !... ― s’en tiennent pour la plupart au rhodanien assez livresque. Ils devraient pourtant retrouver leur source dans la Pastorale Maurel ― à apprendre par cœur pour l’aisance ― et dans Nouvè Granet pour le vocabulaire et la force. Ils ne seraient alors pas aussi loin du PEUPLE qui, lui, maintient ! Depuis 15 ans, les quelques 16 STAGES ruraux du Calen nous ont rapprochés du PEUPLE, et nous ont fait constater les ressources immenses et méconnues de nos « patoisants ». Ces « patoisants » possèdent vraiment notre langue. Mais ils ont un complexe d’infériorité devant ceux-là même qui se disent être des Maîtres. Cette fausse position est désastreuse et le Félibrige qui s’exprime en zézéyant dans un dialecte étranger aux 9/10 de notre PEUPLE porte là une lourde responsabilité22.

Or, précisément, si l’on compare la langue de Chausida à la référence du dialecte marseillais, un certain nombre de données intéressantes apparaissent. Certes, en apparence, on relève une fidélité d’ensemble avec les grands marqueurs du provençal maritime :

- La désinence -ei pour le pluriel : de tótei lei combors [« après les grands émois »]23 (« Nocturn » ; pèr tótei lei terraus [« pour tout l’univers »] (« Plòu ») ; ùnei mea culpa [« tous mes mea-culpa »] (« Eriàm Setèmbre ») ; en subre dei rodans [« Au-dessus de l’ornière »] (« Ai enregat lo carrairon ») ;
- Des pronoms personnels compléments en -i : si fau enanar [« il faut s’y rendre »] et espiga e mi rampèla [« porte le fruit et il m’appelle »] (« Nocturn ») ; quora si vira un pauc nòstrei solitud [« quand on se détourne tant soit peu »] (« En Andrieu Remacle ») ; mi tanca au solèu [« m’a traîné au soleil »] (« Li a una pichota man ») ;
- Une désinence en -i de la première personne de conjugaison : Champeiravi ais alenadas [« Ma poitrine contenait l’espace »] (« Li a una pichota man ») ; Alòr esclati [« Oui Je m’évade »] (« Per dos cambaradas de trabalh ») ; Ieu ti vesi [« Je t’ai vu »] (« Eu ») ;
- Une troisième personne du singulier des verbes anar et faire en -a au présent de l’indicatif : que va tombar [« prête à s’effeuiller »] (« Nocturn ») ; res mi fa plus rèn [« C’en est fait désormais »] (« Per dos cambaradas de trabalh ») ;
- L’adjonction d’un -e de soutien à la troisième personne du singulier de la plupart des verbes du troisième groupe au présent de l’indicatif : que resconde au rebomb de son sen [« puis cache au creux de son sein »], si prefonde [« elle tombe »] et La plaga si reduerbe [« Et sa plaie se débride »] (« En Andrieu Remacle ») ; ja s’estènde sa ramada [« Déjà s’allongent ses rameaux »] (« Magdalanenc »).

Toutefois, au-delà du premier coup d’œil, on relève des choix potentiellement moins respectueux de la langue de l’auteur. Il est tout d’abord possible de noter un certain nombre de modifications qui pourraient être imputables au passage de la graphie mistralienne à la graphie classique, laquelle, du fait de son caractère diasystémique, engendre ispo facto une normalisation graphique ― même si cela n’influe pas obligatoirement sur la réalisation phonétique.
- C’est le cas pour la préposition emé [avec] qui ― sous l’habillage de la graphie classique et sans que l’on sache si cela implique ou pas une tentative de standardisation de la langue ― oscille entre les formes amb et ambé. À noter qu’il ne semble pas y avoir eu d’attention portée à une cohérence véritable entre l’emploi de ces deux formes (pas de distinction claire selon que le mot suivant commence par une voyelle ou par une consonne) : amb teis uelhs [« tes yeux »] (« Plòu ») ; se t’afogas amb ton arma prompta [« si s’exalte ton âme prompte »] (« Per Gil ») ; amb lo còr dei causas [« au centre de la création »] (« Per l’Òme de la Marteliera ») ; ambé lei darriers cants [« avec le dernier chant »] (« Eriàm Setèmbre ») ; ambé lei francs amics [« avec mes loyaux amis »] et ambé d’aubres cantant [« arbres chanteurs »] (« Capítol de la mòrt ») ;

- Dans le même ordre d’idées, le suffixe [ʤi] est systématiquement retranscri -tge : dins lo caratge dei Meissons [« dans le visage de la moisson »] (« Nocturn ») ; glòria de ton reinatge [« gloire de ta puissance »] (« Li a una pichota man ») ;
- Dernier exemple, le recueil utilise uniquement la terminaison -as pour marquer la désinence de la deuxième personne du singulier des verbes du premier groupe, au lieu du -es traditionnellement employé par Reboul. Là encore, il est très probable qu’il ne s’agisse que d’un effet graphique, sans recherche d’une réelle normalisation phonétique : tu tanben n’agantas un [« Toi aussi tu en as pris un »] (« Ai enregat lo carrairon ») ; davalas d’un ritme aicita recampat [« close en tes hanches tu vas vers »] et rescòntras una fes ton ora [« ta vie s’est révélée »] (« Per Gil ») ; barutlas . encambas [« tu vas et viens ..arpentes »] (« Glaudi Barsòtti »).

Plus gênant, lorsque l’on compare les textes du recueil Chausida avec ceux ayant déjà fait l’objet d’une publication, force est de relever d’évidentes inflexions révélatrices d’un choix délibéré de normalisation linguistique :
- Le pronom démonstratif neutre ce ― le seul jamais employé par Reboul dans tous ses textes en graphie mistralienne ― est systématiquement retranscrit çò : çò qu’es aquí dessota [« ce qui est resté caché »] (« Glaudi Barsòtti ») ; de çò que ven [«d’un temps à naître »] (« Esposcs ») ; dire çò que siam [« de proclamer qui nous sommes »] (« Capítol de la mòrt ») ;
- Le verbe fenir est lui aussi corrigé en finir : Amb la finida [« C’est là le tombeau »] (« Glaudi Barsòtti ») ;
- Il en va de même pour les mots niéu ou nivo qui adoptent la forme standard nívol : si mescla a la nívol esmarrada [« à la rencontre du dernier nuage »] (« Glaudi Barsòtti ») ;
- On relève également une suppression très fréquente des -e de soutien à la fin de noms comme monde et abisme : l’aur dau Mond [« tout l’or du monde »] (« Nocturn ») ; dau fons deis abís [« du fond des abysses »] (« Eu ») ;
- Le r étymologique des déterminants possessifs nòste et vòste est systématiquement rétabli : escala nòstrei bauç [« escalade nos sommets »] et nòstrei solitud [« nos solitudes »] (« En Andrieu Remacle ») ; dins vòstra esclavitud [« dans votre esclavage »] (« Per dos cambaradas de trabalh ») ; per nòstre entendament [« pour nous faire entendre »] (« Glaudi Barsòtti ») ;
- Dernière illustration, l’adverbe m-ont(-e), seul mot normalement utilisé par Reboul, est lui aussi remplacé par la forme standard ont : ont es marcada l’aiga [« ce que signifie l’eau »] et ont fau que vaga [« quel est ton destin »] (« Per l’Òme de la Marteliera ») ; d’ont ères venguda [« redevenue élément »] (« Capítol de la Mòrt »).

