Dans la mouvance de mai 68, Lo Teatre de la Carrièra, une aventure d’un quart de siècle

Marie-jeanne Verny

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Marie-jeanne Verny, « Dans la mouvance de mai 68, Lo Teatre de la Carrièra, une aventure d’un quart de siècle », Plumas [En ligne], 5 | 2024, mis en ligne le 17 juin 2024, consulté le 22 août 2024. URL : https://plumas.occitanica.eu/1425

À partir de 1971, le Teatre de la Carrièra s’impose par son caractère singulier. Il s’agit d’un projet collectif fédéré autour de Claude Alranq, auteur, acteur, metteur en scène… et militant. Le titre de la première pièce, Mort et résurrection de M. Occitània, est resté dans les mémoires et la pièce marque le début d’une aventure de plusieurs décennies.

A comptar de 1971, Lo Teatre de la Carrièra s’impausa per son caractèr singular. S’agís d’un projècte collectiu federat a l’entorn de Claudi Alranc, autor, actor, meteire en scèna… e militant. Lo títol de la primièra pèça, Mort et résurrection de M. Occitània, es demorat dins las memòrias e la pèça marca la debuta d’una aventura de mantun decenni.

Préambule : un théâtre militant en occitan1

Il existe une tradition vivante du théâtre occitan, bien étudiée notamment par Claude Alranq, le protagoniste principal de l’histoire que nous nous proposons de raconter2. Cependant l’aventure du Teatre de la Carrièra3 [Théâtre de la Rue] s’impose par son caractère singulier et aussi par sa longue durée. Il s’agit d’un projet collectif fédéré autour du même Alranq, auteur, acteur, metteur en scène… et militant. Le titre de la première pièce, Mort et résurrection de M. Occitània, a eu une fortune singulière. En 1989, le numéro 20 de la revue Amiras portait le titre de « Mort et résurrection de monsieur OCCITANISME », qui relevait d’un évident jeu de mots pour les lecteurs auxquels la revue proposait de réfléchir non pas au destin de l’Occitanie, mais à celui du mouvement occitaniste.

Couvertures de Mort et résurrection de M. Occitània et du n° 20 de la revue Amiras

Couvertures de Mort et résurrection de M. Occitània et du n° 20 de la revue Amiras

Les mots principaux du titre furent ensuite, en 1996, réinterprétés en « Morts et résurrections » par Philippe Gardy dans un chapitre de son ouvrage L’écriture occitane contemporaine - Une quête des mots4. La fortune de ce titre est la preuve même de l’impact de la pièce.

Le lien de la naissance de l’expérience de La Carrièra avec les événements de 68 est mis en évidence dans un article de Michel Deutsch et Jean-Pierre Sarrazac (1975). Dans ce long entretien avec La Carrièra, les auteurs demandent :

Depuis Mai 68, on a assisté en France à l’ouverture de nouveaux fronts de luttes qui semblent difficilement réductibles aux schémas théoriques des organisations ouvrières […]. À partir de là, comment analysez-vous, aujourd’hui, le « fait » occitan ? […]

Voici la réponse du Teatre de la Carrièra :

Le fait occitan est aussi vieux que la culture occitane. […] Du fait du développement inégal du capitalisme, l’Occitanie se trouve dans la situation d’une région « sous-développée », avec toutes les conséquences sociales et économiques (fort chômage, exode des jeunes, fuite des matières premières, etc.).
Du fait de son originalité ethnique et de ces sept siècles d’impérialisme culturel, elle se débat dans le bilinguisme, et une hybridation occitano-française « patoisante ».
Du fait d’une longue résistance à l’hégémonie française féodale, puis bourgeoise, elle a hérité de fortes traditions de luttes.
Mai 1968 a donné une tribune aux occitanistes pour sensibiliser l’opinion à cette question. Mais c’était au niveau de la lutte idéologique. Peut-on dire que Mai 1968 a vu se dégager dans le Midi une lutte de minorité nationale consciente ? C’est un autre problème qui suppose que les masses se reconnaissent sous cette identité. En 1968, très rares sont les travailleurs méridionaux qui voient dans leur lutte un caractère spécifiquement occitan. Depuis 1968, les choses évoluent avec – par exemple – les paysans du Larzac, les viticulteurs languedociens, des ouvriers en grève…

Ce lien avec les événements de 68 est également souligné par un article de Micheline B. Servin (1978) :

Depuis un certain mai 1968, se sont posées des interrogations telles que : « Qu'est-ce que le théâtre populaire ? » ou « Le théâtre pour qui, comment ? » II faut, pour non seulement se les poser mais entreprendre d'y répondre par les faits, d'une part, d’accepter sa remise en question, et d'autre part, ne pas faire du théâtre pour soi, pour conquérir la consécration... C'est toute une éthique ; elle est indissociable d'un comportement politique.
Ce sont les compagnies, les troupes qui ont dû lutter pour s'implanter dans des régions où jusqu'alors le théâtre n'existait pas ou était bourgeois. Elles ont éprouvé le besoin de pièces contemporaines abordant des problématiques sociales et généralement spécifiques à la région. On en arrive même à un théâtre régionaliste qui, en plus, va rechercher les racines historiques, linguistiques, culturelles de sa région.
Ainsi en est-il du Théâtre de la Carrièra, en Occitanie, dont la majeure partie des spectacles est en langue d'Oc. Deux d'entre eux sont révélateurs : Tabo ou la Guerre du vin5, ou comment les petits viticulteurs sont conduits à la faillite à cause de l'achat par la France de vins étrangers ; la Liberté ou la mort, montrant que la Révolution française vécue en Languedoc ne correspond guère à l'image conventionnelle que nos loyaux serviteurs, les manuels d'histoire, en donnent.

Pour nos lecteurs qui ont suivi le Teatre de la Carrièra depuis ses débuts, les quelques réflexions présentées ici sembleront élémentaires, notre propos étant surtout de tenter une synthèse d’un travail continu depuis 1968, dans sa première phase, que nous situons jusqu’aux années 1980. Il s’agit de décrire les quinze premières années de La Carrièra et de donner un aperçu des thèmes abordés. Un énorme travail reste à faire, jamais tenté, à ma connaissance, sur cette aventure, à commencer par l’examen de l’originalité de l’écriture de Claude Alranq, entre lyrisme tendre et cris proférés.

L’aventure en quelques lignes : un projet artistique sur la longue durée

L’histoire commence donc à Lyon après 19686, dans la lignée du théâtre d’intervention de l’après-68, généralement désigné comme théâtre d’« agit-prop ». Elle se poursuit ensuite, d’abord en Languedoc, puis en Provence, avant de revenir en Languedoc. Elle continue actuellement, sous diverses formes : certains de ses premiers « acteurs », aux deux sens du terme, dont la regrettée Anne Clément7 et sa compagnie Gargamèla, étaient encore récemment engagés dans le combat pour un théâtre occitan. De son côté, dans un entretien accordé au CIRDOC en 2016, Catherine Bonafé, qui fut de l’aventure dès la première pièce occitane, avait livré un témoignage également précieux sur les conditions d’existence et de création de la troupe, et sur le rôle déterminant d’Alranq dans le travail d’écriture8. Au moment d’achever cet article, nous avons pris connaissance de l’ouvrage auto-édité de Catherine Bonafé (2023) : Résurgence. 1971-1986 Quinze années au Teatre de la Carriera9. Cet ouvrage est précieux par son double regard de témoignage et de recul réflexif. Nos lecteurs y trouveront d’utiles compléments aux analyses que nous présentons ici.

