Max Allier (1912-2002), a la raja dau temps

Marie-Jeanne Verny

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Marie-Jeanne Verny, « Max Allier (1912-2002), a la raja dau temps », Plumas [En linha], 1 | 2021, Mes en linha lo 04 octobre 2021, Consultat lo 28 mars 2024. URL : https://plumas.occitanica.eu/218

Après une brève présentation de l’itinéraire biographique de Max Allier (1912-2002), cet article évoque les premiers textes parus en revues avant de présenter son premier recueil poétique occitan paru en 1951 à travers son architecture. Quelques mots seront dits sur la version française qui est une véritable réécriture de l’original occitan. L’étude est complétée par plusieurs annexes : des articles d’Allier, une analyse de la correspondance de celui-ci avec Robert Lafont et un recensement bibliographique détaillé de l’œuvre de l’écrivain.

Aprèp una presentacion brèva de l’itinerari biografic de Max Allier (1912-2002), aquel article evòca los primièrs tèxtes pareguts avant de presentar son primièr recuelh poetic occitan paregut en 1951 a travèrs son arquitectura. Qualques mots seràn diches sus la version francesa qu’es una re-escritura vertadièra de l’original occitan. L’estudi es completat per mai d’un annèxe : d’articles d’Allier, un analisi de sa correspondéncia amb Robèrt Lafont e un recensament bibliografic detalhat de l’òbra de l’escrivan.

After a brief presentation of Max Allier's (1912-2002) biography, this article evokes the first texts published in journals before presenting, through its architecture, Allier’s first Occitan poetic collection, published in 1951. A few words are said about the French version, truly a rewriting of the Occitan original. The study is completed by several appendices: articles by Allier, an analysis of his correspondence with Robert Lafont and a detailed bibliographical survey of the writer's work.

Dans le corps de cet article, j’ai repris systématiquement les versions françaises de l’auteur, lorsqu’elles existaient. Lorsque la traduction est de mon fait elle figure entre crochets. J’ai volontairement choisi pour cet article le titre du premier recueil poétique de Max Allier dans la collection Messatges, titre emprunté au dernier poème « Ma cara » / « mon visage » et que l’on pourrait traduire par « Face à la rigueur du temps ». La version française du texte est « dans le temps qui fait rage ». Mais les versions françaises d’Allier sont rarement des traductions littérales.

Lors du décès de Max Allier en 2002, Yves Rouquette le salue dans Occitans !, la revue de l’IEO. J’extrais ces phrases de ce texte plein d’émotion, repris en annexe :

A 66 ans, sabi totjorn de còr son poema :

Aicí ma cara
A la raja dau temps
l’ai quilhada
Es nuda
Coma la ròca del vent batuda
Emai barrada coma un ponh.

E compreni pas qu’aquel tèxt fulgurant — que me reciti pas sens ferniment lo long del carrastel — tòrne tanpauc sovent dins las espròvas oralas del bac.

[À 66 ans, je sais toujours par cœur son poème :

Voici mon visage
Levé dans le temps qui fait rage
il est nu
comme un rocher du vent battu
et serré comme un poing.

Et je ne comprends pas que ce texte fulgurant – que je ne me récite pas sans un frémissement le long de la colonne vertébrale – revienne si peu souvent dans les épreuves orales du bac.]

Il est vrai que l’œuvre de Max Allier, comme celle de bien des écrivains de la collection Messatges, n’eut pas la réception qu’elle méritait. J’espère que cet essai d’analyse du recueil A la raja dau temps (Quasèrn n° 10 de la collection Messatges), complété par une évocation de l’itinéraire de Max Allier entre ses divers engagements politiques et culturels, sera le début d’une reconnaissance de cette œuvre. J’ai voulu éclairer cette analyse par une lecture de la correspondance avec Robert Lafont conservée au CIRDOC (36 lettres entre 1946 et 1971), et la publication, en annexe, de quelques textes théoriques de et sur Max Allier, essentiellement dans les revues Oc1 et L’Ase negre.

Originaire de Montpellier, d’une famille protestante, fils du peintre communiste Paul Allier, Max Allier grandit à Paris où il fait ses études. Prisonnier de guerre en 1940, il s’évade et rejoint Montpellier. Membre de l’Armée secrète, il se sait menacé après l’arrestation de deux amis par la Gestapo et se réfugie avec sa femme et leur petite fille à L’Espérou, sur l’Aigoual, jusqu’à la Libération. Il soutient le maquis sans s’y engager directement, s’estimant trop vieux par rapport aux plus jeunes…2 Membre du Parti communiste, il fut à l’origine, avec quelques autres, dont le secrétaire régional Maurice Verdier, du texte bilingue de 1976 adopté par les Cinq Fédérations Communistes du Languedoc–Roussillon : « les communistes soutiennent le développement de la Culture Occitane » et il fait partie des acteurs qui permirent, à la fin des années 70, un rapprochement entre communistes et occitanistes. Pour ce qui est d’Allier, ces contacts sont anciens, probablement liés à la Résistance et à l’influence majeure, dans la France d’après-guerre, du PCF et de son appareil intellectuel (presse nationale et régionale, revues – Europe, Les Lettres françaises – éditions liées au Parti, comme les EFR – Éditeurs français réunis, qui publièrent en 1962 l’Anthologie de la poésie occitane d’Andrée-Paule Lafont, préfacée d’Aragon…). Une bonne partie des occitanistes progressistes de cette époque, quelle que soit leur sensibilité politique, eurent des relations avec cette nébuleuse. Comme pour d’autres acteurs de la renaissance occitaniste d’après-guerre, membres de la mouvance communiste (Georges Gibelin3, Félix Castan4 ou Robert Allan), l’amitié de Max Allier avec Robert Lafont est une amitié de jeunesse, les lettres conservées au CIRDOC5 en témoignent.

Après la guerre, Allier devient journaliste à Nîmes, d’abord dans l’éphémère quotidien, prise de guerre de la Résistance, intitulé Renaissance républicaine du Gard6 (1946-1947), puis à La Marseillaise, quotidien de sensibilité communiste, où il passe l’essentiel de sa vie professionnelle, qu’il achève à l’agence de Montpellier. À partir des années 60 jusqu’à sa mort, il réside à Montpellier où sa femme occupait des fonctions de permanente du Parti.

Parallèlement, il joue un rôle dans l’IEO de l’après-guerre, dont il dirige la collection Prosa, parallèle à la collection Messatges, de 1956 à 1957, avant de devoir partager cette direction avec Yves Rouquette, puis de la lui abandonner (de bon ou de mauvais gré…).

Les lettres à Lafont font allusion à des problèmes de santé, puis, en 1953, à un accident et à ses séquelles. Ces problèmes ont handicapé plusieurs fois Max Allier entre 1948 et 1955 et expliquent probablement l’interruption de la correspondance pendant de longues périodes.