Enfin, force est de relever que la plupart des francismes de Reboul, qui font d’ailleurs partie de l’usage courant du dialecte marseillais, ont également été corrigés. Je n’en relève ici que quelques exemples, compte tenu des très nombreux termes concernés :
- Le nom ama est systématiquement normalisé arma : amb ton arma prompta [« ton âme prompte »] (« Per Gil »); ton arma solitària [« ton âme solitaire »] (« Esposcs ») ;
- Les noms òr et tresòr passent respectivement à aur et tresaur : l’aur dau Mond [« l’or du monde »] (« Nocturn ») ; d’una poussa d’aur [« en poussière d’or »] et per tau tresaur-poténcia [« devant la richesse […] de ce trésor »] (« Glaudi Barsòtti ») ;
- Les noms ciele et siecle sont respectivement remplacés par cèu et sègle : Lo cèu tòca lo sòu [« Le ciel a rejoint la terre »] (« Plòu ») ; m’aplanta lo cèu [« arrête les étoiles »] (« Li a una pichota man ») ; l’auta branca dau cèu [« la haute branche du ciel »] (« Eu ») ; leis annadas e lei sègles benlèu [« les années et même les siècles »] (« Per l’Òme de la Marteliera ») ;
- Les noms puissança et puissant sont respectivement corrigés en poténcia et potent : presonier de ma poténcia [« incarcéré par ma propre puissance »] (« Per dos cambaradas de trabalh ») ; per tau tresaur-poténcia [« devant la richesse […] de ce trésor »] (« Glaudi Barsòtti ») ; una saba potènta [« la sève puissante »] (« Eu ») ;
- Le suffixe -uda cède systématiquement la place à -ud : nòstrei solituds [« nos solitudes »] (« En Andrieu Remacle ») ; amb leis uelhs de l’abitud [« Les yeux éteints de l’habitude »] et dins vòstra esclavitud (« Per dos cambaradas de trabalh »);
- Enfin, le nom chapitre retrouve sa forme standard capítol [« chapitre »] (« Capítol de la Mòrt »).
Il est bien évidemment à supposer, compte tenu de la collaboration établie entre Reboul et A.-P. Lafont, que ces modifications dialectales ont été pleinement consenties. Il n’en demeure pas moins intéressant et révélateur d’une époque de relever ce phénomène24.

2.2.2.2.- Les particularités de la version française des poèmes

Si l’on se penche maintenant sur la traduction française, on remarque que le texte de Malrieu ne correspond pas à ce que l’on pourrait attendre d’une traduction au sens strict du terme : il s’agit en réalité bien davantage d’une réinterprétation personnelle. La mention faisant état du travail de Malrieu sur les pages de garde du recueil ne laisse d’ailleurs pas de doute à cet égard, parlant d’« interpretacion francesa » [interprétation française] (voir supra image 2) et non de revirada ou de « viraduro » [traduction], pour parler comme Reboul.
J’en donnerai pour seul exemple ce passage du poème « Nocturn », révélateur des libertés prises par Malrieu avec le texte occitan :

Texte de Reboul

Texte de Malrieu

Traduction littérale

E vaicí s’arborant dau pivèu de la nuech

l’assèti fresc

per leis oras cremadas

e la ròsa d’estiu que va tombar

On retrouve au creux de la nuit

le banc toujours frais

pour les heures de grandes chaleurs

et la rose d’été prête à s’effeuiller

Et voici se levant du pivot de la nuit

le siège frais

pour les heures brûlées

et la rose d’été qui va tomber

Dans sa critique du recueil sur laquelle je reviendrai plus longuement (3.4), Enric Espieut partage cette constatation, même s’il commence son propos en soulignant la qualité littéraire certaine du texte français de Malrieu (Espieut, 1969, 67) :

Demest toti lis escrichs de Jean Malrieu, pòde pas que reconeisser que ne sabe pas ren que tant vauga coma la traduccion que nos trai en regard di poëmas de Jòrdi Rebol. Quau vos a pas dich que son engèni tot de luna e de desbòrd se despertava pas que de per la vertut d’un astre leume e viu.

[Parmi tous les écrits de Jean Malrieu, je ne peux que reconnaître que je n’en connais aucun qui vaille la traduction qu’il nous propose en regard des poèmes de Jòrgi Reboul. Qui ne vous a pas dit que son génie tout de rêverie et d’excès ne se réveillait que par la vertu d’un hasard indifférent et vif.]

L’appréciation est nettement plus sévère s’agissant du respect du texte de Reboul. Bien qu’Espieut note que Malrieu se tire « parfois plus que convenablement » de l’exercice, il ne peut s’empêcher de regretter le temps où Reboul « n’abandonnait pas à qui que ce soit le soin de traduire ses poèmes ». Les divergences entre les deux versions lui paraissent fréquentes et il ne parvient pas à toujours en comprendre la logique, même s’il reconnaît aisément la difficulté d’une entreprise de traduction qui est toujours et inévitablement une trahison, selon la formule italienne traduttore, traditore [traducteur, traître].

De lòng d’una inexactitud sistematica que ne siau encara a desembolhar lo coma e lo perque, la pluma de Malrieu, pasmens, vai que debana de còps mai que convenentament. E pasmens, era luenh d’estre de planher aqueu temps que Rebol abandonava pas a quau que sia lo suenh de revirar si tròbas. Traditore, de segur, mai a bel expressi, e a bon drech anar. Espepissarai pas mai, ni mai farai la bèba per un còp que lo pretz-fach de debanar lo sens plus pur dau verb occitan a la tribu francesa l’an atribuit a quaucun mai. L’astrada es pas dis inedichas, que l’Anfòs Daudet (amb Han Ryner) nos desvirava ja li pròsas de Baptista Bonnet.

[Au long d’une inexactitude systématique dont je suis encore à démêler le comment et le pourquoi, la plume de Malrieu, cependant, se déploie parfois plus que convenablement. Et cependant il était loin d’être à déplorer ce temps où Reboul n’abandonnait pas à qui que ce soit le soin de traduire ses poèmes. Traditore, évidemment, mais à bon escient, et à juste titre. Je n’épiloguerai pas davantage, pas plus que je ne ferai la moue pour une fois qu’on a attribué à quelqu’un d’autre la tâche de dégager le sens le plus pur du verbe occitan à la tribu française. Il ne s’agit pas d’une nouveauté puisqu’Alphonse Daudet (avec Han Ryner) nous traduisait déjà les proses de Baptiste Bonnet.]