Quant à Alranq, il n’a cessé, depuis les années 70, d’écrire et de jouer. Il poursuit inlassablement son travail de chercheur, de créateur et d’agitateur de consciences. À l’occasion de la commémoration du 68 occitan – commémoration à laquelle il a contribué – il a publié sur son site un très bel article où il livre son analyse de décennies d’engagement10. Nous en retiendrons ce retour sur les années qui nous occupent :

… je suis tombé sur la tête quand je me suis pris d'amour pour mettre en théâtre ce pays anonyme. Attention, pas en théâtre comme au Conservatoire où il faut commencer par perdre l'accent, le gestus, le corpus et le reste... Il suffisait que j'improvise pour que des mots que j'ignorais me remontent au cigare. Et il suffisait que je les joue dans des situations qui parlent aux gens d'ici pour qu'un dialogue d'au-delà les mots s'instaure.
Ainsi est né « lo Teatre de la Carrièra » qui, de 1969 à 1984, planta ses tréteaux sur tellement de places d'Occitanie que la mémoire me manque.
D'abord Lyon, la prison, la métallurgie et les barricades d'entre la Saône et le Rhône...
Cela a commencé comme les 2/3 des jeunes du Midi qui étaient obligés de s'exiler « cap al nòrd ».
En 1967, je me suis retrouvé à Lyon, comme éducateur de la pénitentiaire à la prison St Paul, quartier des mineurs. Mal m'en a pris de ne pas supporter l'emprisonnement des jeunes ! Je me suis fait un devoir de peindre sur le Palais de Justice : « Pas de prison pour les enfants ! » Incognito !
Mais l'anonymat ne dura pas quand j'introduisais dans la prison la presse quotidienne, les jeux du théâtre et le sport dans la cour. Un beau matin, on m'interdisait l'entrée. Foin de ce métier mais point du théâtre que je retrouvais à la M.J.C. du quartier des États Unis où André Bonhomme, un saint du théâtre populaire, m'aguerrit à cet art.
Métallo pour survivre, je découvrais la condition de prolo des villes. Comédien par urgence de dire, nous inventions « le Théâtre de la Rue » pour places de marché, sorties d'usines et foyers sociaux où nous pratiquions un type de théâtre proche de celui que je découvris plus tard sous le nom de « teatro d'Augusto Boal ». Mai 68 éclata à Lyon dans les vibrations du Mai parisien. Nous fûmes des barricades étudiantes et des piquets de grève, des comités d'action étudiants-ouvriers et des labyrinthes dramaturgiques où il faut savoir raccorder Brecht, Lénine, Grotowsky, Artaud, Castro, Foucault, Piscator, Neruda... pour trouver la sortie.
Au fil de ces errances, je faisais la connaissance d'un prof lyonnais, poète originaire du Périgord qui s'appelait Bernard Lesfargues11. Il a ajouté un labyrinthe à ce labyrinthe en me révélant les tenants et les aboutissants de « notre accent ». Pour l'été suivant, nous préparions avec les collègues du « Théâtre de la Rue » un spectacle de saltimbanques : Mort et résurrection de M. Occitania.
Pour un coup d'essai, ce ne fut pas pour moi un coup de maître mais un plongeon dans l'utérus du pays natal.
C'est l'histoire d'un pauvre vigneron comme l'était mon père. Il meurt mais une sorcière le ressuscite et il a trois jours pour trouver les causes de sa mort, sans quoi : « adiussiatz ! ». En moins de quatre-vingt-dix minutes, le public voyage à travers une farce tragique qui fait le procès du mal méridional en s'amusant de tous ses profiteurs et en appelant à la rescousse tous les renforts de hier et d'aujourd'hui, d'ici ou bien d'ailleurs. Avant chaque spectacle une enquête in situ nous permet d'appeler un chat un chat et à la fin, un débat corrige ce qui ne va pas, dans le modèle comme dans sa représentation. Pas de meilleures universités populaires, théâtrales et sociétales que cette école-là !
En plein air, portez vos chaises, entrée gratuite et qu'on se le dise ! »

Fondé par Alranq en 1969, le Teatre de la Carrièra est animé par celui-ci pendant sept ans, puis dirigé collectivement par Charles Robillard, Anne Clément, Catherine et Marie-Hélène Bonafé. Après l’obtention par la troupe du statut de Compagnie Hors Commission12, Marie-Hélène Bonafé en est la directrice de 1982 à 1992. En tant que SCOP-SARL il aura des activités liées à celles du théâtre de la Rampe en 1993 et sera dissout en 1994/95. Une association 1901 du même nom « La Carrièra » subsiste aujourd’hui, domiciliée chez Alranq à Pézenas. Dès le début, ce combat allie engagement militant et tentatives de contact avec les institutions officielles. La question occitane est au cœur de l’inspiration de la troupe, même si certaines créations y échappent comme 24 heures pour le Chili en 1973. Ainsi la troupe doit-elle affronter le double obstacle des difficultés que connaît le spectacle vivant et celles auxquelles la confronte l’usage d’une langue minorisée.

Alranq, originaire de Pézenas, dans l’Hérault, était « monté » à Lyon pour travailler comme éducateur spécialisé. Ces mouvements « d’exil » intérieur (pour prendre un terme qui fera florès jusqu’aux années 90) sont une des caractéristiques de la démographie française des XIXe et XXe siècle, et un des éléments de la dénonciation contenue dans le concept de « colonialisme intérieur » propagé par les militants de diverses régions de France, qui date, lui, des années 60-70. Cet exil géographique, qui se double d’exil social, a été, pour bien des acteurs de la renaissance occitane, l’occasion d’une prise de conscience permise justement par la distanciation induite13.

Lorsque la partie méridionale de la troupe s’installe en Languedoc, elle prend le nom de Teatre de la Carrièra. C’est alors la naissance de la première pièce Mort et résurrection de Monsieur Occitania :

1968 nous avait confortés, dit Claude Alranq14. En 1970 sur dix nous étions deux méridionaux. Nous décidons tous de monter pour l’été une pièce qui traiterait du vécu des gens dans le Midi. Après discussion, je présente un canevas, qui comporte une douzaine de tableaux. Il s’agit de la mort d’un paysan. Il y aura le curé, le félibre, le maire, une sorcière, qui ressuscitera le défunt pour lui donner chance, en trois jours, de découvrir lui-même ce qui l’a tué.

La troupe survit d’abord grâce à des travaux saisonniers dans la viticulture, en lien avec les thèmes que les comédiens veulent aborder. Ces années, dans la mouvance de la création occitane militante (la nouvelle chanson notamment), sont à la fois exaltantes et éprouvantes, et la troupe ressent le besoin de se professionnaliser, d’autant plus que les créations, au début très artisanales (quelques pancartes constituaient essentiellement le décor, et les costumes étaient peu élaborés), demandent de plus en plus de travail scénique et suscitent des coûts de plus en plus élevés. Les conditions matérielles d’existence et le rapport au public ont ainsi évolué depuis le commencement de l’aventure où les spectacles étaient donnés gratuitement, jusqu’à un début d’institutionnalisation, grâce, notamment, à l’accueil par deux villes communistes : Martigues pour La Pastorale de Fos et Arles pour La Liberté ou la mort. Dans le premier cas, cet accueil était lié à un contrat de travail socio-culturel sur la ville avec entre autres la conduite d’une enquête sur la situation socio-économique. Ce processus est la base du travail de la Carrièra, préliminaire à la création : enquêtes documentaires, recherche dans les archives historiques ou collectage de témoignages auprès de la population. Ce dernier aspect est très important parce qu’il permet ensuite le retour des témoins après les représentations où leur parole est mise en scène grâce à la distanciation théâtrale.

La Carrièra intervient plusieurs fois dans le cadre du festival d'Avignon, notamment au Théâtre des Carmes, dirigé par André Benedetto. Sans perdre son engagement dans l'actualité, la troupe s'enracine et se cherche une vocation de « théâtre populaire d'expression française et occitane ».

Ce sont aussi des années où les acteurs culturels de l’occitanisme, la Carrièra en premier lieu, s’organisent dans deux structures, l’Action pour le Jeune Théâtre, ouverte au théâtre d’expression française et l’Action Culturelle Occitane, qui fédérait musiciens et gens de théâtre. Ces structures multiplient les initiatives, meetings, colloques et manifestations de rue, notamment à Avignon ou à Montpellier.

Affiches pour une journée d’Action pour le Jeune théâtre – Avignon 1978 et pour une rencontre de l’Action culturelle à Toulouse le 2 novembre 1980 – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA

Affiches pour une journée d’Action pour le Jeune théâtre – Avignon 1978 et pour une rencontre de l’Action culturelle à Toulouse le 2 novembre 1980 – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA

Après l’espoir suscité par l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, le Teatre de la Carrièra a vécu, comme tout l’occitanisme militant des années précédentes, une situation de crise et de désillusions douloureuses. Alranq s'est investi dans le sketch et le conte, il a travaillé en Afrique en liaison avec des artistes africains. Ainsi nous écrit-il :

Èra lo moment critic onte caliá tirar leiçons sens arrestar lo trabalh e onte se pausava la question de rebombir ambe la Carrièra e onte anavi fòrça en Africa abans de montar Bleu-blanc-noir amb los Niogolons (còla del Mali), La Cocarde d'ébène ambe Gargamèla, de dançairas e musicaires del Burkina e de St Domingue, L'Africanada (espectacle solo sul viatge d'un occitan en negro-païses) e d'ensajar de crear dins « les Francophonies » (que començavan amb Festival des Francophonies de Limoges) una compausanta non-nacionalista e pluriculturala en metropòli e fòra-metropòli... Capitèri pas d'amassar pron d'autors perqué lo ministeri teniá tot e los camaradas africans èran tròp dependents del mercat francofòn... Es dins aquel esperit qu'entreprenguèri mon trabalh a l'universitat de Niça en 1994, puòi la licéncia professionala « Acteurs-sud » en 2000.