Les années de gestation de l’œuvre dont nous parlons présentent des éléments assez caractéristiques de la construction de l’occitanisme d’après-guerre dont l’étude reste encore à préciser, au-delà du mythe – bien utile – d’un IEO né de la Résistance. Dans cette construction, l’œuvre d’Allier a eu sa juste place, et ce n’est pas par hasard qu’Andrée-Paule Lafont a choisi le titre « À la rigueur du temps », traduction littérale de « A la raja dau temps » pour la dernière section de son Anthologie de la poésie occitane.

Allier de 1945 à 1951 : naissance d’un écrivain

Avant la parution d’A la raja dau temps, Allier avait publié des textes poétiques en revue ou en anthologie. Le premier que nous avons retrouvé date du n° 168 de la revue Òc, (4en trimèstre de 45, p. 10). Intitulé « Ombra que vira » [Ombre qui tourne], il dessine une silhouette de jeune fille, entre onirisme et réalisme, à la fois fuyante et sensuelle, moqueuse et séductrice, qui se fond avec le cosmos. Le poème évoque irrésistiblement un des deux textes retenus par Lafont et Lesfargues dans leur anthologie du Triton bleu (Lafont et Lesfargues, 1946, 50-51)7: « Marsejada », poème daté de 1945. Il suffit de comparer les deux strophes finales8

Marsejada

- Saique ! Ai pas acabat encara
Jove, de te faire patir !...
E s’esquifet dins lo matin
Sens que vejesse mai sa cara.

Ara enanat per long pais
Qu’enchaut se lo vent me basela,
Se lo cel plora o ris : plen d’ela
Tot mon cor macat trefolis…

Ombra que vira9

Mas l’ombra a fusat sus la dralha
Lo sorelh torna a trelusir
La jova a mas rasons badalha
E fug… D’aquò qu’una ombra ditz

S’enchauta ben manida urosa
Als dius agrada : dins sa man
Legis son astrada corosa
E ritz : Fara sorelh deman !...

Voici l’adaptation française du poème « Marsejada » qui figure dans l’anthologie du Triton bleu :

Sans doute n’ai-je pas fini,
enfant, de te faire souffrir !...
Et elle disparut dans le matin
sans que je puisse revoir son visage.

Et maintenant sur les chemins du monde
que m’importe si le vent me ballotte,
si le ciel pleure ou rit
plein d’elle, tout mon cœur meurtri tressaille de joie…

Cette inspiration sensuelle, teintée d’onirisme, parcourt l’ensemble de l’œuvre, de même que le motif de l’ombre.

Dans la première lettre à Lafont qui figure dans le fonds conservé au CIRDOC (datée de mars 46), Allier donne une réponse positive à la proposition de Lafont de collaborer au journal L’Ase negre, alors en gestation10. Le premier numéro paraît en août 1946, Allier figure dans le comité de rédaction. Il publie un texte intitulé « A nòstre causit » [C’est à nous de choisir] 11, qui aura une suite dans le n° 12 (sept-oct. 47) où il analyse avec une grande pertinence le processus de minoration diglossique12 de la langue, même dans une société rurale dont l’occitan est pourtant la langue majoritaire. Il insiste sur le rôle essentiel des intellectuels conscients pour retrousser (selon un concept lafontien employé bien plus tard) cette diglossie. Le second article, en avril 1947, dans le n° 8, est intitulé : « La ròda vira » [La roue tourne]. Allier reprend le propos précédent et y ajoute des reproches sur l’emploi du français dans les réunions d’occitanistes et sa demande que la langue soit parlée. Le troisième paraît dans le n° 11 (Juil-août 47). Intitulé « Lenga d’Oc, lenga dau poble »13 [Langue d’oc, langue du peuple], il fait une large place au poète nîmois Bigot. La correspondance avec Lafont évoque une étude préparée par Allier sur Bigot, étude maintes fois interrompue par des problèmes de santé ou par les urgences professionnelles et militantes. À ce stade de nos recherches, nous ne pouvons en dire plus.

Des poèmes d’Allier sont publiés dans le numéro d’Oc (n° 169, 1946-47-48), p. 67, 68, 69 « La Grana » [La Graine] (daté de septembre 1946), « Lo Cocarro » [Le Gueux], de juin 1946 (p. 37), « …Sonque l’estiu » [Seulement l’été], de mai 1946 (p. 51).

Le numéro 173 (daté de juillet 1949), p. 12-26, contient la prose intitulée « Lo coguu estivenc » [Le coucou de l’été] et le numéro 174 (octobre 1949), p. 5-6, lo poèma « Aicí sèm » [Nous sommes présents] (p. 65), qui sera repris dans A la raja dau temps14.

Les numéros 176 (avril 1950, p. 32-38) et 177 (177 (juillet 1950, p. 34-35) contiennent une critique d’Allier de l’édition de Joan l’an pres par Marcel Barral dans la collection des classiques occitans dirigée par Camproux. Cet article est intitulé « L’istòria de Joan l’an pres e la necessitat d’un trabalh de cotria » [L’histoire de Jean-l’ont-pris et la nécessité d’un travail d’équipe]. Il s’agit, selon Allier, de rendre lisibles les œuvres et de les transcrire dans une graphie unifiée, certes, mais il reproche à Barral de conserver les gallicismes et les formes « patoises » du texte de Fabre, sans utiliser l’italique pour le signaler. Allier révèle là sa culture (il connaît les diverses éditions de Fabre) et ses exigences scientifiques. La critique est sévère. Allier porte une attention précise au parler de Montpellier, attention présente aussi dans ses lettres à Lafont.

Le numéro 180 (avril 1951, p. 21-22) contient un poème intitulé « Lo Motle », [Le moule], qui sera repris dans A la raja dau temps sous le titre « Ma cara » [Mon visage], avec la dédicace « Per Ismaël Girard ».

Cette rapide recension met en lumière la place importante qu’avait prise Allier dans les lettres d’oc au cours des années précédant la publication du recueil sur lequel nous allons à présent nous pencher.

A la raja dau temps, Messatges n° 10, 1951

L’architecture du recueil

Le recueil de 73 pages contient 26 poèmes et leur traduction, dont certains avaient été déjà publiés, en version occitane exclusivement ; quatre poèmes sont dédicacés à des acteurs importants de l’occitanisme d’après-guerre : Lafont, Rouquette, Castan ou Girard. La pratique des dédicaces était très courante à l’époque, notamment entre acteurs de la renaissance d’oc

L’ensemble est divisé en trois parties à peu près équivalentes :

I- « Per los que casèron a l’auba » / « Pour ceux qui sont tombés à l’aube » : 9 poèmes sans titre, numérotés de I à IX. Le poème IV est paru dans le n° 180 de Oc (Avril 1951), sous le simple titre « Auba » [Aube], qui, par sa généralité mais aussi son rapport à l’œuvre troubadouresque, pouvait suggérer un tout autre sens

II- « La mòla » / « La halte » : 9 poèmes

  • « Una jornada d’avalida… » / « Une journée vient de finir… ». Sans titre

  • « La clapa » / « La pierre »

  • « Lo cocarro » / « Le gueux » : paru dans le n° 169 de Oc (1946-47-48), p. 69

  • « Lunada » / « Clair de lune »

  • « La fònt » / « La source »

  • « Aiga d’estiu » / « Onde d’été »

  • « Trelutz » / « Scintillation »

  • « Calinhatge » / « Idylle »

  • « Sonque l’estiu » / « Rien que l’été » : paru dans le n° 169 de òc (1946-47-48), p. 68, poème daté de juin 1946.