Quoi qu’il en soit de ces imperfections touchant au parfait décalque français du texte occitan, il faut bien évidemment s’incliner devant le choix des auteurs du recueil. Puisqu’elle figure dans l’ouvrage, nul doute que l’adaptation de Malrieu a pleinement satisfait aux exigences de Reboul et d’A.-P. Lafont et qu’elle témoigne d’un parti-pris esthétique qu’ils ont pleinement assumé.

3.- La réception critique du recueil Chausida

La prise de parole d’Espieut concernant l’interprétation française constitue la parfaite transition pour aborder la dernière partie de cette étude, précisément consacrée à la réception de l’œuvre.
Je ne reviendrai pas ici sur la première strate que constitue, en quelque sorte, la préface d’A.-P. Lafont précédemment évoquée (2.1) ni sur l’annonce de parution du recueil dans la revue Letras d’Òc en avril-juin 1965 (1.2).

3.1.- Léon-Gabriel Gros, Le Provençal, 1966

On trouve tout d’abord dans les archives du CIRDOC un article de Léon-Gabriel Gros paru dans Le Provençal sous le titre « “Chausida” (ou le “Digest” !) de Jorgi Reboul » (Gros 1966)25. Le document est dactylographié et annoté de la main de Reboul qui a indiqué comme seules référence « Le Provençal… ». Le document du CIRDOC présente également la dédicace suivante de Reboul, en majuscules manuscrites, probablement écrite à l’attention des époux Lafont : « GARDAS TÓUTEIS AQUÉSTEI PAPIÉ DE VOUESTE SECO-FÙGI ! » [GARDEZ TOUS CES PAPIERS DE VOTRE IMPORTUN !].

De Chausida qu’il vient de signer à Marseille, à la Librairie « QUARTIER LATIN », Jorgi REBOUL m’a dit en plaisantant : « C’est mon “digest” ». En fait, il s’agit d’un Choix de 14 poèmes présentés dans la collection Messatges de l’Institut d’Études Occitanes.
Andrée-Paule LAFONT en a écrit la Préface et Jean MALRIEU, Prix Apollinaire, les a adaptés en français. Certes, un large public connaît en Jorgi REBOUL, l’animateur du Calen, un des serviteurs les plus passionnés de la cause provençale, mais aussi l’un des plus indépendants. La preuve en est qu’il a adopté la graphie occitane, ce qui ne l’a nullement empêché de collaborer à toutes les revues de la « langue rebelle » et même aux revues de langue française.
« Présent à sa terre, mais à toutes les terres, ce que REBOUL demande à la poésie c’est une leçon sur la vie même ».
Chausida nous propose quelques-uns des meilleurs poèmes que Jorgi REBOUL ait écrits depuis 1938. C’en est assez non pas pour connaître vraiment ce poète, mais pour mesurer son importance dans le lyrisme contemporain.
Celui qui écrivit un jour Terraire Nòu élargit effectivement le terroir aux dimensions du monde. N’est-ce pas au fond poursuivre la tradition des Troubadours ? La Provence fut la première avant-garde de la poésie moderne…

3.2.- Gilbert Suberroques, Letras d’Òc, 1966

Le deuxième article paraît sous la plume de Gilbert Suberroques dans le numéro 6 de la revue Letras d’Òc, en avril-juin 1966 (Suberroques 1966, 23). Suberroques y souligne l’originalité de Reboul, ainsi que la sincérité et l’authenticité de sa poésie, pleinement enracinée dans la culture d’oc.

Jogueri la camisa que lo Jòrgi Rebol jamai s’es pas deishat gahar a la matòla d’una assimilacion quala que sia. A l’arrevèrs deus joens poëtas occitans, que hèn pas qu’arribar, me sembla a jo qu’eth a pas jamei avut briga besonh de darrigar a sa memòria l’esséncia d’ua lenga embroishoadora. La sua poësia que ven tot dret deu hons deu còr deus òmes occitans, còr de brana, còr de tèrra carralhada, d’aiga e d’arrosía… ac gausavi pas créser : que n’i a donc enqüèra d’aqueths òmes qu’an pas jamei, que plavi o que venti, cessat d’èste lors haures deu novèth esperit occitan ?
Nos enganem pas tot-un dinc au cap, qu’i a còps on s’endevina benlèu un estofament que lo poëta aurà tot hèit per l’arrómper :

Alòr esclati
duèrbi mei rasons de la vida
e de l’umble cambarada
devèni un grand estrangier.

Mès lo Jòrgi Rebol, en nos balhant aquí ua vertadèra poësia de puressa et de vertat, auré hèit en semblant d’èste pas jamei anat a ua auta escòla que la de l’èime d’òc, qu’auré pas hèit melhor.
Seguissem lo son exemple.

[J’ai parié ma chemise que Jòrgi Reboul ne s’est jamais laissé prendre au piège d’une assimilation quelle qu’elle soit. Au rebours des jeunes poètes occitans, qui ne font qu’arriver, il me semble à moi que lui n’a jamais eu le moindre besoin d’extraire de sa mémoire l’essence d’une langue ensorceleuse. Sa poésie vient tout droit du fond du cœur des hommes occitans, cœur de lande, cœur de terre rayonnante, d’eau et de résine… Je n’osais pas le croire : il y en a donc encore, de ces hommes qui n’ont jamais, qu’il pleuve ou qu’il vente, cessé d’être leurs forgerons du nouvel esprit occitan ?
Ne nous trompons cependant pas totalement car il y a des fois où l’on devine peut-être un étouffement que le poète aura tout fait pour rompre :

« Oui Je m’évade / voici mes raisons de vivre / et d’humble camarade / je deviens un lointain étranger »

Mais Jòrgi Reboul, en nous donnant ici une véritable poésie de pureté et de vérité, aurait-il fait semblant de n’être jamais allé à une autre école que celle de l’esprit d’oc, qu’il n’aurait pas fait mieux.
Suivons son exemple.]26.

3.3.- Philippe Gardy, Viure, 1966

Au printemps 1966, Philippe Gardy, alors âgé de 18 ans, publie dans la revue Viure un article particulièrement laudateur sur le recueil Chausida, qui marque le début de son intérêt constant pour l’œuvre de Reboul (Gardy 1966, 43-44)27. Le style de l’article dépasse celui de la simple critique littéraire, alliant élégance poétique et finesse d’analyse. Gardy y revient sur les caractéristiques principales de l’œuvre de Reboul : la marche résolue, la mesure du monde, l’ancrage géographique, la richesse et la perfection presque toujours parfaite du verbe. Le recueil constitue à ses yeux une sorte de voyage, avec ses rencontres, ses pauses, ses désirs, toujours sous-tendu par la quête incessante de l’auteur.