[C’était le moment critique où il fallait tirer des leçons sans arrêter le travail et où se posait la question de rebondir avec la Carrièra et où j’allais beaucoup en Afrique avant de monter Bleu-blanc-noir avec les Niogolons (troupe du Mali), La Cocarde d'ébène ambe Gargamèla, des danseuses et des musiciens du Burkina et de St Domingue, L'Africanada (spectacle solo sur le voyage d'un occitan dans les pays noirs et d'essayer de créer dans « les Francophonies » (qui commençaient avec le Festival des Francophonies de Limoges) une composante non-nationaliste et pluriculturelle en métropole et hors métropole... je n’ai pas réussi à rassembler assez d'auteurs parce que le ministère verrouillait tout et que les camarades africains étaient trop dépendants du marché francophone... C’est dans cet esprit que j’ai entrepris mon travail à l'université de Nice en 1994, puis la licence professionnelle « Acteurs-sud » en 2000 (Courriel du 7-07-18)].

Si aucune étude d’ampleur n’a été conduite par des chercheurs extérieurs sur le Teatre de la Carrièra, la documentation abonde sur internet ou dans de nombreux articles de presse, à commencer par un organe créé au sein de la troupe, à partir de 1977 : Novelas de La Carrièra15.

Première et dernière pages du premier numéro du magazine Novelas de la Carriera

Première et dernière pages du premier numéro du magazine Novelas de la Carriera

Quel que soit le support, l’accent est mis sur la « culture des pays d’oc », sur l’usage de l’occitan et du français, sur la constatation du bilinguisme de fait du Sud de la France, sur le désir de créer un théâtre populaire, et sur l’articulation entre enracinement et ouverture. Autre fondamental, le rapport au peuple et à sa culture. Il se produit sous les deux espèces de la collecte de la parole populaire par des enquêtes qui précèdent systématiquement la création des premières pièces, et de la place dans les textes des formes d’expression populaire, la pastorale étant l’une de celles-ci, et surtout à travers le réinvestissement des pratiques carnavalesques utilisées non seulement explicitement dans la pièce Bogre de Carnaval, mais aussi, implicitement, comme forme esthétique d’expression, dans la plupart des créations.

Les premières pièces, entre mythe et question sociale

  • 1970-1971 : Mort et résurrection de Monsieur Occitania

  • 1972-1973 : La Guerre du vin

  • 1973-1974 : Tabò, ou la Sainte-Barbe de combat

  • 1975 : La Pastorale de Fos

  • 1976 : La Liberté ou la mort

  • 1977 : Dans le lit du Rhône

  • 1978 : La fille d’Occitania, Bogre de Carnaval

  • 1979 : Saint Jean Bouche d’or ; Saisons de femme ; Chants de la galine

  • 1980 : Le Miroir des jours, porte-à-porte

Mort et résurrection de M. Occitània (1970)

Voici un synopsis de cette pièce en douze tableaux :

Monsieur Occitània est trouvé mort sur la place publique. Une enquête du parquet est ouverte où interviennent d’abord trois médecins légistes, qui concluent, l’un qu’il pisse rouge, l’autre que son ventre est trop plein de fruits, légumes, mais aussi de sel et de bauxite, le troisième qu’il parle mal français. Interviennent tour à tour un poète « qui parle pour ne rien dire » (il sera désigné dans certains commentaires comme félibre), un curé qui fait de la morale, un candidat aux élections que l’on reverra plus tard « lo repotegaire »16 et une sorcière qui ressuscite le mort pour trois jours en lui donnant la possibilité de l’aider à trouver les causes de sa mort à trois reprises lorsqu’il soufflera dans un fifre qu’elle lui donne.

Deux affiches différentes pour Mort et résurrection de M. Occitania, la deuxième étant celle d’une reprise en 1976. Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Deux affiches différentes pour Mort et résurrection de M. Occitania, la deuxième étant celle d’une reprise en 1976. Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Les tableaux suivants mettent en scène la quête de M. Occitània qui va, peu à peu, découvrir les causes de sa mort. Dans un mélange de féérie inspirée des contes populaires (les trois souhaits) et de scènes carnavalesques, grâce à des personnages à dimension allégorique, le texte déploie toute la doxa de l’occitanisme du temps que l’on résume souvent par la notion de colonialisme intérieur : les richesses des régions périphériques sont aspirées par le centre, assimilé à Paris. Le chômage sévit suite à la fermeture des usines, la politique agricole et la mévente de la production vouent les petites exploitations à disparaître, condamnant les paysans à l’exil ou au chômage. La seule ressource que l’on concède à la région est celle du tourisme. Les notables locaux sont condamnés, ceux de droite (représentés par Viravèsta [retourne-veste]) bien évidemment, ceux de la gauche modérée (Repotegaire) étant considérés comme corrompus ou menteurs. Des solidarités entre paysans, ouvriers et immigrés sont à trouver contre les capitalistes avides (Manjatot e Digeraplan [Mangetout et Digèrebien]). À la fin de la pièce, Mr. Occitània aura conquis sa lucidité et il appelle à la lutte : « Cal tustar suls Manjatot e Digeraplan davant qu’els nos tuen (le fusil dans le poing tendu) duscas a la victòria, totjorn. » [Il faut taper sur les Mangetout et Digèrebien avant qu’ils ne nous tuent (le fusil dans le poing tendu) jusqu’à la victoire, toujours]. On notera au passage les accents guevarristes du mot d’ordre final.

Une didascalie à la fin du texte précise l’adaptabilité de la pièce :

Adapter la suite à la situation locale qu’une enquête aura préalablement étudiée. Dénoncer les Manjatot et les Digeraplan du coin en fonction des problèmes précis. Souligner et expliquer différentes questions sensibles à l’endroit où on joue. Dénoncer l’électoralisme qui n’est que le remplacement d’un Manjatot par un autre Manjatot. Actions possibles. Les envisager selon la réalité locale (p. 67)

Cette adaptabilité était d’ailleurs affirmée en préambule :

Tot comencèt per una enquista qu’avèm facha en Occitània dins l’idèa de portar pèira, e mai modèstament, a la luta de liberacion del pòble occitan. L’espectacle que n’es sortit, partís donc dels problèmas que, cada jorn e concretament, se pausan al mond.
S’aquel montatge deviá èsser représ, aquesta exigéncia demorarà primièira : es pas lo texte escrich e aicí estampat que deu comptar, aquò’s l’endrech e la situacion economicò-sociala de l’endrech ont serà jogat. […]
En consequéncia ÒM PÒT E ÒM DEU faire totas las adaptacions utilas tocant las situacions, los personatges, lo jòc, los fachs. Lo tèxt
17 es sens cap de pretencion de cap de mena. Se deu plegar a las exigéncias de la luta.

[Tout a commencé par une enquête que nous avons faite en Occitanie dans l’objectif d’apporter notre pierre, même modestement, à la lutte de libération du peuple occitan. Le spectacle qui en est sorti part donc des problèmes qui, chaque jour et concrètement, se posent aux gens.
Si ce montage devait être repris, cette exigence demeurerait première : ce n’est pas lo texte écrit et imprimé ici qui doit compter, c’est l’endroit et la situation socio-économique du lieu où il sera joué. […]
Par conséquent ON PEUT ET ON DOIT faire toutes las adaptations utiles quant aux situations, aux personnages, au jeu, aux faits. Le texte est sans prétention d’aucune sorte. Il doit se plier aux exigences de la lutte.]

Mort et résurrection de M. Occitània est caractéristique du travail qui guidera la Carrièra pendant les années suivantes. L’insistance sur les questions locales sera à la base des créations futures.