III- « Dins la contesta » / « Dans la mêlée » : 7 poèmes

« Ai virat la fuòlha » / « J’ai tourné la page ». Sans titre

  • « Deliure » / « Liberté ». Poème dédié à Max Rouquette

  • « Dins la contesta » / « Dans la mêlée ». Poème dédié à Robert Lafont

  • « Romieu de nuoch » / « Le partisan »

  • « Novembre »

  • « Aici sèm » / « Présent ». Poème dédié à Félix Castan. Paru dans le n° 174 de Oc, octobre 1949, avec la date « març de 49 ».

  • « La Maia » / « Premier mai ». Paru dans le n° 180 de Oc (Avril 1951), p. 23

  • « Ma cara » / « mon visage ». Poème dédié à Ismaël Girard. Paru dans le n° 180 de Oc (Avril 1951), sous le titre « Lo Mòtle » [Le moule].

L’architecture est étudiée pour que la partie centrale remplisse l’office qui lui est donné par son titre « La mòla », qu’Allier traduit par « La halte ». Cette partie centrale se trouve entre deux sections qui présentent ouvertement une poésie engagée, dans les combats du temps ou dans l’Histoire en général. Les titres en sont éloquents : « los que casèron a l’auba » [ceux qui sont tombés à l’aube] sont les Résistants tombés au combat ou sous la répression, et « la contesta » renvoie à la lutte. Cette double inspiration qui a fait parfois comparer Allier à Aragon, se retrouve d’ailleurs dans le titre choisi par l’anthologie composée en 2003 par les éditions Jorn : D’amor e de contèsta.

Première partie : « Per los que casèron a l’auba » / « Pour ceux qui sont tombés à l’aube »

Des accents aragoniens et rimbaldiens se devinent dans ces poèmes dont le titre de la section apparaît comme une dédicace. Ainsi peut-on lire dans le premier texte, dont le deuxième vers a donné le titre de la section, un souvenir du « Dormeur du val » de Rimbaud :

Paures Lo solelh qu’espelís
onchèt per res sas boquetas
de sa melica Engrepesits
chorravan lo cap dins la rega
(v. 16-19)

Hélas Le soleil qui jaillit
pouvait leur agacer la bouche
du miel de ses doigts Engourdis
ils rêvaient le chef sur la glèbe

Comme chez Rimbaud, le scandale de la mort apparaît en contrepoint avec la beauté de la nature environnante et les promesses de l’aube – Allier emploie le diminutif « a l’aubeta » dans le second vers avec sa valeur hypocoristique – ; ainsi en est-il des vers « Lo jorn s’es pas jamai levat / per eles » / « Le jour ne s’est jamais levé / pour eux » (I, 1-2), ou du dernier vers du poème III : « D’òmes vius dins lo cròs jaguts » / « d’hommes ensevelis vivants » (III, 36).

Ce contraste violent est aussi présent dans le poème IV : la troisième strophe reprend la position rimbaldienne des « paures mòrts espandits dins la bauca » / « morts étendus dans l’herbage », scandale d’autant plus grand que le monde continue de tourner. Les textes sont marqués par une pitié immense à l’égard des morts dont le souvenir a été oublié. « Cada causa a tornat a son agre » / « Tout a repris ici sa place », dit le premier vers du texte V, ce qu’énonce encore plus clairement la strophe finale :

Los mòrts degun se tracha pas pus d’eles
nimai de saupre un còp per de que son casuts
Barrejats a l’espés de la tèrra
fantaumas que lo vent dins la polsa carreja
los paures mòrts diriàtz qu’an pas jamai viscut.

Les morts qui donc encore s’en inquiète
et pourquoi se sont-ils donc battus
Mêlés à l’épais de la terre
fantômes que le vent lève dans la poussière
on dirait que jamais les morts n’ont vécu.

Le poète, lui, voit bien que « La Patz » / « La Paix » a « de suja sus la cara » / « du noir15 sur le visage » et qu’elle est fille de la mort, ce qu’exprime l’allégorie qui clôt la première strophe :

De sas alas de ploma a begut los desaires
e lo sang que marcara la pèl

De ses ailes de plume elle a bu les désastres
et le sang desséché sur sa peau

Les événements tragiques qui sont contés prennent place dans les paysages aimés, comme ceux des Cévennes et leur bestiaire fantastique qui renvoie à l’imaginaire populaire revu par La Fare-Alais. Nous reviendrons sur la version française des poèmes, résultat d’une réécriture. En l’occurrence, elle occulte ici ce bestiaire fantastique qu’elle réduit à des abstractions :

… l’uòlh creserèl au Fantastic que trèva
un còp que la gacha flaquís
e que la Cauca-Vièlha fugís
(IV – 7-9)

… l’œil plein d’insomnie
se fait crédule aux mauvais rêves
lorsque l’attention faiblit
et que le cauchemar se lève

La mort, dans ce poème, apparaît seulement à la fin de chaque strophe, au moment où se lève l’aube, à travers la métaphore de l’ombre qui se disloque, évoquée dans sa dérive et son engloutissement, sans qu’il n’en reste rien (str. 1).

« Los que casèron a l’auba » / « Ceux qui sont tombés à l’aube », le poète les montre, dans la pièce VI, avec leur soif de vie, leur amour des lendemains, hommes de désirs et d’espérance. Les notations sensuelles s’accumulent dans une évocation d’été entre lumière des aubes, flamboiement du soleil et fraîcheur du « rajòu de la fònt ». Notons, là-aussi, une version française totalement différente, puisque ce filet d’eau devient la « coupe » que l’on tend « à l’échanson », alors que la version occitane est « quau pòt virar sos uòlhs de los de la fantauma / emai negar de beure al rajòu de la font », littéralement : « qui peut détourner ses yeux de ceux de la chimère / et refuser de boire au jet de la fontaine ».

Pour Allier, à côté de l’Histoire commune dont il a été un des acteurs, l’histoire culturelle de l’occitanisme est présente. Ainsi, dans le poème II de cette première partie, str. 6, l’allusion à l’« amor de luònh » (v. 13) [amour de loin], comme aussi probablement un souvenir du mythe de Narcisse revisité par Ventadorn :

El tan gelós de son aimada
que se miralhava en sos uòlhs…

lui si jaloux de son visage
qui seul se mirait dans ses yeux.

Dans cette section, le poème VII semble isolé : aucune allusion à une mort encore menaçante ou passée… Seulement l’évocation sensuelle d’un temps d’été comme nous en trouverons dans la section suivante, avec ses notations érotiques. S’agit-il d’établir un contraste avec la mort surgie à l’aube ?