La vòtz de Jòrgi REBOUL, la sabem la de la fisança e de la seguresa « Terraire nòu », « Sensa relambi », e d’uei « Chausida » : aquí li signes poëtics d’una marcha lònga, greva e drecha. Signes que nos ensenhan la mesura, mesura de la tèrra e dis òmes. Mesura d’un mond pastat de sang, d’aiga plana, d’argela e de lutz, d’un mond ont lo trabalhaire e li païsatges se bastisson amb saviesa, sempre metèis e sempre novèus.
Lo poëma nos ditz li pèiras, li camins e li sasons, simplament, e mai que mai, amb una lenta e pasmens indefugibla rason de creire. « Par lui s’ordonne et s’étalonne l’univers » escriu A.-P. Lafont dins la presentacion d’aqueu libre tot de maduresa ont cada mot es a l’encòp flèu e enauçament. Ont cada vers pòrja son cargament de riquesa materiala e verbala fins qu’a la cima de son avançada. Ont tot es fin finala conquista. Conquista dins la patz o puslèu dins una lucha totjorn carculada e que s’acaba a aqueu ponch de tension poëtica quand la vòtz, assegurada, desvèla una certitud.
Aquesta caminada, facha tota de pausas e de paciéncias, Rebol l’emponha dins una forma sempre exigenta, e sovènti còps poëticament perfiecha :

« Adonc Setembre eriam
e mon vespre veniá
de vendémias portat ambé lei darriers cants. »

Pausa dau viatjaire en terra de coneissença ; disiranças [sic] de la set e de la talent, quand lo picadís dau còr e la regularitat dau pas marcan de sa greva susor lis oras dau segle. Cada causa se plega a la linda mirada dau poëta : dins « Chausida » aqueli minutas son nombrosas, que nos fan descubrir una volontat ufanosa d’arquitectura de vida e de lenga.
Entremitan li silencis e li caratges suavament atissats a sa tasca jornadièra, Rebol contunha amb fe e noblesa sa cerca :

« vers lo fins [sic] fons de mon païs
per un temps de lugana ».

[La voix de Jòrgi Reboul, on la sait celle de la confiance et de la sûreté de « Terraire nòu », « Sensa relambi », et d’aujourd’hui « Chausida » : voilà les signes poétiques d’une marche longue, grave et droite. Signes qui nous enseignent la mesure, mesure de la terre et des hommes. Mesure d’un monde pétri de sang, d’eau plane, d’argile et de lumière, d’un monde où le travailleur et les paysages se bâtissent avec sagesse, toujours identiques et toujours nouveaux.
Le poème nous dit les pierres, les chemins et les saisons, simplement, et surtout, avec une lente et néanmoins incontournable raison de croire. « Par lui s’ordonne et s’étalonne l’univers » écrit A.-P. Lafont dans la présentation de ce livre tout de maturité où chaque mot est à la fois fléau et exhaussement. Où chaque vers offre son chargement de richesse matérielle et verbale jusqu’à la cime de son avancée. Où tout est finalement conquête. Conquête dans la paix ou plutôt dans une lutte toujours calculée et qui s’achève à ce point de tension poétique quand la voix, assurée, dévoile une certitude.
Ce cheminement, fait tout de pauses et de patiences, Reboul l’empoigne dans une forme toujours exigeante, et la plupart du temps poétiquement parfaite :

« C’était alors Septembre / et mon soir approchait / avec le dernier chant des vendanges. »

Pause du voyageur en terre de connaissance ; désirs de la soif et de la faim, quand le battement du cœur et la régularité du pas marquent de leur grave sueur les heures du siècle. Chaque chose se plie au regard pur du poète : dans « Chausida » ces minutes sont nombreuses, qui nous font découvrir une volonté fastueuse d’architecture de vie et de langue. Au milieu des silences et des visages suavement affairés à leur tâche journalière, Reboul continue avec foi et noblesse sa quête :

« dans le fond secret de ma terre / par temps de lune. »]

3.4.- Enric Espieut, Oc, 1969-1970

Enfin, environ quatre ans après la sortie du recueil, Enric Espieut consacre à Chausida un long article dans la revue Oc (Espieut 1969, 67-69). J’ai déjà partiellement évoqué son contenu lorsque j’ai abordé la question des textes de Malrieu (2.2.2.2). Je passerai donc ici sous silence ce point qu’Espieut aborde au tout début de sa critique.
S’agissant du recueil en lui-même, Espieut estime qu’il doit être considéré comme un travail d’anthologie poétique, brillamment concocté par A.-P. Lafont, plutôt que comme un choix de poèmes réalisé par Reboul, lequel aurait sans doute opté pour un contenu moins restreint. Comme je l’ai moi relevé, Espieut estime que cette restriction quantitative résulte probablement de la ligne éditoriale propre à la collection Messatges.

Malgré le faible échantillon des textes proposés, Espieut semble discerner dans le recueil une évolution notable de la poésie de Reboul, en lien avec l’influence de Peyre. Reboul serait désormais parvenu à conjuguer admirablement les traits de la poésie intimiste chère à Peyre et la force, la passion et le mordant qui lui ont toujours été propres.
En résumé, le recueil constitue une vraie réussite aux yeux du critique, de nature à la fois à plaire aux inconditionnels de Reboul et à donner envie à ceux qui ne le connaissent pas encore de découvrir le reste de son œuvre.