La Guerre du vin (1972)

L’écriture de la première pièce avait été suscitée par les problèmes viticoles que la troupe connaissait de près puisque les comédiens vivaient de leur travail d’ouvriers agricoles. Mais elle abordait d’autres problèmes, alors que la deuxième pièce, La Guerre du vin, va se recentrer sur la viticulture. L’affiche reproduite a été dessinée par le peintre sétois Pierre François, décédé en 2007, compagnon de route et illustrateur de nombreux écrivains occitans. L’éditeur est le même – 4 Vertats – que pour la première pièce.

Affiche La Guerre du vin – Pierre François– Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Affiche La Guerre du vin – Pierre François– Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

La collection « 4 Vertats » réunissait de petites brochures18, dans un esprit éditorial que Jean Larzac, le directeur de la collection, définissait ainsi :

S'es pas lo ròtle de la literatura de far passar la lenga a l'acte de totas sas possibilitats, pòt èsser son ròtle de la i provocar : e per aquela rason deu passar tota al discors, a l'oralitat, suscitar la responsa d'un pòble que se desaliena19.

[Si ce n'est pas le rôle de la littérature de faire passer la langue à l'acte de toutes ses possibilités, cela peut être son rôle de l'y provoquer : et pour cette raison elle doit passer tout entière au discours, à l'oralité, susciter la réponse d'un peuple qui se désaliène].

Ainsi le travail de La Carrièra s’inscrit-il résolument dans le bouillonnement occitaniste de l’après-68, tant par les thèmes traités que l’on retrouve dans la Nouvelle Chanson que par les lieux d’édition ou les espaces de représentation.

Tabò ou la dernière Ste Barbe (1974)

La troisième pièce occitane de La Carrièra a pour argument la question de la liquidation des bassins miniers, déjà évoquée par M. Occitània ; il s’agit de Tabò ou La dernière Ste Barbe, ainsi présentée en 4ème de couverture :

Tabò ? C'est le cri de guerre des Cévenols, depuis les Camisards jusqu'aux « pichots » se battant sur les rives du Gardon.
La Sainte-Barbe ? La sainte patronne et la fête traditionnelle des mineurs, aujourd'hui devenue aussi journée de lutte.
Pourquoi la dernière ? Sur les 21 puits cévenols, 17 ont déjà été fermés. En 1977, l'État fermera le dernier, à moins que...
Théâtre de combat ? Un théâtre régional qui part des problèmes quotidiens, qui les traite en étroite collaboration avec les travailleurs et qui les restitue dans la peau culturelle du peuple d'Oc.
Folklore ? Un enracinement dans le patrimoine occitan. Une fierté reconquise et brandie dans une recherche théâtrale contemporaine.
Théâtre de rue ? Un théâtre jouable en tout lieu, afin de rencontrer le public populaire. [Plus de 350 représentations dont la quasi-totalité sur les places de village avec Mort et résurrection de Monsieur Occitania, Los Falsaris, La guerre du vin.]
La pièce ? L’histoire d'un jeune mineur amoureux de Barbara, la fille du directeur de la compagnie à l’heure de la liquidation du bassin minier, de la « crise de l'énergie », des soi-disant reconversions, du record de chômage, du « Grand Parc touristique », au milieu d'un paysage hanté par l'histoire, les légendes et les chants du « Pays Raïol ».

Cette présentation met en évidence le jeu que nous avons déjà constaté entre réalité sociale, souvenirs d’Histoire et mythes populaires. Ainsi la pièce évoque-t-elle les conflits politiques dans les Cévennes du XIXe siècle, particulièrement aigus dans le bassin minier. Le titre de Tabò a également été utilisé en 1930 pour un roman de l’auteur Julien Brabo (de son nom de plume Jan Castagno), imprimeur et éditeur, né le 26 octobre 1859 à Saint-Martin-de-Valgalgues, mort le 31 janvier 1938 à Alès sur lequel une thèse vient d’être récemment soutenue par Marinette Vezolles-Mazoyer (2023). La culture populaire orale est présente çà et là dans la pièce de La Carrièra : allusion à la Romèca, supposée hanter les puits, utilisation de la berceuse « Sòm sòm… », connue sur l’ensemble de l’espace occitan.

Là aussi, à plusieurs reprises, les didascalies insistent sur les possibilités de changer le texte. Par exemple, le tableau 4 « est conçu de façon très souple, afin de l’adapter aux conditions particulières de chaque bassin minier et de l’actualiser selon la conjoncture ».

Couverture de l’édition Oswald et deux affiches de la pièce dont l’une est de Pierre François – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Couverture de l’édition Oswald et deux affiches de la pièce dont l’une est de Pierre François – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

La Pastorale de Fos (1975)

La pastorale est un genre populaire en Provence, qui s’est développé au XIXe siècle et qui donne lieu, régulièrement, à des réinterprétations contemporaines.

Cette pièce, à laquelle Claude Alranq a consacré en 1975 un mémoire de maîtrise20, est née d’une commande de la municipalité de Martigues et de quelques communes environnantes. La conception et l’écriture de la pièce sont détaillées dans ce mémoire, enrichi de nombreux documents précieux : cahiers de travail, bulletins d’information contenant les calendriers des diverses actions, listes de personnes morales ou physiques liées à l’aventure, articles de presse. Il est ainsi permis de suivre la genèse de l’élaboration collective de la pièce. Le texte, comme l’essentiel de la mise en scène, est d’Alranq et, s’il y a urgence d’étudier ce travail d’écriture dans ses permanences sur la longue durée, malgré la diversité des sujets, nous nous contenterons ici de souligner ce mélange de tendresse et de violence qui le caractérise.

Affiche La Pastorale de Fos - – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Affiche La Pastorale de Fos - – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Le texte de la quatrième de couverture de La Pastorale de Fos est caractéristique du style d’Alranq, notamment pas son jeu entre les langues : français, occitan e francitan :

À Pamparigouste — que la légende méridionale livre comme le pays du monde à l'envers — les personnages les plus caractéristiques de la mémoire populaire provençale se sont donné rendez-vous.
La pastorale y convie ses gardians de Camargue, ses bergers de la Crau et les pécheurs de la « Venise Provençale » ; le théâtre marseillais y convoque son Chichois ; l'histoire régionale y délègue un Nostradamus mythique, la Fête-Dieu d'Aix, ses « La Badache » et « La Besoche »...
Mais, cette fois, ce ne sera pas pour la galéjade, car il y est question de vie ou de mort. Le droit de vivre occitan va-t-il supporter la sauvage et brutale réapparition de la Tarasque ? Ce coup-ci le monstre n'est plus de crocs et d’écailles. Il est manipulé par la « Confrérie des Entarasqués », une sorte d'Inquisition de triste mémoire dans l'âme méridionale.
Pamparigouste pollué, exproprié, embétonné, vidé de sa personnalité culturelle voit parallèlement arriver dans son « terraire » un peuple en bleu de travail, sans pays : les boumians de l’âge moderne. Les deux peuples s'épient. La crise sévit. Les entarasqués poussent à l’affrontement. Mireille, la pamparigoustienne, rencontre « Boumian », « l'estrangier »...
Une pastorale nouvelle pousse dans les bourgeons de l'actualité, faisant éclater les masques de la duperie et retrouvant dans le dépassement de la classique pastorale religieuse la promesse de sa continuité et la flamme carnavalesque et païenne de ses origines.

Tout est dit sur la prise en compte de la tradition populaire, dans un renversement carnavalesque qui était d’ailleurs contenu en germe par cette même tradition populaire.

Le 5 août 1975, pour le journal télévisé de FR3 Montpellier, Claude Alranq présentait la pièce et évoquait l’esprit qui régissait le Teatre de la Carrièra. L’entretien était jalonné d’extraits de la pièce21.