Le poème VIII se centre sur les figures des Résistants dont il fait un portrait collectif :

Frairaus descauces e pelhandras
coma nautres batián la tèrra granda
en aguent pas res de sieu que sos ponhs.

Gueux comme nous les cheveux dans le vent
ils allaient fraternels sur les routes du temps
riches de leurs seuls poings.

Nous noterons la belle trouvaille poétique du vers 8 qui associe l’adverbe « deman » / « demain » à l’emploi de l’imparfait : « Deman lo blau deman risiá dins sas parpèlas » / « Demain le bleu demain riait dans leurs prunelles ».

Là aussi le texte dit le désir de vie, l’amour des choses sensuelles où reviennent les motifs du soleil d’été, du « calimàs dau jorn »16 et de la « fònt », tour à tour « fònt dau temps » / « fontaine du temps » o « fònt que clareja » / « onde claire »17. Cependant la dernière strophe du poème fait intervenir une ombre, certainement prémonitoire du malheur. Et nous nous rappelons le poème « Ombra que vira » évoqué supra. Ce motif de l’ombre, entre observation réaliste et coloration fantastique, apparaît plusieurs fois dans l’œuvre :

Un còp qu’aclatats sus sa fònt que clareja
interrogavan l’avenir
sempre vesián montar dau prigond de l’aigueta
milantas rebats de sa cara que ritz
son eles que vesián dins l’espandida en fèsta
esperlongar son ombra sul camin

Et quand penchés sur l’onde claire
ils interrogeaient l’avenir
ils voyaient monter du fond de l’eau fidèle
mille images d’eux-mêmes
c’est eux qu’ils voyaient dans l’espace infini
jeter leur ombre loin sur la terre18

La première section s’achève par les envolées lyriques du poème IX qui célèbre la force du refus et la valeur du sacrifice. Le poème est bâti sur un système d’énonciation complexe : le poète parle, la plupart du temps, des morts (« An dich de non » / « Ils ont dit Non », v. 1, « e lo mond es aprens dau creis de sas amors » / « et le pays est gros du fruit de leurs amours » au dernier vers) mais cette troisième personne dominante alterne avec la seconde personne du pluriel :

… Mòrts vòstres uòlhs veiràn pas pus
Coneisseretz jamai la vira de l’istòria
Demoraretz jaguts en riba dau camin
jaguts sols ambé ieu dins la nuòch que fai òrre
Estatz suau
sylvan chabaud2021-09-28T13:45:00scPer vautres i a pas cap de matin (p. 28-29, v. 25-29)

… Morts vos yeux ne verront plus
vous ne saurez jamais le fin mot de l’histoire
vous resterez couchés sur le bord du chemin
couchés seuls avec moi dans la nuit sans étoiles
Dormez en paix il n’y aura pas de lendemains

Deuxième partie : « La mòla » / « La halte »

Cette seconde partie représente une pause. Les poèmes n’y ont peut-être pas l’unité de la précédente. Alternent évocations sensuelles heureuses comme celles des premiers poèmes publiés et apparitions oniriques comme dans « Lo cocarro » / « Le gueux ».

Le premier poème, sans titre, est en accord avec la pause annoncée :

Una jornada d’avalida
un jorn de trabalh qu’a mainat e
ja lo rambalh de la vida
que d’aise merma al caladat

Une journée vient de finir
un long jour de travail s’achève
déjà la rumeur de la vie
sur les pavés des rues s’apaise

Cependant, avec le travail de l’écriture, et malgré le besoin d’« oblit » / « oubli » (terme repris quatre fois dont trois en position anaphorique), on y entend (v. 23) « totes los passes de [l]a vida » / « tous les pas de [la] vie » du poète, entre souvenir et oubli.

Nous y trouvons aussi, par exemple dans le second poème qui évoque un paysage de garrigue, des notations descriptives brèves où se cache peut-être quelque chose de l’inspiration rouquettienne

Una clapa que barrutla
una ombra qu’òm vei fusar
dins la garriga que brutla
un perdigal s’es levat

Une pierre qui bascule
une ombre qu’on voit glisser
dans la garrigue qui brûle
une perdrix s’est levée

Le motif de l’ombre apparaît là encore comme il apparaîtra plusieurs fois :

Sol dins la lutz que s’engruna
un elze acata jot el
son ombra cauda que fuma
trum escampa lo solelh

Seul dans la clarté qui croule
un chêne à ses pieds replie
son ombre chaude qui fume
sombre il boude le soleil (« La Clapa » / « La pierre », 34-35, v. 1-4)

« Lo cocarro », terme qu’Allier traduit par « Le gueux » est justement une de ces figures d’ombre qui pourrait faire penser à la « Nuit de décembre » de Musset, en plus réaliste, bien sûr :

Amb aquels jorns palles d’ivèrn
que dins la nebla se rebalan
qu’a miegjorn òm trampèla encara
engrepesit jos son cobert
aqueles jorns entre levat
ieu vese detràs lo veiratge
un qu’a ‘empegat son grand caratge
e que me bada desvariat.

Ces jours d’hiver ces jours traînants
où la brume à peine s’éclaire
que déjà la nuit se resserre
et s’insinue dans notre sang
ces sombres jours en me levant
je vois derrière le vitrage
quelqu’un coller son grand visage
et me fixer hallucinant.

Dans ce texte coloré de fantastique, le « je » hésite sur la nature de l’être fantomatique19 qui, comme l’ombre, « s’estrassa » / « s’efface » (v. 32) « ambé lo vespre qu’a tornat » [avec le soir] (v. 30). S’agit-il de l’« emmascaire visatge » / « hallucinant visage » (v. 19) de « l’ivèrn » ? (. 17) Est-ce sa propre vie (v. 21), ce que l’occitan glose par « [s]a trassa de vida », l’expression « trassa de », difficile à traduire, connotant une grande pitié ?

Si l’été et le plein soleil sont privilégiés par Allier, il lui arrive aussi d’évoquer la nuit et la « Lunada » / « Le clair de lune » – nouveau jeu d’ombre et de lumière ? – dans le poème éponyme où il se souvient de sensations d’enfance :

La luna davala dau cèl
l’ora luseja sus la vitra
sente bolegar dins mon pitre
dels jorns passats lo flaire greu.

La lune descend du ciel
l’heure miroite sur la vitre
je sens monter dans ma poitrine
le souffle chaud des jours anciens (v. 17-20, p. 40-41)

Autres motifs, ceux qui sont en relation avec l’eau, toujours liés à des connotations sensuelles et/ou érotiques. « La fònt » / « La source » (p. 42-43), est l’occasion d’évoquer « Una filha d’estiu » / « Une fille d’été » [qui]

…cantorleja a mon latz
amb tot lo pes de sa cabeça sus ma fauda

…près de moi fredonne
laissant peser sa tête au creux de mon épaule (v. 5-6).