[…] Per quant au legeire non-ensenhat, lo títol es dis enganaires. A ma santa coneissença, Chausida retrai ben pauc, ò gaire, lo fascicle abondos que Rebol nos l’auriá vogut presentar, mai ben pusleu una antologia sobeiranament amagestrada per Andriva-Paula Lafont, segon lo tast que li sabem, e dins l’arbitrari que s’endeven amb tot antologisme. Aventura ansin nos espanta pas dins lo quadre de la colleccion Messatges e ieu, que siau assabentat di manescrichs de Max Roqueta, ai poscut pensar temps passat ― e dire uei ― de la « Pietat dau matin » qu’èra una pietat, ço ufanos de l’estil de Max Roqueta estent fòra question. Oc-ben, es estat agut de mòda a la colleccion Messatges de jutjar d’un quasern segon la carta d’identitat de l’autor. Dau capdeu tot es beu, entre que lo vielh ― e leu siam vielhs ― lo despesolhan. Tant fa tant va que nòsti jòves [sic] generacions desconeisson un poëta de geni coma Bernard Manciet, entre que siam subre-ondats de fregs rimassejaires… Aquela tempora s’esvanís e se parla pus gaire d’« orientar la creacion ». E, per tornar a A.P. Lafont, avem de faire assaber que son prefaci es per seduire lo legeire mai menimos per una luciditat, una intelligencia, una emocion que i desfauta ― pas ren mai ― l’expression occitana.
En estent que parle d’una chausida, d’una chausida compelida a l’autor, d’una chausida d’una antologista qu’es pas lo talent que li es plangut, siau mau partit per determinar d’après un quasern ansin l’evolucion ― la mudacion benlèu ― de l’alen prigond d’un poëta. Li grandi regas de fòrça que lis aviau poscudas destriar dins un estudi ja ancian (e que sa publicacion es a l’òrdre dau jorn) s’esvalisson, o pauc se’n manca, dins lo present quasern e ne subsistis pas gaire qu’una pausa de la votz, qu’un gaubi a de còps ispre, calossut e invocator. Valent a dire de coma siau consiros d’esprovar li texts de Rebol que lis an pas recampats sot la cuberta de Chausida.
Mai dins l’ipotèsi que li poëmas aquestes s’escartan pas de la maniera de
Chausida, ai de senhalar que l’inspiracion de Rebol es estada moguda per una metamorfòsi prigonda. L’esdeveniment es de remarca : una estapa dins l’istòria de nòstra literatura. En un sens, l’influencia de S.-A. Peyre que ― d’après A.-P. Lafont ― nasejava en de tròbas mai vielhas, se fai aquí magnificada.
Non pas que, apres d’ans e d’ans, Rebol se sapcha submergir [sic] e per l’amistat et per son jovent ni mai vòuga pas pus estre desenant res mai qu’un bon escolan, un discipol. Mai aquela poësia intimista, tota en miejas-tenchas, dedicatòria a tots còps, quasiment rejonh soventi-fes l’ambient poëtic neblos que se’n chalava lo director de Marsyas. Merces Dieu Rebol es pas Peyre ― encara que dins Peyre tot sia pas de neglegir. S’esmarra pas jamai de per la palun de la malanconia, ni mai s’abandona a la temptacion d’aqueu deluvi verbau qu’endeca tanben la bela òbra de Patrice de la Tour du Pin. Totjorn son verb a de maissas. Totjorn que mai son verb desperta lo pitre e rascla li gargantas. E quand l’amarum ven l’escuresir, es totjorn apassionadament. La virtut d’espandi, lo caracter auturos que destrie dins Rebol, li torne trobar dins Chausida, que ni lis ans, ni lis òmes, nimai lis escaufestres li an pas res apres de moligas e l’an pas compelit a renegar lis exigencias vigorosas de sa condicion d’òme. Ço mai, quand legisse Rebol, siam entre colegas, çò que dirai pas de l’òbra d’uni senhors esteticians de la poësia de tot parlar.
Oc, un recuelh tot apasimat, requist a l’escasença, una bela brasa que comboris tot suaudet per lo fogau, pastat de necessitat. Ren pasmens que faga somiar a l’imperatiu que mon jovent se’n enchusclava.

E quand trespassaras de ton aussada
toei mei prepaus seran pagats.

Res pasmens per deçaupre. Se permenar de per Chausida, aquò es s’aventurar de per una seuva anciana, embartassada d’aronces e d’eures, agradiva e franca d’ambicion, mai ufanosa encara quand l’aura passa. Lo qui a admirat Rebol pot aimar Chausida e a de l’aimar. Lo que lo desconeis trobará a aimar e a admirar e demandará li poëmas d’un còp èra. Aqueli poëmas, quau se’n avisa, nos son de besonh. Per exemple, davant aquela estròfa ― aquí laisse lo poëta concluire ― aquela estròfa que Rebol lo repinta tant talament :

E puei laissem-lo a grand destre
acomplir son terrau en plen
Laissem-lo, ufanos d’enmascatge
ambe la flor ei dents
e lo clar de teis uelhs
faire lo signe de la raça
vers leis soleus avenidors
28.

[Pour ce qui est du lecteur non instruit, le titre est des plus trompeurs. À mon humble connaissance, Chausida représente bien peu, ou guère, le fascicule abondant que Reboul aurait voulu nous présenter, mais bien plutôt une anthologie souverainement composée par Andrée-Paule Lafont, selon le goût que nous lui connaissons, et dans l’arbitraire qui affecte tout anthologisme. Pareille aventure ne nous stupéfie pas dans le cadre de la collection Messatges et moi, qui suis au fait des manuscrits de Max Rouquette, j’ai pu penser autrefois ― et dire aujourd’hui ― de la « Pitié du matin » que c’était une pitié, le brio du style de Max Rouquette étant hors de cause. Bien sûr, il est arrivé qu’il fût de mode à la collection Messatges de juger un cahier selon la carte d’identité de l’auteur. Dans le peloton tout est beau, tandis qu’au vieux ― et nous sommes vite vieux ― on lui cherche des poux. Tant et si bien que nos jeunes générations méconnaissent un poète de génie comme Bernard Manciet, tandis que nous sommes submergés de froids rimailleurs… Cette période s’évanouit et on ne parle plus trop d’« orienter la création ». Et, pour revenir à A.-P. Lafont, nous devons faire savoir que sa préface est de nature à séduire le lecteur le plus méticuleux par une lucidité, une intelligence, une émotion où n’y manque ― pas même ― l’expression occitane.
Puisque je parle d’un choix, d’un choix imposé à l’auteur, d’un choix d’une anthologiste à laquelle ne manque pas le talent, je suis mal parti pour déterminer d’après un pareil cahier l’évolution ― la mutation peut-être ― du souffle profond d’un poète. Les grandes lignes de force que j’avais pu discerner dans une étude déjà ancienne (et dont la publication est à l’ordre du jour) s’évanouissent, ou peu s’en faut, dans le présent cahier et il n’en subsiste guère plus qu’une pause de la voix, qu’une dextérité parfois âpre, noueuse et invocatoire. C’est dire comme je suis soucieux d’éprouver les textes de Reboul qui n’ont pas été regroupés sous la couverture de Chausida.
Mais dans l’hypothèse où ces poèmes ne s’écartent pas de la manière de Chausida, je dois signaler que l’inspiration de Reboul a été mue par une métamorphose profonde. L’événement est remarquable : une étape dans l’histoire de notre littérature. En un sens, l’influence de S.-A. Peyre qui ― d’après A.-P. Lafont ― se laissait deviner dans des poèmes plus vieux, se voit ici magnifiée.
Non pas que, après des années et des années, Reboul ne se sache submergé et par l’amitié et par sa jeunesse ni ne veuille plus désormais n’être rien d’autre qu’un bon élève, un disciple. Mais cette poésie intimiste, toute en demi-teintes, dédicatoire à chaque fois, s’approche souvent en pratique de l’atmosphère poétique brumeuse dont se régalait le directeur de Marsyas. Dieu merci Reboul n’est pas Peyre ― encore que dans Peyre tout ne soit pas à négliger. Il ne s’égare jamais à travers le marais de la mélancolie, pas plus qu’il ne s’abandonne à la tentation de ce déluge verbal qui entache la belle œuvre de Patrice de la Tour du Pin. Son verbe a toujours du mordant. Plus que jamais son verbe réveille la poitrine et racle les gorges. Et quand l’amertume vient l’obscurcir, c’est toujours passionnément. La puissance de l’espace, le caractère altier que je discerne dans Reboul, je les retrouve dans Chausida, car ni les ans, ni les hommes ni même les malheurs ne lui ont rien appris de mou et ne l’ont contraint à renier les exigences vigoureuses de sa condition d’homme. En outre, quand je lis Reboul, nous sommes entre collègues, ce que je ne dirai pas de l’œuvre de certains messieurs esthéticiens à la poésie verbeuse.
Oui, un recueil tout apaisé, délicieux à l’occasion, une belle braise qui se consume tout doucement dans le foyer, pétri de nécessité. Rien toutefois qui ne fasse rêver à l’impératif dont ma jeunesse s’enivrait.
« et quand tu franchiras ta hauteur / tous mes propos seront payés. »
Rien cependant pour décevoir. Se promener à travers Chausida, c’est s’aventurer parmi une forêt ancienne, envahie de ronces et de lierres, agréable et libre d’ambition, mais fière encore quand le vent passe. Celui qui a admiré Reboul peut aimer Chausida et doit l’aimer. Celui qui l’ignore trouvera à aimer et à admirer et il demandera les poèmes d’autrefois. Ces poèmes, pour celui qui le remarque, nous sont nécessaires. Par exemple, devant cette strophe ― là je laisse le poète conclure ― cette strophe qui dépeint tellement bien Reboul :
« Quant à lui laissons-le libéré / s’accomplir dans sa destinée / laissons-le en proie à ses rites / une fleur entre les dents / au clair de ton regard / il trace le signe de son peuple / au-devant des soleils de l’avenir. »]