La Liberté ou la mort (1976)

Il s’agit d’un travail sur la Révolution française et sur la manière dont elle est vécue en Provence. Catherine Bonafé relate, dans l’intervention récente au CIRDOC que nous avons déjà évoquée (http://occitanica.eu/omeka/items/show/13442), les rencontres entre le principal théoricien de l’occitanisme, Robert Lafont, et le grand historien de la Révolution Michel Vovelle, qui a, par ailleurs, beaucoup écrit sur la Provence. J’ai personnellement pu assister à une conférence de Michel Vovelle donnée à l’Université occitane d’été de Nîmes. Ces rencontres ont nourri la réflexion de la troupe et l’écriture d’Alranq. Le texte a été édité par PJ Oswald, avec une belle préface de Jean-Claude Izzo (1945-2000), alors journaliste à La Marseillaise, écrivain reconnu de romans noirs « marseillais ». Pour présenter cette pièce, nous reprenons aussi la quatrième de couverture :

Les pièces relatant la Révolution de 1789 sous l’angle de vue des événements parisiens sont nombreuses. Mais si nous en restions là, nous continuerions à mettre les « provinces » à la remorque de la locomotive révolutionnaire parisienne. Or la Révolution a touché tout l’hexagone. Les réactions locales ont été diverses et contradictoires. À la façon dont la Révolution s’est déroulée dans des « provinces » comme la Bretagne, la Provence ou le Languedoc, on mesure l’importance capitale (mais cachée) des spécificités ethniques dans un processus révolutionnaire. Comment pourrait-on comprendre ces événements provençaux de 1789-93 si l’on ignore la « Constitution Provençale » de 1451, si l’on ne considère pas le rôle déjà hégémonique de la bourgeoisie provençale à la veille de la Révolution, si l’on se cache que 9 Provençaux sur 10 ne parlaient pas français au XVIIIe siècle ? Lo Teatre de la Carrièra relie constamment les faits régionaux à l’ensemble des événements français mais sans cesse il restitue par le jeu, la symbolique, la langue, l’inconscient collectif « populaire », leur nature profondément spécifique. Il veut présenter l’événement historique méridional dans toutes ses composantes politiques, culturelles mais aussi socio-sexuelles. Il a donc placé au cœur de sa création le personnage de Sade, noble révolutionnaire et provençal en rupture avec sa classe d’origine et avec la morale bourgeoise ensemencée en 1789. Du sexe à la fête populaire, de la lutte des classes au fait occitan, La Liberté ou la Mort se veut une pièce historique à vocation contemporaine.

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Affiche de La Liberté ou la mort, coll. particulière – Tous droits réservés.

Le Teatre de la Carrièra en questions

Les questions de survie matérielle

Elles sont au cœur de l’aventure, depuis le début, où les acteurs se faisaient ouvriers agricoles l’été pour jouer pendant l’année et où les spectacles se faisaient avec les moyens du bord dans des scènes improvisées, avec des décors rudimentaires. Dans son ouvrage récent, Catherine Bonafé est très explicite sur ces conditions matérielles, qui sont autant celle du montage des spectacles que de la survie matérielle des comédiens. Elles expliquent qu’Alranq ait rejoint un temps le Centre Dramatique Occitan de Toulon, dirigé par André Neyton, au moment où La Carrièra connaissait le plus de difficultés. Elles ont été en partie résolues quand la troupe a pu bénéficier de l’aide de municipalités communistes pour ses grandes créations : Tabò à Alès, La Pastorale de Fos à Martigues, La Liberté ou la mort à Arles.

La question du féminisme

Un travail complémentaire s’impose sur les personnages féminins du Teatre de la Carrièra des origines : typologie, représentation(s) de la femme, mise en scène, costumes… La troupe n’échappa pas, à la fin des années 70, aux débats sur la question, qui agitèrent l’occitanisme comme l’ensemble de la gauche militante22. Ces échanges eurent lieu dans les Universités d’été, dans les revues et autres organes de presse. Une des traductions de ce débat fut l’écriture par Alranq, en 1978, de La Fille d’Occitania.

La fille d’Occitania, couverture de l’ouvrage et affiche (Collection particulière. Tous droits réservés).

La fille d’Occitania, couverture de l’ouvrage et affiche (Collection particulière. Tous droits réservés).

Cependant, au sein de la troupe, il apparut évident que si le personnage principal était féminin, les rôles dévolus à chacun des deux sexes n’avaient pas fondamentalement changé : la femme y était vue à travers un regard d’homme, même si celui-ci interrogeait les stéréotypes et les représentations.

C’est alors que les femmes de la troupe décidèrent de passer à l’écriture, non sans avoir mené auparavant le travail habituel de collecte de témoignages, et tout en restant dans le cadre collectif. Le résultat est regroupé dans L’écrit des femmes (1981), un ouvrage qui contient une sélection des témoignages recueillis, les textes théâtraux, les analyses sur la question du féminisme, et, bien au-delà, sur l’ensemble du travail de La Carrièra, y compris sur la question de la langue et sur les débats idéologiques au sein de l’occitanisme.

Couverture de L’écrit des femmes

Couverture de L’écrit des femmes

Trois créations sont éditées dans cet ouvrage :

  • Saisons de femme, ainsi présenté : « Catherine Bonafé : conception, texte, mise en scène, interprétation : Anne Clément : interprétation. Création juin 1979 ».

La pièce s’ouvre sur une scène qui rythmera l’ensemble du spectacle : Aurette, le personnage principal, à 40 ans, dans une posture répétitive, essuie machinalement avec du papier absorbant des récipients tupperware emboités, tout en égrenant tout aussi machinalement sa vie monotone de femme mariée enfermée volontairement entre les quatre murs de sa villa. Ces intermèdes statiques alternent avec l’histoire d’Aurette, depuis la grossesse de sa mère, déçue de voir arriver une fille, jusqu’à la première éducation par la grand-mère, dans la tendresse et le partage d’une culture orale occitane, comptines et proverbes, puis l’adolescence, les rêves refoulés d’un destin de bergère, l’usine et le mariage. La pièce s’achève par une note frêle d’espoir : « Demain, j’irai voir mon cousin le Berger ».

  • Le Miroir des jours ou La mitat del camin : « Catherine Bonafé : texte, interprétation, Marie-Hélène Bonafé : texte, interprétation, Anne Clément : texte, interprétation, Guilhem Pellegrin : interprétation ».

Norina, le personnage principal, vient de perdre son mari, agriculteur. D’abord désemparée, soumise à toutes les pressions sociales et familiales, elle décide de prendre son destin en main.

  • -Porte-à-porte : « Marie-Hélène Bonafé : texte, interprétation, Anne Clément et Jean-Claude Perrin : mise en scène ».

À travers Nini, le personnage principal, qui va quitter le domicile conjugal, c’est toute la vie passée et présente des femmes d’ouvriers de Port-de-Bouc qui est évoquée, entre relégation au domicile et soutien aux luttes menées par les hommes.

  • S’ajoutent à ces trois créations les Chants de la Galine, écrits et interprétés notamment par Marie-Hélène Bonafé, qui devaient s’insérer dans la création d’une pièce, La Commune de Marseille, écrite par Alranq et J.C. Izzo, qui n’a pu être montée. L’argument de cette pièce : « Trois filles du pays gavot décident, un jour des années 1870, de descendre à Marseille […]. Elles y rencontrent l’histoire, la grande, celle de la Commune, et la petite, celle de la vie de tous les jours…

La partie « analyse » de l’ouvrage met l’accent sur Le Miroir des jours, qui serait une tentative de résolution du conflit de genres évoqué par Saisons de femmes. Cependant, pour avoir vu – et aimé – les deux pièces en leur temps et avoir récemment relu les textes, il m’apparaît évident que c’est en Saisons de femmes que réside la plus grande force poétique de l’écriture et de la mise en scène et la plus grande justesse dans l’évocation de ces vies de femmes. C’est aussi dans cette pièce que les contacts de langues (français et occitan) sont les plus finement scénarisés, selon l’emploi qui en est fait par les diverses générations, de la grand-mère pétrie de culture orale, jusqu’à Aurette qui en reste à quelques bribes de francitan, le français lui étant imposé comme langue de distinction sociale, ce qui passe par la langue de l’école et la langue du culte en milieu protestant. L’occitan, selon la division diglossique bien connue, est présenté comme la langue des hommes, langue des propos vulgaires et autres formes « basses » du langage.

La publication de cet article est aussi pour moi l’occasion d’évoquer Annette Clément, qui nous a quittés à l’orée de l’été 2023. Je me permets de reproduire ici une partie de l’hommage que je lui ai rendu au nom de la FELCO, en reprenant la fin de Saisons de femmes, que je relis toujours avec la même émotion :

Deman sonarà la campana
deman lo solelh sarà negre
deman la mort vendrà te quèrre
deman ton còr sarà la cendre
deman retrobaràs la terra

[Demain sonnera la cloche
demain le soleil sera noir
demain la mort viendra te chercher
demain ton cœur sera la cendre
demain tu retrouveras la terre]

(elle lâche la sonnaille)

Ma maison bien hermétique
me serre, serre en sûreté
j’ai arrêté de bouger
arrêté de respirer
mais la poussière toujours revient
pellicule grise, légère au soleil
à mes épaules, si lourde et vieille
Dans mes placards tout est en ordre
et dans mon corps tout est désordre !
Vivre me fait si mal.
Je lave ma maison
pour me laver moi-même
pour me débarrasser
de ce sale dégoût
qui envahit ma gorge
et la hotte aspirante
avale tous mes pleurs.
Ma peau est enfin blanche
comme le formica
mon sang doit s’arrêter
je ne veux pas sentir !
Vivre me fait si mal.
Au fond du ventre, si forte
géante comme la solitude
la mort vit avec moi
elle m’effraie et me viole
comme un mari jaloux !
Vivre me fait si mal.