La vision érotique se prolonge jusqu’à la fin du poème, dans le cadre d’une nature complice :

Sus sa cuòissa una aureta a rebonbat sa rauba
los uòlhs mita cugats agacha l’aire blau
E de çò que la fònt dins la prada gorgolha
e qu’un bresilh d’aucèl nos ven tèner solaç
fau salir de son esa una espatla redonda…

Sur sa cuisse la brise a relevé sa robe
et les cils demi-clos elle fixe l’air bleu
Et tandis que dans l’herbe la source bougonne
et qu’un oiseau sonde le calme de l’été
je fais saillir sa gorge ronde du corsage (v. 7-11)

Ainsi l’« Aiga d’estiu » / « Eau d’été » (p. 44-45) est-elle une métaphore pour désigner l’apparition d’une « votz de joventa » / « voix de jeune fille » (v. 14) et le texte s’achève en promesses de plaisirs sensuels. L’amour, un des deux éléments retenus par Allier dans l’anthologie personnelle qu’il composa au soir de sa vie chez Jorn, est bien sûr présent, un « tu » apparaît dans le poème, celui de la voix d’une jeune fille qui surgit « d’ausida » / « soudain » et « destrasson[a] lo vièlh casau » / « retentit dans le vieux palais » (v. 14-15)20. Le poème s’achève dans le bonheur du couple construit par l’emploi de la première personne du pluriel « dintrèrem » / « nous sommes entrés ». L’évocation du soleil qui danse – mais le terme occitan « fringar » qui peut se traduire ainsi, est bien plus riche sémantiquement21 – et le choix du soleil comme sujet de ce verbe deviennent le moyen de suggérer la fusion amoureuse dans le bonheur des éléments. :

I agèt un bufe de solaç
dins la calor de la vesprada
solets dintrèrem puòi Pensatz
amont se lo solelh fringava.

Il y eut comme un soupir de joie
dans cette après-midi brûlante
puis nous sommes entrés Tu penses
si le soleil dansait sous les tuiles du toit (p. 44-45, v. 19-22)

Nature plus que complice dans le poème « Calinhatge » / « Idylle » (p. 48-49), elle est objet de désir et accomplissement de celui-ci :

Jove tròp cofle d’una amor
que s’assadola pas d’estrenchas
soi vengut solet aiçamont
me jaire amb la Nuòch consenta.
[…]
E puòi tot maina sus l’aupatge
Ambé sas mans frescas la Nuòch
a d’aise agantat mon caratge
e ras de ieu dormís sul puòg

Ce soir ô cœur inassouvi
ivre d’un amour sans visage
je suis venu sur les alpages
dormir dans les bras de la nuit
[…]
Et puis tout se tait sur les alpages
Entre ses mains fraîches la Nuit
a pris doucement mon visage
et contre moi s’est assoupie (v. 1-4 et 21-24)

L’ombre est encore présente dans ce poème, double évident du poète dans son acte d’amour avec le cosmos :

E quora amb un doç ferniment
que fai jos ieu mon Ombra urosa
vese dins tot lo firmament
tresanar d’estèlas urosas

Parfois un doux frémissement
fait tressaillir les nébuleuses
Mon Ombre entre mes bras heureuse
ébauche un vague mouvement (v. 17-20)

Autre(s) ombre(s) dans le poème « Sonque l’estiu » / « Rien que l’été » (p. 50-51) ; il s’agit d’abord d’une suite de notations mouvantes d’ombres et de lumière :

Ombras trelutz nivols d’estiu
fuòlhas tebesas que verdejan

Ombres splendeurs nues de l’été
tiédeur des feuillages qui dansent22 (v. 1-2)

avant que soit évoqué ce double si souvent rencontré dans l’œuvre :

ara que lo Mai s’espandís
e que tot per òrtas bolega
quau es aquest un que m’agacha
e que me fai cugar los uòlhs

maintenant qu’éclate le Mai
et que tout rentre dans la danse
quel est celui qui me regarde
et qui me fait cligner des yeux (v. 3-6)

et avant que le poète accepte sa solitude au milieu de l’immensité cosmique, entre onirisme et sensations effectivement éprouvées, une solitude qui, dans la version occitane, le fait se dédoubler par l’emploi de la seconde personne, alors que la version française emploie le « je ». D’ailleurs rarement dans le recueil l’écart n’aura été aussi important entre les deux versions :

Paure siás sol. I a pas degun
que venga picar a ta pòrta
sonque una aureta e lo treslutz
dins la lucada d’un jorn bèl
Siás sol. Aquela ombra que treva
dins la lucada d’un jorn bèl
aquel un que per lo campèstre
te desgruna un bresilh d’aucèl
es lo cèl blau e secutaire

Mais nul n’épie à la fenêtre
que le soleil dans les carreaux
rien que l’été plein de paresse
qui siffle un air dans ses pipeaux
Je suis bien seul Tiède une brise
s’en vient dans mes cheveux jouer
Cette présence qui me grise
et me donne envie de chanter
c’est le ciel bleu qui m’importune (v. 13-21)

Troisième partie : « Dins la contèsta » / « Dans la mêlée »

Le premier poème de cette section, sans titre « Ai virat la fuelha… » / « J’ai tourné la page… » (p. 54-55), semble faire une transition avec la précédente. Bonheur cosmique, images sensuelles d’une figure féminine nue en train de se peigner – motif fréquent de la photographie (Willy Ronis par exemple, dans son Nu provençal23) ou de la peinture – il ne faut pas oublier que le père de Max Allier était peintre – hésitation entre le moment arrêté d’un « jorn nòu » / « un jour nouveau » (v. 2), d’un « bèl jorn » / « beau jour » (v. 13) et son « ala d’eternitat » / « aile d’éternité » (v. 14). Certitude qu’ils sont loin les « malordits de ièr » / « désordres d’hier » (v. 18), que « … la vida / a tot refrescat de l’oblit » / « la vie / a tout effacé de l’oubli » (v. 18-19) et qu’« un monde nòu fai respelida » / « un monde neuf […] surgit » (v. 20). Le poète célèbre le bonheur d’être vivant dans une nature solaire érotisée :

Jorn de ma vida oras que cantan
gansa color de l’orizont
qu’un dieu a la muda m’alanda
entre que salisse dau sòm
joventa fresca coma una aiga
que se penchina a mon lindau
e despolhada que pantaissa
en m’agachant de sos uòlhs blaus

Jour de ma vie heures qui chantent
toge couleur de l’horizon
qu’un dieu me déploie en silence
sitôt que du sommeil je sors
fille limpide comme une onde
qui toute nue dans ses cheveux
se peigne et qui songe
en me fixant de ses yeux bleus (p. 54-55, v. 5-14)

Le second poème, « Deliure » / « Liberté » (p. 57), dédié à Max Rouquette, trouve un écho dans le texte « Ma cara » / « Mon visage », le dernier de cette troisième section. Le poète se présente avec un visage d’homme accompli, traduction littérale de « cara d’òme complida », dans une posture de volonté. Le poème lui-même adopte la construction circulaire de la section que met en lumière la comparaison du début et de la fin du texte :

Ara que mon còr es pastat
e ma cara d’òme complida
tot drech au solelh de la vida.
que trai mon ombra al caladat
(v. 1-4)

Mon dieu dins mon còr embarrat
e ma cara d’òme complida
m’avare al solelh de la vida
ambé mon ombra a mon costat
(v. 20-24)

Puisque mon cœur s’est affermi.
et que j’ai mon visage d’homme.
debout au soleil de ma vie
avec pour compagne mon ombre

Mon dieu dans mon cœur enfoui
et le défi sur mon visage
je vais au soleil de la vie
avec mon ombre pour compagne

Le poète évoque cependant encore cette ombre qui le suit et qui se retrouve au vers 4 et au vers 24 (et dernier).