Conclusion

Au sortir de cette étude, il convient une fois de plus de mettre en lumière la place toute particulière que tient Chausida dans le parcours poétique de Reboul.
Tout d’abord, cet ouvrage constitue le premier véritable recueil de poèmes que Reboul publie après-guerre. Ensuite, il marque une rupture claire dans le parcours éditorial du poète. Le choix de la collection Messatges est en effet la marque de son rapprochement définitif avec l’IEO, suite à sa démission officielle du Félibrige en 195429 : à la graphie mistralienne jusqu’alors privilégiée, il substitue la graphie classique ; à une langue directement issue du dialecte marseillais se substitue une variante plus standardisée de l’occitan. Chausida constitue également une rupture dans le sens où, pour la première fois, Reboul confie à un tiers l’adaptation française de ses poèmes. En un certain sens, l’ouvrage marque donc un moment de bascule dans la carrière poétique de Reboul et acte la transition entre les recueils de sa jeunesse d’avant-guerre et ceux de l’âge mûr dans lequel il entre désormais. Parmi ces derniers, je rappellerai en particulier la réédition en 1976, à l’initiative de l’IEO pour célébrer les 75 ans du poète, des deux grands recueils des années 30 devenus introuvables, Sènso relàmbi et Terraire nòu, précisément dans la collection Messatges où était paru Chausida. Cette réédition, présentée à son tour en graphie classique et dans une langue normalisée mais sans traduction française, aura pour titre Sènsa relambi seguit de Terraire nòu (Reboul 1976).

1 Sauf indication contraire, les traductions entre crochets sont des traductions personnelles, sauf si elles sont encadrées par des guillemets. Pour

2 Les premiers échanges écrits entre Reboul et R. Lafont que j’ai pu retrouver dans les archives du CIRDOC datent de 1942 (Reboul 1942).

3 L’identité de l’auteur de ces manuscrits ne fait aucun doute, dès lors que l’écriture correspond trait pour trait à celle d’A.-P. Lafont dans une

4 Lettre d’A.-P. Lafont à Reboul (sans date), en annexe de la lettre adressée par Reboul à A.-P. Lafont (Reboul 1963b). Les poèmes en question sont

5 Comme déjà vu à la note 3, il est dans les habitudes de Reboul de recycler pour sa correspondance tous les papiers qui sont à portée de sa main. Il

6 Ces références sont présentées comme Reboul les a rédigées dans sa lettre, sauf pour les guillemets que j’ai ajoutés. Les informations

7 Orthographe française reprise de Jean-Marie Petit qui précise qu’elle fut la « remarquable interprète de Mirèio, après sa création en 1930 par Maud

8 Poème finalement publié sous le titre « Glaudi Barsòtti » [« Claude Barsotti »].

9 Poème finalement publié sous le titre « En davalant devèrs Coarasa » [« En dévalant vers Coaraze »] (Reboul 1985).

10 Poème finalement publié sous le titre « En Andrieu Remacle » [« Pour André Remacle »]. André Remacle (Marseille, 1910-1995) : ami de Reboul

11 Reboul a longtemps collaboré avec Sully-André Peyre, important poète provençal, directeur de la revue Marsyas dans laquelle il a publié nombre de

12 Je ne suis pas parvenu à retrouver la trace de ce poème dans le n°295 de la revue Marsyas ― ni d’ailleurs dans aucun autre support de publication.

13 Finalement publié pour la première fois dans Reboul 1985, sous le titre « Nòstre fraire » [« Notre frère »].

14 Ce poème sera d’ailleurs à nouveau publié dans Curriculum Vitae et dans Chausida (Reboul 1984 et 1988).

15 Cette précision m’a été rapportée par Sylviane Reboul, la fille du poète, au cours de mes nombreux échanges avec elle.

16 « Art pouetique » [« Art poétique »] (Reboul 1943, 246-247) ; « Ma terro » [« Ma Terre »], « Espousc » [« Jaillissements »] et « Pèr dous cambarado

17 Je n’ai pas pu vérifier personnellement cette information dès lors que ces deux feuillets n’ont pas été conservés par le CIRDOC.

18 Sur ce personnage important de l’occitanisme provençal, on pourra consulter sa biographie sur le site du CIRDOC Vidas. Dictionnaire biographique de

19 Seule la première partie du poème initialement paru dans la revue Marsyas est reprise dans Chausida.

20 Au cours de l’entretien avec Moline, Reboul explique avoir envoyé ce texte à sa future femme, en réponse à la lettre qu’elle lui avait adressée un

21 En témoignent son recueil Escapolon [Échantillon] (Reboul 1930) et les poèmes publiés dans la revue Oc à la même époque.

22 Allusion au dialecte provençal rhodanien dans lequel le [ʤ] occitan standard se réalise [ʣ].

23 Les traductions citées ici sont celles de Jean Malrieu.

24 Ce travail de comparaison systématique des variantes entre les éditions successives des poèmes a fait l’objet de la seconde partie de ma thèse

25 Léon-Gabriel Gros (Arc-sur-Argens, 1905 – Aix-en-Provence, 1985) : poète et critique de poésie française, prix Dumas-Millier de l’Académie

26 Traduction personnelle, sauf pour l’extrait de « Per dos cambaradas de trabalh » qui est de Malrieu.

27 Graphie d’époque. Traduction personnelle, sauf pour l’extrait de « Nocturn » qui est de Malrieu.

28 Le texte d’Espieut est en graphie d’époque, y compris pour les citations des poèmes de Reboul. Traduction personnelle, sauf celle des poèmes qui

29 Reboul rompt avec le Félibrige en mai 1954 par lettre recommandée adressée au capoulier Frédéric Mistral (Reboul 1954).

Chabaud, Sylvan, 2021, « La collection Messatges, de 1951 à 1955. Le chant de l'aube : une génération au milieu du siècle », Plumas, 1, « La collection Messatges de 1942 à 1954. Textes et contexte » [En ligne : https://plumas.occitanica.eu/181].