(elle saisit dans son délire la cloche autour de son cou)

Un jour, avec les troupeaux
j’irai à la montagne
pour ne plus revenir
au milieu des brebis
je ferai sonner ma tête
comme une sonnaille
je crierai, je crierai,
et les bêtes comprendront
mieux que les gens d’ici
et je leur parlerai
et leur laine sera plus chaude
que le thermostat automatique
et leur souffle sera plus doux
que celui de mon mari.
Béé… je suis sale
Béé… j’ai la mort en moi
Béé… je n’ai pas d’âme
Béé… je suis à votre image

(elle se ressaisit, soudain, se ravise, remet la cloche autour de son cou, se rasseoit et reprend son dernier Tupperware. Elle s’arrête net, jette la boite)

Demain, j’irai voir mon cousin le Berger. »

Au moment du décès d’Annette Clément, j’ai écrit ces mots : « Anneta, i siás, ara, amont dins la montanha, mas tanben en nosautres totes que nos as tant donat » [Annette, tu y es, maintenant, là-haut sur la montagne, mais tu es aussi en nous tous, auxquels tu as tant donné].

La question de la langue

Si le problème de la langue traverse la question du féminisme, il ne s’y cantonne pas. Le choix de la langue – des langues – d’expression théâtrale a été l’objet d’un débat particulièrement âpre dans ces années pionnières où aucun moyen technique ne permettait le surtitrage. D’ailleurs, si ces moyens avaient existé, la troupe n’aurait certes pas eu les moyens de les utiliser. La question se posait donc d’être compris d’un large public, non militant, dans un contexte sociolinguistique où l’usage social de la langue avait fortement diminué. Alors même que Robert Lafont dans un premier temps, ou Max Rouquette, faisaient le choix d’un théâtre monolingue occitan (quitte, pour Max Rouquette, à écrire aussi une version française de ses pièces, bien plus jouée que la version occitane), la Carrièra fit d’abord, la première année, le choix de jouer en français. La première pièce comportait une part d’improvisation et, dit Claude Alranq : « les répliques, parfois, me venaient en patois ». Ainsi la troupe passa-t-elle peu à peu à un théâtre bilingue, comme d’autres troupes de la même période : le Théâtre des Carmes d’André Benedetto à Avignon ou le Centre Dramatique Occitan d’André Neyton à Toulon. Mais ce bilinguisme, en réalité, révélait surtout la distribution diglossique des langues en situation de domination, telle que décrite par la sociolinguistique catalano-occitane qui se développait à la même période. Le paradoxe est flagrant entre la distribution des langues dans les spectacles – qui s’explique aisément par la recherche d’un public populaire – et l’analyse très lucide que révèlent les réflexions de la troupe sur la domination linguistique. Ainsi dans L’Écrit des femmes (p. 168-169) :

… la perte de sa culture, de sa langue maternelle, rend la personnalité de l’individu et de la communauté dans laquelle il vit bien plus vulnérable face à l’idéologie dominante réactionnaire. En interdisant l’occitan dans la vie publique (alors que sur quinze millions d’occitans, plus des deux tiers le comprennent parfaitement !), en discriminant notre histoire, nous perdons toute originalité et, ce faisant, nous devenons bien plus perméables aux modèles américanisés de l’idéologie dominante. En nous inculquant un complexe d’infériorité face à une culture plus parisienne que française, nous résistons bien moins aux matraquages d’une « nouvelle » société aseptisée et standardisée. L’expression vivante du peuple d’Oc ainsi combattue, le seul moyen d’expression qui lui reste est le folklore, c’est-à-dire une figure historique figée, où souvent l’aspect touristique et commercial devient la préoccupation première.

Ainsi, dans les pièces de La Carrièra, le mineur, le paysan, la grand-mère parlent-ils occitan, alors que le patron et l’élu parlent français… L’Écrit des femmes analyse ces choix linguistiques23 qui pouvaient sembler a priori contraires à la volonté exprimée par Robert Lafont de « retrousser la diglossie »24 :

Dans « Saisons », l’évolution conflictuelle des deux langues […] charge le propos d’un contenu occitaniste25 : La langue occitane, maternelle, celle des premières émotions structurant le caractère, celle de l’apprentissage de la vie, sera interdite en même temps que l’héroïne sera interdite de liberté. Aux premiers éclatements de la vie correspondent les premiers jeux du langage (les comptines, les chants). Aux premières inhibitions de l’enfance correspond l’interdiction de l’occitan (la grand-mère, le père). Au morcellement du corps de l’adolescente correspond la diglossie du parler (Aurette ne sait plus parler ni occitan, ni français ; elle utilise un argot francitan). À l’immobilité du corps coincé dans une mode correspond l’amnésie totale de la langue maternelle, et l’utilisation d’un français standardisé. […] La langue, clef de notre occitanité, est intégrée dialectiquement dans le drame même qui se joue. En cela, Saisons de femme appartient à un théâtre contemporain occitan. Dans Le Miroir, l’utilisation des deux langues n’est pas un lieu de contradiction. Le bilinguisme ne fait que refléter la réalité sociale ; il ne la questionne pas. Jamais le choix d’utiliser la langue dominée ou la langue dominante n’est partie prenante de l’action dramatique. Oubliant d’intégrer la dimension occitane dans le propos dramaturgique, nous l’avons condamnée à un rôle secondaire. Le choix du milieu rural contribuait à enfermer cette dimension dans un ruralisme à la mode « rétro ». L’emploi de l’occitan amène, en général, un côté pagnolade, couleur locale (sauf lorsque les trois femmes transforment les proverbes occitans). N’entrant pas dans la stratégie de la pièce, il se réduit à une dimension patoisante. L’utilisation du français n’éclaire pas non plus l’enjeu social et culturel qui existe particulièrement pour les femmes à bien le parler, à perdre l’accent… Sans utilisation dialectique, le bilinguisme perd toute charge sociale et affective, toute actualité, toute intelligence. En ce sens Le Miroir est occitan, certes, mais peut-être pas occitaniste ! Et donner un spectacle tout en occitan n’aurait rien changé au problème.
[…] Citons Claude Alranq qui a bien résumé la question : « … La culture occitane est dans une telle situation historique qu’elle ne nous laisse pas le choix : si la langue n’est pas intégrée charnellement au propos dramatique, elle se condamne… » (p. 178- 179)

Une étude reste à faire sur la distribution des langues à travers l’ensemble des pièces écrites par La Carrièra et donc sur la difficulté de dépasser la distribution diglossique de l’emploi des langues. Pour des raisons dont les deux principales consistent dans une représentation – fût-elle distanciée – de la réalité sociolinguistique et celle de la nécessité de se faire comprendre d’un public déculturé en occitan, cet ensemble refuse le choix volontariste du « coma se » de la littérature occitane contemporaine : faire comme si la langue occitane était langue d’expression normalisée et donc l’employer dans tous les actes de langage, narration comme discours, indépendamment de cette réalité. En cela même, ce théâtre pourrait constituer un objet d’étude du fonctionnement diglossique contemporain.

La question de l’Histoire

C’est certainement dans La Liberté ou la mort que l’Histoire prend une telle dimension dans l’écriture dramatique de Claude Alranq. Comme André Neyton, à travers des textes de Gaston Beltrame ou Robert Lafont26 ou André Benedetto27, Alranq choisit de mettre en scène un grand moment de l’histoire nationale tel que vécu loin de Paris où l’Histoire officielle se cantonne généralement à l’Histoire nationale vue de la capitale.

Mais l’Histoire est rarement oubliée dans les autres pièces de La Carrièra de la période qui nous occupe, et elle ne l’a pas été par la suite. Les personnages apparaissent porteurs d’une mémoire populaire, celles des luttes menées dans les Cévennes minières (Tabo), ou lors de la guerre des Camisards (Saisons de femme).