Le poème éponyme « Dins la contèsta » (p. 59), dédié à Lafont, fait le lien entre les luttes à mener et les luttes passées, reliant ainsi la première section à la dernière. La relation est beaucoup plus forte dans la version française où il est question de « pétrir les enfants », traduction littérale du verbe « pastar » qui est employé dans le dernier poème « Ma cara » / « Mon visage » : « Los manits i seràn pastats », littéralement « les enfants y seront pétris », ce qu’Allier rend par « nos enfants y seront coulés » (p. 74-75, v. 31).

Les deux poèmes insistent sur la chaîne entre les générations :

Son totes los qu’un jorn casèron
los uòlhs dobèrts e qu’an servat
dins lo mortalatge e la guèrra
aquel agach de libertat
Cau qu’avaligam los enfants
per que demòren a nòstre image
per que non seguem pas demàn
los faidits dins nòstre terraire.
S’un còp es rota la cadena
qu’estaca lo paire amb lo filh
tot lo ben acampat s’abena
la sòrga antiga s’estorrís

Ce sont les pionniers qui tombèrent
les yeux ouverts et qui surent garder
au fort du massacre et des guerres
ce clair regard de liberté
Il nous faut pétrir les enfants
pour qu’ils aient ce même visage
pour que nous ne soyons demain
des bannis au pays de France24
Un jour si se brisait la chaîne
qui relie le père et le fils
l’œuvre du passé serait vaine
et la source antique tarie (p. 58-59, v. 13-25)

Un portrait de résistant apparaît avec le « Romieu de nuòch », littéralement « pèlerin nocturne », alors que la version française est « Le partisan » (p. 60-61) ; Allier montre le partisan – pèlerin à travers ses Cévennes dont il énumère les toponymes comme autant de signaux de reconnaissance (Orgon, Puèg Agut / Puech Agut, bòsc d’Arfi / Forêt d’Arphy, Luseta / la Lusette, La Tribalha / La Trivaille, Faubel [Absent du texte français] Aulàs, Rocasaltas / Roquesaltes, la Dralha / la Draille…).

Libertat ò negra companha
apara de mau lo faidit

Liberté nocturne compagne
garde d’embûches le banni (v. 11-12)

L’évocation du banni nous amène de nouveau à cet aspect de la poésie de Max Allier, qui domine le dernier poème : « Ma cara » / « Mon visage » (p. 72-73), c’est la façon dont Allier fraternise avec les « omes vius » / « vivants », (v. 12) qui menèrent avant lui « les luttes séculaires », celles des « cathares » que le feu brûla (v. 16), ou des « camisardes / cravachées par les Dragons du roi » :

Aici ma cara
A la raja dau temps l’ai quilhada
Es nuda
coma la ròca dau vent batuda
e mai barrada coma un ponh (v. 1-5)
[…]
D’òmes vius abans ieu l’an cargada
e mai auborada dins las contèstas seculàras
per la libertat
Son uscle sauvertós l’a pres dau fuòc
que cremèt los eretges (v. 11-16)
[…]
Ambé sos aires de faidit
qu’a grand afàn trauquèt l’istòria
se membra de las Uganaudas
jorgadas per los Dragons del rei. (v. 19-22)
[…]
Ma cara es un pantais
mascarat de sang de polvera
que sus los vius cent còps an volgut esclapar
Mas lo mòtle es sencèr D’unes lo sauvèron
Los manits i seràn pastats
(v. 27-31)

Voici mon visage
Levé dans le temps qui fait rage
il est nu
comme un rocher du vent battu
et serré comme un poing (v. 1-5)
[…]
Des vivants avant moi l’ont porté
et l’ont hasardé
dans les luttes séculaires
pour la liberté
S’il sent le roussi
il le doit au feu qui brûla les Cathares (v. 11-16)
[…]
Avec ses traits de partisan
qui durement traversa l’histoire
il lui souvient des Camisardes
cravachées par les Dragons du roi (v. 19-22)
[…]
Mon visage est un rêve
souillé de sang et de poussière
sur les vivants cent fois qu’on a voulu briser
Mais le moule est intact
D’autres le sauvèrent
Nos enfants y seront coulés (v. 27-31)

Plusieurs poèmes s’attachent aux luttes sociales et politiques de l’après-guerre. Ainsi le texte « Novembre » (p. 62-63) commence-t-il par un vers d’aspect prosaïque : « La cauma es generala » / « la grève est générale ». Le poème alterne description prosaïque de l’appareil productif arrêté et lyrisme onirique. Une lumière bleue d’automne éclaire à peine le texte, un lourd silence y règne.

Tout autre est le ton du poème « Aici sèm » / « Présent » (65), dédié à Felix Castan dont on peut penser qu’il a été écrit en écho à un poème de celui-ci, « La mena » / « La mine », daté du 2-III-1950 (Castan, 1951, 32-33).

Marqué par la colère et la révolte « d’òmes descononguts de l’ombra » / « tout un monde inconnu de l’ombre » qui « s’est hissé sur les pavés » / « se son trachs / sus lo caladat » (v. 31-32). Le poème glorifie le peuple et sa révolte, entre force de vie et acceptation du sacrifice :

…de l’aiga vesètz pas que coma un uòlh s’obrís
lo pòble panlevar sa cara rafida
e ‘scampar sos otilhs

…dans l’eau qui comme un œil frémit
le peuple enfant lever son vieux visage
et jeter ses outils (v. 16-18)

ou encore

Lo pòble es mascarat solid emai pelhandra
dins sa boca i a de mots qu’escarnís en parlant
e rauqueja un pauquet e sa paraula canta
tira de lòng coma son pas a travèrs camps
Pasmens paure que paure a l’aire de familha
çò que fasètz cofir cataus dins vòstra aisina
siá la guèrra o la patz
es el demán qu’o pagarà
e quand paga lo pòble es totjorn de sa vida.

Le peuple sent mauvais et ses habits sont sales
pourtant il faut le prendre comme il vient
avec ses gros souliers qui traînent dans la marche
comme traîne en parlant son accent faubourien
Qu’on soit le parent pauvre on est de la famille
et ce qui bout messieurs dans la marmite
soit la guerre ou la paix
c’est lui demain qui devra le payer
et quand le peuple paie c’est toujours de sa vie (v. 41-49).