Courtray, François, 2020, « Anar lunch, sempre ! » Jòrgi Reboul : itinéraire d’un poète et militant d’oc à travers le XXe siècle ; parcours personnel, analyse littéraire et édition de textes, thèse de doctorat en Études occitanes sous la direction de Marie-Jeanne Verny et Hervé Lieutard, Université Paul-Valéry Montpellier 3 [En ligne : https://ged.biu-montpellier.fr/florabium/jsp/nnt.jsp?nnt=2020MON30041].

Espieut, Enric, 1969, « Jòrgi Reboul, Chausida », Oc, n°233, hiver 1969-1970, 67-69.

Gardy, Felip, 1966, « Chausida, poëmas de Jòrgi Rebol, coll. Messatges, I.E.O., 1965 », Viure, n°5, printemps 1966, 43-44.

Gros, Léon-Gabriel, 1966, « “Chausida” (ou le “Digest” !) de Jorgi Reboul », Le Provençal, non paginé, Archives du CIRDOC, LAF.0/67, Jòrgi Reboul, 1967-…

Lafont, Andrée-Paule, 1962, Anthologie de la poésie occitane 1900-1960, préface de Louis Aragon, Paris, Les Éditeurs réunis.

Lafont, Andrée-Paule, 1963, « L’œuvre du Provençal G. Reboul », XIIe stage pédagogique et culturel de l’IEO, La Ciotat, 25 août - 6 septembre 1963, arch. perso. Claude Barsotti, non publié.

Lafont, Andrée-Paule, 1966, carte postale à Reboul, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Leclerq, Jacques, 1947, « Two poets of the Midi : Carles d’Eigaliera & Jorgi Reboul ; translations by Jacques Leclercq », Furioso, n°3, vol. 2, Madison, Connecticut (États-Unis).

Moline, Henry, 1974, Jòrgi Reboul ; a Trets, un jorn que bufava lo Mistral…, Les Films verts.

Reboul, Jòrgi, 1930, Escapolon ; 7 trobas en oc, Marseille, Amistanço dei Joueine.

Reboul, Jòrgi, 1932, Sènso relàmbi ; pouèmo, Mûrevigne, Aigues-Vives, Marsyas.

Reboul, Jòrgi, 1934, Pouèmo, Mûrevigne, Aigues-Vives, Marsyas.

Reboul, Jòrgi, 1937, Terraire nòu ; pouèmo, Mûrevigne, Aigues-Vives, Marsyas.

Reboul, Jòrgi, 1942, lettre à R. Lafont et A. Sage, 25 novembre 1942, arch. CIRDOC, LAF.0/67, Jòrgi Reboul, 1938-1954.

Reboul, Jòrgi, 1943, « Art pouetique », Cahiers du Sud, « Le génie d’oc et l’homme méditerranéen », 246-247.

Reboul, Jòrgi, 1944a, Petite suite forézienne, Marseille, Sauquet et Mullot.

Reboul, Jòrgi, 1944b, « Ma terro », « Espousc » » et « Pèr dous cambarado de travai », Cahier du Sud, n°265, avril-mai 1944, 242-247.

Reboul, Jòrgi, 195?, lettre à Alban Bertero, sans date, arch. CIRDOC, LAF.0/67, Jòrgi Reboul, 1955-1958.

Reboul, Jòrgi, 1954, lettre à Frédéric Mistral du 10 mai 1954, arch. CIRDOC, CP 352/36 (54 lettres envoyées à Josèp Salvat).

Reboul, Jòrgi, 1960a, lettre à R. Lafont, 8 février 1960, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1960b, lettre à R. Lafont, 9 juin 1960, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1960c, carte postale à R. Lafont, 23 juillet 1960, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1963a, Bibliographie de Reboul non datée, arch. CIRDOC, LAF.H.057, textes envoyés à R. Lafont, Dossier Reboul.

Reboul, Jòrgi, 1963b, lettre à A.-P. Lafont, 20 septembre 1963, arch. CIRDOC, LAF.H.057, textes envoyés à R. Lafont, Dossier Reboul.

Reboul, Jòrgi, 1963c, lettre à A.-P. Lafont, 4 octobre 1963, arch. CIRDOC, LAF.H.057, textes envoyés à R. Lafont, Dossier Reboul.

Reboul, Jòrgi, 1963d, lettre à A.-P. Lafont, 21 octobre 1963, arch. CIRDOC, LAF.H.057, textes envoyés à R. Lafont, Dossier Reboul.

Reboul, Jòrgi, 1965a, Chausida ; poëmas de Jòrgi Rebol, trad. Jean Malrieu, Toulouse, Letras d’Oc ; Revue des lettres occitanes, coll. Messatges.

Reboul, Jòrgi, 1965b, carte postale à R. Lafont, 15 juin 1965, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1966a, lettre à A.-P. Lafont, 9 janvier 1966, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1966b, lettre au secrétaire de direction de Lettres d’oc et de l’IEO, 9 janvier 1966, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1966c, lettre à R. Lafont, « pèr Candeloué de 1966 », arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1966d, lettre à Guy Martin avec copie à R. Lafont, 2 février 1966, arch. CIRDOC, LAF.0/67, 1959-1966.

Reboul, Jòrgi, 1976, Sènsa relambi seguit de Terraire nòu, Toulouse, IEO, coll. Messatges.

Reboul, Jòrgi, 1984, Curriculum Vitae, antologia de poèmas, Font-Blanche-Marseille, Associacien Mont-Jòia.

Reboul, Jòrgi, 1985, Pròsas geograficas, trad. Jean-Marie Petit, Valderiès, Vent Terral.

Reboul, Jòrgi, 1988, Mesclas, Hyères, Les cahiers de Garlaban.

Ricard, Georges, 1985, Tables signalétiques et analytiques de la revue Oc : 1924-1977, Béziers, CIDOC.

Suberròcas, Gilabèrt, 1966, « Chausida, de Jòrgi Reboul (Messatges, n°35) », Letras d’Oc, n°6, avril-juin 1966, 23.

1 Sauf indication contraire, les traductions entre crochets sont des traductions personnelles, sauf si elles sont encadrées par des guillemets. Pour alléger le texte, nous ne traduirons les titres des poèmes et recueils – souvent par ailleurs transparents – qu’après leur première occurrence.

2 Les premiers échanges écrits entre Reboul et R. Lafont que j’ai pu retrouver dans les archives du CIRDOC datent de 1942 (Reboul 1942).

3 L’identité de l’auteur de ces manuscrits ne fait aucun doute, dès lors que l’écriture correspond trait pour trait à celle d’A.-P. Lafont dans une carte postale qu’elle adresse à Reboul dans le courant de l’année 1966 (Lafont 1966).