La tentative infructueuse de mettre en scène la Commune de Marseille, généralement occultée (de même que celles de Narbonne ou de Limoges) participe aussi de cette volonté de pédagogie auprès du public. Il s’agit ainsi de travailler à la réappropriation du savoir historique comme à la revitalisation du parler populaire dans sa richesse poétique et symbolique. Des personnages du passé sont mis en scène après que les recherches dans les archives en ont exhumé le rôle historique, le Marquis de Sade, par exemple ou l’avocat Pascalis opposé à la Révolution parce qu’elle avait supprimé les États de Provence, personnage que la pièce La Liberté ou la mort oppose à l’aristocrate Antonelle.

Pour ne pas conclure

Le présent dossier nous a permis de revenir sur un corpus important d’œuvres théâtrales et nous a révélé la richesse d’un travail de création qui demande un travail de réflexion approfondi, passant aussi par l’étude du jeu théâtral, indissociable des textes. Il faudrait explorer notamment l’articulation entre la création individuelle (impossible de dissocier La Carrièra de Claude Alranq) et le travail collectif des autres membres de la troupe, mais aussi des institutions qui les ont portées, notamment les villes qui ont hébergé La Carrièra et permis à la troupe de s’ancrer dans le travail social. Il faudrait aussi étudier plus précisément les textes : la singularité de l’écriture d’Alranq, ou la distribution de l’usage des langues, par exemple. Il faudrait encore revenir sur le jeu carnavalesque à l’œuvre notamment dans les premières pièces, jeu carnavalesque qui s’inscrivait à la fois dans une longue tradition occitane, bien étudiée notamment par Philippe Gardy28, et dans une vogue à la fois populaire et scientifique qui coïncida avec les années dont nous venons de parler. En témoignent, là encore, les travaux de Philippe Gardy ou encore ceux de Daniel Fabre29.

Par ailleurs, cette aventure théâtrale a encore des prolongements dans le travail réalisé des dernières années par le Théâtre des Origines30, significativement présenté sur son site comme « un laboratoire des imaginaires traditionnels, rituels festifs, temporadas, patrimoine vivant en Occitanie ». Une de ses principales animatrices n’est autre que Perrine, la fille de Claude Alranq. Un demi-siècle plus tard, au-delà des différences esthétiques, au-delà du contexte militant, on retrouve dans les recherches du Théâtre des Origines la même attention portée aux mythes et aux cultures populaires. Mais on n’y retrouve pas, pas plus d’ailleurs que dans les autres créations théâtrales contemporaines, cette association de la mythologie populaire à une attention aigüe aux problèmes sociopolitiques du temps, construite à partir des enquêtes de terrain de La Carrièra. C’était un autre temps, qui coïncidait d’ailleurs avec celui de la Nouvelle chanson occitane et de ses messages engagés...

1 Cet article soit beaucoup à la disponibilité des personnels du CIRDOC – Institut occitan de cultura, notamment Françoise Bancarel, Florian Bart et

2 Alranq, Claude

- Théâtre d'oc contemporain, Pézenas, Domens, 1995

- Répertoire du théâtre d'oc contemporain. 1939-1996, Pézenas, Domens, 1997. La tradition remonte en réalité beaucoup plus loin que l’époque

3 NB : on trouve parfois la notation « carriera ». Nous avons harmonisé.

4 L’écriture occitane contemporaine. Une quête des mots, Paris, L’Harmattan, 1996

5 Notons une erreur de l’auteure de l’article qui assimile dans un même article deux pièces différentes, comme on le verra par la suite de notre étude

6 Voir sur le site personnel de Claude Alranq la page « Itinéraire » : http://www.claude-alranq.com/itineraire

7 Décédée en 2023.

8 http://occitanica.eu/omeka/items/show/13442

9 Sur lequel on lira ici même la recension de Claire Torreilles : https://plumas.occitanica.eu/1426

10 http://www.claude-alranq.com/articles-recherches/articles/item/2644-mai-1968-en-occitanie-mai-1968-en-occit%C3%A0nia

11 Bernard Lesfargues, décédé en février 2018, professeur d’espagnol en classes préparatoires à Lyon, traducteur depuis le catalan, le galicien et l’

12 Ce statut permet aux compagnies qui en bénéficient de négocier directement des subventions auprès de l’État, sans passer par des commissions d’

13 C’est le cas, par exemple, pour Robert Lafont ou Roland Pécout. Mais nous en avons trouvé de très nombreux dans une enquête effectuée auprès des

14 Reproduit dans un article intitulé « Le THEATRE DE LA CARRIERA, "Nous voulons vivre en théâtre au pays" », in La Pastorale de Fos. Théâtre et

15 25 numéros depuis le premier (juin 1977) jusqu’au numéro 25 (juin 1987)

16 Pas de terme français pour traduire ce mot fréquent en occitan, équivalent de l’argot « rouspéteur ».

17 La double graphie « texte » et « tèxt » est dans l’original.

18 On trouvera les références complètes des volumes parus jusqu’en 1973 dans les deux tomes de la Bibliographie occitane, 1967-1971 et 1972-1973, de

19 Larzac, Jean, « La letra tua », revue Viure n° 18-19, Montpellier, automne 1969, pp. 16 - 32. (p. 28).

20 Conservé à la bibliothèque du département d’occitan de l’Université Paul Valéry, Montpellier 3.

21 On pourra consulter ce précieux document, complété d’une notice et d’un éclairage historique d’Aurélien Bertrand sur la fresque 50 ans de borbolh

22 Voir à ce sujet l’article de Camille Courgeon, « Les questions féministes dans les revues occitanistes dans les années 1968 : entre revendications

23 « La langue occitane dans les spectacles », p. 178-179.

24 Lafont, Robert : « Pour retrousser la diglossie, Montpellier, Lengas, n 15, pp. 5-36. Reproduit in R. Lafont, Quarante ans de sociolinguistique à

25 Nous reproduisons ici les paragraphes tels qu’ils figurent dans l’ouvrage.

26 Beltrame, Gaston : Martin Bidoret ò Lo còp d’Estat de 1851, mis en scène par André Neyton en 1975, Lafont (Robert), La révolte des cascavèus (idem

27 Benedetto, André : Théâtre 1 : Les drapiers jacobins, Le siège de Montauban, Mandrin, Paris, P.J. Oswald, 1976

28 Parmi de nombreux articles et ouvrages, on retiendra notamment L’écriture occitane aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles : origine et développement d’

29 Fabre, Daniel et Camberoque, Charles, La Fête en Languedoc, Toulouse, Privat, 1977, rééd. 1990.

30 Theatredesorigines.frhttps://www.theatredesorigines.fr

31 Les premières pièces sont publiées sans autre indication d’auteur que le nom de la troupe. Mais il est établi que l’auteur des textes était Claude

Sur Le Teatre de la Carrièra

Alranq, Claude, La Pastorale de Fos. Théâtre et actualité, mémoire de maîtrise sous la direction de M. Gontard, Université Paul-Valéry, 1974-1975.

Bertrand, Aurélien, « notice contextuelle et historique sur La Pastorale de Fos et le Teatre de la Carrièra » : https://fresques.ina.fr/borbolh-occitan-fr/fiche-media/Occita00073/le-theatre-de-la-carriera-et-la-pastorale-de-fos.html

Bonafé, Catherine, Résurgence. 1971-1986. Quinze années au Teatre de la Carriera. Auto-édition, 2023.

Deutsch, Michel et Sarrazac, Jean-Pierre, « Le teatre de la carrièra », in Travail Théâtral, janvier-juin 1975.

Gardy, Philippe, « Théâtre, fête et société en pays occitan »; « Naissances du théâtre en pays occitan : les célébrations carnavalesques » ; « Le Teatre de la Carrièra : à la recherche d’un théâtre carnavalesque occitan aujourd’hui, entrevue avec Claude Alranq » ; « Les limites du jeu carnavalesque ? » (La Carrièra, 1976-1982) », in Revue d’histoire du théâtre (dossier réuni par Ph. Gardy), I, f1982,  p. 7-9, 10-31, 75-88, 89-96.

B. Servin, Micheline, « France : La tradition éclate », Dramaturgie actuelle, 8, printemps 1978, p. 25–42. https://www.erudit.org/fr/revues/jeu/1978-n8-jeu1063820/28592ac.pdf

Novèlas de la Carrièra, revue, Arles : Teatre de la Carrièra 1977- [1987?], n°2, juillet 1977 à n°25, juin 1987. Disponible au CIRDOC.