Le poème intitulé « La Maia » / « Premier mai », tout en évoquant une manifestation du premier mai, fait évidemment allusion au « Mouvement de la paix » d’après-guerre, issu de la résistance, dont les communistes prirent la direction. Allier retrouve le ton lyrique et l’usage de l’allégorie que lui fait célébrer conjointement la nature sensuelle et le monde nouveau auquel il aspire :

Es vengut lo temps nòu
lo bufe caud dau vent lo pòrta
Es la prima que fai anuòch lo pòrta a pòrta
e d’estatge en estage que vai […]
despertar l’Enclausida e sas milanta caras
tornar votz a la Patz
Lo poèma a-de-reng la joventut dau mond
l’escriu amb de milions de passes
vèrs de fubes de gents que lo cantorlejavan
e lo vèrs qu’un comença en picant a la pòrta
s’acaba jol teulat

Il est venu le temps nouveau
le souffle chaud du vent l’apporte
c’est le printemps qui fait ce soir le porte à porte
et d’étage en étage qui va
les bras chargés de touffes de lilas
réveiller la dormante aux millions de visages
rendre à la paix sa voix
Le poème ce soir la jeunesse du monde
l’écrit de ses millions de pas
vers des millions de cœurs qui le disent tout bas
et le vers commencé sur le seuil de la porte
s’achève sous les toits (v. 25-34)

La version française : un autre texte

Je l’avais déjà remarqué à l’occasion d’un travail précédent sur l’œuvre de Max Allier 25, les deux versions sont profondément différentes. Si cette particularité se retrouve chez de nombreux auteurs occitans, le résultat, comme l’a analysé Jean Claude Forêt dans un article récent (Forêt 2015)26, témoigne d’attitudes profondément différentes. Chez Max Allier, il révèle un paradoxe fondamental entre le désir d’ouvrir la création occitane à un lectorat plus large par la publication des œuvres bilingues, et une traduction qui n’est pas une vraie traduction, mais un autre texte. On comprend dès lors d’autant plus mal ces propos d’Allier dans une lettre à Lafont datée du 29 décembre 195727 : « Sans compter que la fixation de notre langue littéraire ne peut se faire sans qu’une traduction précise, en face, le sens que nous voulons donner à certains de nos mots d’Oc. »

Il serait fastidieux d’énumérer tous les cas où le français s’éloigne de l’occitan, et aussi ceux où l’idée initiale perd de sa force dans des formulations souvent un peu trop précieuses ou artistes. On en aura déjà jugé à travers les citations précédentes, ainsi que par nos remarques en notes de bas de page, que l’on peut compléter par d’autres exemples :

  • Dans le poème IV de la première section : Allier traduit « Eran los fabres [forgerons] de la nuòch » par « C’étaient des lutteurs de la nuit » ; le terme « Fantastic », qui désigne un être légendaire des Cévennes, est traduit par « mauvais rêves » qui lui enlève tout son aspect fantastique, justement ; de même que « la Cauca-Vièlha » qui perd son statut d’être en devenant « cauchemar » – sans majuscule –. Le terme « agre », qui renvoie au latin « ager » (« Cadun es tornat a son agre »), d’emploi courant en Bas-Languedoc pour désigner le territoire, est rendu par le précieux « aîtres ».

  • Dans le poème suivant, les termes « … Lo paure / patís a se levar lo jorn » [Le pauvre a du mal à se lever le jour] deviennent « Le pauvre / songe que le soleil est bien long à percer ».

  • Dans le poème VI, le premier vers « Sai que sabián pas pus la sabor d’un jorn nòu » [Sans doute ne savaient-ils plus la saveur d’un jour nouveau] est rendu par « Ne savaient-ils donc plus la paix des samedis ».

Dans une recension de l’ouvrage publiée par la revue Europe28, le poète Jean Malrieu, qui salue le texte d’Allier en parlant de « plus rare densité poétique », regrette les choix faits dans la version française :

Je devais faire entendre Max Allier dans sa langue. Elle est rauque, troublante et brillante et la traduction que le poète a faite lui-même de son œuvre ne donne qu'une très faible idée de sa puissance

Certes Max Allier n'a pas pensé ni écrit son œuvre en français et la langue d'oc est particulièrement incarnée et convient à son message. Mais il aurait dû, et c’est le seul reproche que je lui ferai, ne pas sous-estimer le génie littéraire de la langue française qui peut et sait aussi traduire le même mouvement poétique. Les poètes de langue française sont heureux de saluer en Max Allier un grand poète ; mais que Max Allier dans ses prochains recueils n’offre pas au lecteur qui malheureusement ne comprend pas la langue d’oc, une traduction « poétique ». L’élégance poétique et son parti pris n‘ont rien à voir avec la poésie. Une traduction littérale aurait eu beaucoup de force.

Remarquons que cette pratique d’une traduction en décalage sera reprise dans le recueil suivant, Solstici [Solstice], en 1965, s’attirant les critiques de Robert Lafont – également repris en annexe – dans un article où il salue la version occitane :

D'un band la mestresa del lengatge, de l'autra totas las flaquesas d'escòla. Aquò vòl pas dire que l'occitan siá superior al francés per la poësia ; aquò vòl dire que lo poèta Allier es res qu'occitan. E mai aquò pertòca pas son que los faches de lenga. Se traparà de versions desparièras de contengut, coma se lo poèta voliá nos donar aquela pròva en mai, que sa cultura e sa cèrca son de dos monds sens comunicacion […] Dualitat, dessospartiment, estrifament de l'ome : detràs lo bilinguisme e sa malaisanca, i a la dolor de la situacion occitanista. Ai coma diriàm l'idèa que mon fraire Allièr en occitanisme, amb un long capuditge, vela aquel drama.

[D’un côté la maîtrise du langage et de l’autre les faiblesses d’école. Cela ne veut pas dire que l’occitan soit supérieur au français pour la poésie. Cela veut dire que le poète Allier est seulement occitan. D’ailleurs cela ne concerne pas seulement les faits de langue. On trouvera des versions de contenu différent, comme si le poète voulait nous donner une preuve de plus que sa culture et sa recherche sont de deux mondes sans communication […] Dualité, disjonction, déchirure de l’homme : derrière le bilinguisme et sa difficulté à être, il y a la douleur de la situation occitaniste. J’ai pour ainsi dire l’impression que mon frère en occitanisme Allier, avec sa longue obstination, voile ce drame.]

On ne peut que saluer une fois de plus la clairvoyance de Lafont, appuyée sur une réflexion de sociolinguiste en domaine occitan pour laquelle il fut, une fois de plus, un pionnier.

Cependant, que cela nous plaise ou non, cette version a été voulue par Allier. Comme nous l’avons montré pour Roland Pécout, qui pratique aussi la réécriture française de ses textes (Verny, 2004), il nous semble que le sens voulu par Allier découle souvent de l’addition des deux versions. Deux exemples, à partir du poème « La Maia » / « Premier mai » :

  • Le titre français renvoie aux manifestations politiques traditionnelles du premier mai, marquées, dans ce texte, par des rêves de paix et des souvenirs douloureux de guerre ; le titre occitan « Maia » renvoie pour sa part à tout un fond de merveilleux d’origine païenne où cette figure mythique féminine joue un grand rôle.