4 Lettre d’A.-P. Lafont à Reboul (sans date), en annexe de la lettre adressée par Reboul à A.-P. Lafont (Reboul 1963b). Les poèmes en question sont parus dans la revue Oc n°216 d’avril-juin 1960 p. 23-25 (mais sans trace de la traduction demandée par A.-P. Lafont). NB : On relève ici une habitude fréquente de Reboul consistant au recyclage systématique du papier : Reboul réemploie ici, pour écrire à A.-P. Lafont en 1963, le verso d’une lettre qu’elle lui avait elle-même adressée en 1960 ― cette propension à l’économie de papier m’aura au demeurant permis de découvrir cette lettre d’A.-P. Lafont dont je n’aurais sinon pas eu connaissance.

5 Comme déjà vu à la note 3, il est dans les habitudes de Reboul de recycler pour sa correspondance tous les papiers qui sont à portée de sa main. Il s’en excuse d’ailleurs auprès d’A.-P. Lafont dans une lettre postérieure, datée du 21 octobre 1963 (Reboul 1963d) : « Escusas moun papié de letro ! Siéu plus à moun Burèu qui mi n’en pourgissié… Vous fachas pas ? Acò mi ramento puei, que, pèr fantasié, escrivi à meis ami, mei milhours ami e à la famiho sus tout ce que mi vèn en man : prougramo, circulàri coumercialo, etc… etc… au verso, segur ! » [Excusez mon papier à lettres ! Je ne suis plus à mon Bureau qui m’en procurait… Vous ne vous en fâchez pas ? Cela me rappelle, que, par fantaisie, j’écris à mes amis, mes meilleurs amis et à la famille sur tout ce qui tombe sous la main : programmes, circulaires commerciales, etcetc… au verso, bien sûr !]

6 Ces références sont présentées comme Reboul les a rédigées dans sa lettre, sauf pour les guillemets que j’ai ajoutés. Les informations complémentaires utiles sont données entre crochets.

7 Orthographe française reprise de Jean-Marie Petit qui précise qu’elle fut la « remarquable interprète de Mirèio, après sa création en 1930 par Maud Bréville » (Reboul 1985, 168).

8 Poème finalement publié sous le titre « Glaudi Barsòtti » [« Claude Barsotti »].

9 Poème finalement publié sous le titre « En davalant devèrs Coarasa » [« En dévalant vers Coaraze »] (Reboul 1985).

10 Poème finalement publié sous le titre « En Andrieu Remacle » [« Pour André Remacle »]. André Remacle (Marseille, 1910-1995) : ami de Reboul, militant communiste, résistant de la première heure, journaliste, notamment fondateur du quotidien La Marseillaise, romancier et poète.

11 Reboul a longtemps collaboré avec Sully-André Peyre, important poète provençal, directeur de la revue Marsyas dans laquelle il a publié nombre de ses poèmes entre 1930 et 1952. Trois des principaux recueils de Reboul sont aussi parus aux éditions Marsyas, Sènso relàmbi, Pouèmo et Terraire nòu (Reboul 1932, 1934 et 1937). Un quatrième recueil, Lindau [Seuil(s)], était initialement prévu mais n’a finalement jamais vu le jour, suite à la prise de distance de Reboul d’avec Peyre après 1952 et la parution du n°295 de la revue Marsyas.

12 Je ne suis pas parvenu à retrouver la trace de ce poème dans le n°295 de la revue Marsyas ― ni d’ailleurs dans aucun autre support de publication. Soit Reboul a ici mal nommé ce poème, soit il a été perdu.

13 Finalement publié pour la première fois dans Reboul 1985, sous le titre « Nòstre fraire » [« Notre frère »].

14 Ce poème sera d’ailleurs à nouveau publié dans Curriculum Vitae et dans Chausida (Reboul 1984 et 1988).

15 Cette précision m’a été rapportée par Sylviane Reboul, la fille du poète, au cours de mes nombreux échanges avec elle.

16 « Art pouetique » [« Art poétique »] (Reboul 1943, 246-247) ; « Ma terro » [« Ma Terre »], « Espousc » [« Jaillissements »] et « Pèr dous cambarado de travai » [« Pour deux camarades de travail »] (Reboul 1944b, 242-247).

17 Je n’ai pas pu vérifier personnellement cette information dès lors que ces deux feuillets n’ont pas été conservés par le CIRDOC.

18 Sur ce personnage important de l’occitanisme provençal, on pourra consulter sa biographie sur le site du CIRDOC Vidas. Dictionnaire biographique de la renaissance d’oc – XIXe-XXIe siècles : https://vidas.occitanica.eu/items/show/2125.

19 Seule la première partie du poème initialement paru dans la revue Marsyas est reprise dans Chausida.

20 Au cours de l’entretien avec Moline, Reboul explique avoir envoyé ce texte à sa future femme, en réponse à la lettre qu’elle lui avait adressée un jour où il pleuvait tandis qu’elle rédigeait sa missive.

21 En témoignent son recueil Escapolon [Échantillon] (Reboul 1930) et les poèmes publiés dans la revue Oc à la même époque.

22 Allusion au dialecte provençal rhodanien dans lequel le [ʤ] occitan standard se réalise [ʣ].

23 Les traductions citées ici sont celles de Jean Malrieu.

24 Ce travail de comparaison systématique des variantes entre les éditions successives des poèmes a fait l’objet de la seconde partie de ma thèse, consacrée à l’édition scientifique de l’œuvre de Reboul (Courtray 2020, vol. 2).

25 Léon-Gabriel Gros (Arc-sur-Argens, 1905 – Aix-en-Provence, 1985) : poète et critique de poésie française, prix Dumas-Millier de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 1975. Les références précises de cet article n’ont pas été conservées par le CIRDOC. On peut supposer qu’il est paru entre la fin février et le début du mois de mars 1966, compte tenu de l’allusion faite à la séance de dédicace à la librairie Quartier Latin (24 février 1966).

26 Traduction personnelle, sauf pour l’extrait de « Per dos cambaradas de trabalh » qui est de Malrieu.

27 Graphie d’époque. Traduction personnelle, sauf pour l’extrait de « Nocturn » qui est de Malrieu.

28 Le texte d’Espieut est en graphie d’époque, y compris pour les citations des poèmes de Reboul. Traduction personnelle, sauf celle des poèmes qui est de Malrieu.

29 Reboul rompt avec le Félibrige en mai 1954 par lettre recommandée adressée au capoulier Frédéric Mistral (Reboul 1954).

Première de couverture du recueil Chausida

Version dactylographiée en graphie mistralienne du poème « Nòuturno » (dossier LAF.H.057)

Version manuscrite en français du poème « Nocturne » (dossier LAF.H.057)

Version manuscrite en graphie occitane du poème « Nocturn » (dossier LAF.H.057)

Lettre de Reboul du 21 octobre 1963

Pages de garde du recueil Chausida

Lettre de Reboul du 9 janvier 1966

Bibliographie de Reboul

Table des matières

Tiera deis amics [Liste des amis]

Reproduction du poème « Plòu »

François Courtray

Docteur en études occitanes, Université Paul-Valéry Montpellier 3