Les pièces de La Carrièra31

Mort et Résurrection de M. Occitània, Ardouane, 4 Vertats, 1971.

La Guerre du Vin, Ardouane, 4 Vertats, 1974.

Tabo ou la dernière Sainte Barbe, Paris, P. J. Oswald. « Théâtre hors la France », 1974.

La Pastorale de Fos, Paris, P. J. Oswald, « Théâtre hors la France », 1975.

La Liberté ou la mort, Paris, P. J. Oswald, « Théâtre hors la France », 1976.

Lo Teatre de la Carrièra, La Fille d'Occitania, Texte de Claude Alranq, Le Paradou (13), Actes/Sud, 1978, coll. « Théâtre en Occitanie ».

Lo Teatre de la Carrièra, L’écrit des femmes. Paroles de femmes en pays d’oc, Paris, Solin, 1981.

Autres

Vezolles-Mazoyer, Marinette, Édition critique du roman de l'auteur occitan alésien Julien Brabo (1859-1938) dit Jan Castagno : E Zóu ! Tabò ! (1930), thèse de doctorat en études occitanes sous la direction de Marie-Jeanne Verny, Université Paul-Valéry, 2023.

1 Cet article soit beaucoup à la disponibilité des personnels du CIRDOC – Institut occitan de cultura, notamment Françoise Bancarel, Florian Bart et Maëlys Muller. Qu’ils soient ici remerciés de leur disponibilité. Merci à Philippe Gardy pour ses relectures et informations. Merci aussi à Claude Alranq de sa relecture et de ses recherches sur le théâtre occitan contemporain.

2 Alranq, Claude

- Théâtre d'oc contemporain, Pézenas, Domens, 1995

- Répertoire du théâtre d'oc contemporain. 1939-1996, Pézenas, Domens, 1997. La tradition remonte en réalité beaucoup plus loin que l’époque contemporaine, comme en témoignent notamment les travaux de Philippe Gardy.

3 NB : on trouve parfois la notation « carriera ». Nous avons harmonisé.

4 L’écriture occitane contemporaine. Une quête des mots, Paris, L’Harmattan, 1996

5 Notons une erreur de l’auteure de l’article qui assimile dans un même article deux pièces différentes, comme on le verra par la suite de notre étude.

6 Voir sur le site personnel de Claude Alranq la page « Itinéraire » : http://www.claude-alranq.com/itineraire

7 Décédée en 2023.

8 http://occitanica.eu/omeka/items/show/13442

9 Sur lequel on lira ici même la recension de Claire Torreilles : https://plumas.occitanica.eu/1426

10 http://www.claude-alranq.com/articles-recherches/articles/item/2644-mai-1968-en-occitanie-mai-1968-en-occit%C3%A0nia

11 Bernard Lesfargues, décédé en février 2018, professeur d’espagnol en classes préparatoires à Lyon, traducteur depuis le catalan, le galicien et l’espagnol chez Gallimard, mais aussi occitaniste, militant fédéraliste, fondateur des éditions Fédérop et de leur collection Fédéroc. Sa rencontre a été aussi déterminante pour d’autres exilés lyonnais dont le journaliste corse du Monde des livres, Philippe-Jean Catinchi, auteur de nombreux articles percutants sur littérature occitane. Voir le numéro 4 de la revue Plumas consacré à Lesfargues : https://plumas.occitanica.eu/1030

12 Ce statut permet aux compagnies qui en bénéficient de négocier directement des subventions auprès de l’État, sans passer par des commissions d’experts.

13 C’est le cas, par exemple, pour Robert Lafont ou Roland Pécout. Mais nous en avons trouvé de très nombreux dans une enquête effectuée auprès des écrivains occitans. Voir notamment : M.J. Verny, « Le point de vue des auteurs. La littérature occitane vue par ceux qui l’écrivent : littérature périphérique ou littérature tout court ? », Des littératures périphériques, sous la direction de Nelly Blanchard et Mannaig Thomas, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2014, p. 137 - 156] et M.J. Verny, « Une littérature en situation de diglossie : la littérature occitane vue par ceux qui l’écrivent », in [Contacts, conflits et créations linguistiques, actes du 139e Congrès CTHS, sous la direction de Ghislaine Brun-Trigaud, Éditions du CTHS.]

14 Reproduit dans un article intitulé « Le THEATRE DE LA CARRIERA, "Nous voulons vivre en théâtre au pays" », in La Pastorale de Fos. Théâtre et actualité, mémoire de maîtrise présenté par Claude Alranq, sous la direction de M. Gontard, Université Paul-Valéry, 1974-1975.

15 25 numéros depuis le premier (juin 1977) jusqu’au numéro 25 (juin 1987)

16 Pas de terme français pour traduire ce mot fréquent en occitan, équivalent de l’argot « rouspéteur ».

17 La double graphie « texte » et « tèxt » est dans l’original.

18 On trouvera les références complètes des volumes parus jusqu’en 1973 dans les deux tomes de la Bibliographie occitane, 1967-1971 et 1972-1973, de Jean Lesaffre et Jean-Marie Petit, Montpellier, C.E.O. respectivement 1973 et 1974.

19 Larzac, Jean, « La letra tua », revue Viure n° 18-19, Montpellier, automne 1969, pp. 16 - 32. (p. 28).

20 Conservé à la bibliothèque du département d’occitan de l’Université Paul Valéry, Montpellier 3.

21 On pourra consulter ce précieux document, complété d’une notice et d’un éclairage historique d’Aurélien Bertrand sur la fresque 50 ans de borbolh occitan réalisée en partenariat entre le CIRDOC et l’Institut national de l’audiovisuel à l’adresse https://fresques.ina.fr/borbolh-occitan-fr/fiche-media/Occita00073/le-theatre-de-la-carriera-et-la-pastorale-de-fos.html

22 Voir à ce sujet l’article de Camille Courgeon, « Les questions féministes dans les revues occitanistes dans les années 1968 : entre revendications et négociations », à paraître dans la revue Lengas n° 93 (https://journals.openedition.org/lengas/).

23 « La langue occitane dans les spectacles », p. 178-179.

24 Lafont, Robert : « Pour retrousser la diglossie, Montpellier, Lengas, n 15, pp. 5-36. Reproduit in R. Lafont, Quarante ans de sociolinguistique à la périphérie, 1997, Paris : L’Harmattan, pp. 91-122.

25 Nous reproduisons ici les paragraphes tels qu’ils figurent dans l’ouvrage.

26 Beltrame, Gaston : Martin Bidoret ò Lo còp d’Estat de 1851, mis en scène par André Neyton en 1975, Lafont (Robert), La révolte des cascavèus (idem, Centre Dramatique Occitan de Provence, 1977) et La Croisade (idem, 1983).

27 Benedetto, André : Théâtre 1 : Les drapiers jacobins, Le siège de Montauban, Mandrin, Paris, P.J. Oswald, 1976

28 Parmi de nombreux articles et ouvrages, on retiendra notamment L’écriture occitane aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles : origine et développement d’un théâtre occitan à Aix-en-Provence. L’œuvre de Jean de Cabanes, Béziers, Centre International de Documentation Occitane, deux vol., 1070 p.

29 Fabre, Daniel et Camberoque, Charles, La Fête en Languedoc, Toulouse, Privat, 1977, rééd. 1990.

30 Theatredesorigines.frhttps://www.theatredesorigines.fr

31 Les premières pièces sont publiées sans autre indication d’auteur que le nom de la troupe. Mais il est établi que l’auteur des textes était Claude Alranq, même si celui-ci communiquait d’abord son premier jet à la troupe. La lecture des textes révèle en effet la permanence d’une « plume » originale.

Couvertures de Mort et résurrection de M. Occitània et du n° 20 de la revue Amiras

Affiches pour une journée d’Action pour le Jeune théâtre – Avignon 1978 et pour une rencontre de l’Action culturelle à Toulouse le 2 novembre 1980 – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA

Première et dernière pages du premier numéro du magazine Novelas de la Carriera

Deux affiches différentes pour Mort et résurrection de M. Occitania, la deuxième étant celle d’une reprise en 1976. Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Affiche La Guerre du vin – Pierre François– Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Couverture de l’édition Oswald et deux affiches de la pièce dont l’une est de Pierre François – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

Affiche La Pastorale de Fos - – Tous droits réservés - Collection CIRDOC-Institut occitan de cultura, IA.

La fille d’Occitania, couverture de l’ouvrage et affiche (Collection particulière. Tous droits réservés).

Couverture de L’écrit des femmes