  • La fin du poème dans sa version occitane, par l’emploi de la troisième personne, généralise cette « prima dau mond » / « printemps du monde » que célèbre le poème, alors que la version française, par l’emploi de la première personne du pluriel, reprend aussi des motifs d’inspiration personnelle qui nourrissent également l’œuvre.

Uòi la prima dau mond
carreja una estuba qu’entèsta
de faragosta e de lilacs
A d’uòlhs color de provenca e de tèrra
e de ponhs de colèra
La prima a nuòch
es facha d’amor amb de volontat

Ce soir le cert printemps des hommes
répand un parfum qui pénètre
de fièvre et de lilas
il a des yeux couleur de pervenche et de terre
et des poings de colère
Le printemps cette nuit
est fait de notre amour et de notre vouloir (v. 37-43)

Nous appelons de nos vœux une étude sérieuse de l’écriture des œuvres françaises de Max Allier, dans une comparaison systématique avec l’écriture des œuvres occitanes. Dans le cas des éditions bilingues, il serait évidemment fructueux d’approfondir l’étude des relations entre les deux textes ainsi conçus.

Pour ne pas conclure. L’itinéraire singulier de Max Allier, élément fondamental de l’occitanisme d’après-guerre

La lecture d’A la raja dau temps, comme la réflexion que nous avons essayé d’entamer sur le contexte de naissance de l’œuvre, nous semblent mettre en évidence la singularité et l’importance de Max Allier comme acteur de l’occitanisme d’après-guerre et auteur trop méconnu. Il semble, lorsqu’on se penche sur son itinéraire, que, comme pour tant d’autres, son ardeur occitaniste et son désir d’écrire se soient brisés sur la difficulté de rencontrer un lectorat : les locuteurs naturels avec lesquels il aimait tant parler n’étant pas alphabétisés en occitan et le lectorat lettré pas assez nombreux pour que l’œuvre ait une véritable réception.

Nous ne pouvons que souhaiter de nouvelles lectures de cette œuvre, dont l’édition, en 2003, par les éditions Jorn, de l’anthologie D’amor e de contèsta nous en rend accessible une bonne partie. Il reste aussi à souhaiter que des rééditions des écrits en prose permettent de jeter un regard global sur son œuvre.

Jean Malrieu.

1 À propos de la revue Oc, on ne dira jamais assez l’intérêt du travail de bénédictin de Georges Ricard et de ses Tables signalétiques et analytiques

2 Je remercie l’historien Patrick Cabanel de m’avoir communiqué les éléments de cette biographie.

3 Voir sa fiche biographique sur le site « Vidas. Diccionari biografic de la renaissença d’òc. XIX-XXI sègles » : https://vidas.occitanica.eu/items/

4 Voir sa fiche biographique sur le site « Vidas. Diccionari biografic de la renaissença d’òc. XIX-XXI sègles » : https://vidas.occitanica.eu/items/

5 Je remercie Aurélien Bertrand, archiviste au CIRDOC, de m’avoir communiqué ces lettres.

6 Cf. Library of congress : https://www.loc.gov/item/sn90048416/. L’histoire de ce journal quotidien a été reconstituée en 2014, par un travail des

7 Cette anthologie bilingue contient deux poèmes d’Allier dans la section « Odeur du temps » : « Marsejada » / « Giboulée » et « Deliure » / « Liberté

8 La jeune poésie occitane, Lafont et Lesfargues, Le Triton bleu, Paris 1946, p. 50 ; Oc, [168], 4ème trim. 1945, p. 10.

9 Ce poème ne possède pas, quant à lui, de version française.

10 Lire : Philippe Canalès, « L’Ase Negre (1946 - 1949), primièira revista d’occitanisme politic d’après-guèrra », Lengas 75, 2014 : http://journals.

11 Que nous reprenons en annexe.

12 Sans bien entendu, employer le terme, qui n’apparaîtra que bien plus tard, à travers les travaux des sociolinguistes.

13 Que nous reprenons en annexe.

14 Le titre y est traduit par « Présent », au singulier.

15 La traduction littérale serait « de la suie ».

16 Littéralement « La grande chaleur du jour », non traduit en français, où le texte est radicalement différent.

17 Remarquons encore l’écart important entre les deux versions.

18 Les deux versions – occitan et français – sont, une fois de plus, radicalement différentes.

19 Une fois de plus la version occitane et la version française diffèrent profondément. Le mot occitan « trèva » (v. 31) [fantôme] est simplement

20 La version française est simplement « retentit dans le vieux palais ».

21 Selon le Tresor dóu Felibrige, de Mistral : « fringuer, sauter, frétiller de joie, […] faire l’amour, faire la cour, courtiser, cajoler ».

22 Au terme occitan « Verdejan » [verdoient] Allier a préféré « dansent » dans la version française.

23 https://www.polkamagazine.com/le-nu-provencal-de-willy-ronis/.

24 Autre écart considérable entre le texte français (« des bannis au pays de France »), qui renvoie à une tradition de poésie patriotique d’

25 Dans le cadre de la présentation de 50 écrivains occitans, sous l’égide de l’Université ouverte des Humanités, en ligne à l’adresse : http://uoh.

26 « L’auteur occitan et son double » in « L'autotraduction : une perspective sociolinguistique », Glottopol, 25, Université de Rouen, http://

27 Cette correspondance est conservée au CIRDOC sous la cote LAF.H.023. Nous en produisons une analyse succincte en annexe de cet article.

28 Analyse que nous reprenons en annexe de cet article.

30 Louis Salles – éditeur, Nîmes.

31 Nous n’avons pas pu identifier la personne que désigne ce nom – ou surnom. Notons que l’emploi de la forme « uòi » relève du parler montpelliérain.

32 La notation incohérente des articles définis contractés (del / dau) est dans l’original.

33 L’original contient une coquille manifeste : « des ».

34 Ainsi accordé dans le texte

35 Je remercie Jean-Baptiste Para, directeur de la revue Europe de m’avoir communiqué ce texte.

36 Nous corrigeons une erreur de l’original : *la lum.

37 Ives Roqueta, Occitans ! - n° 106, mai-junh 2002, p. 4. Les intertitres sont de la rédaction. De la rédaction aussi l’emploi des majuscules.

38 Note MJV : confusion évidente avec le recueil de René Nelli. Il s’agit de A la raja dau temps.

39 Lieu de la commune de Sète, connu par ses fêtes populaires et investi, pour cela, par le Parti communiste qui y tenait, dans les années 1970, une

40 Cette correspondance est conservée au CIRDOC sous la cote LAF.H.023.

41 Nous reproduisons les lettres dans leur graphie et leur ponctuation d’origine. L’emploi de l’italique est utilisé lorsqu’il peut faciliter la

42 Sept articles signalés per François Pic dans sa bibliographie in Robert Lafont, le Roman de la langue, D. Julien et C. Torreilles éds., 2005, p.

43 Il y aurait certainement des études à reprendre sur la place de l’occitan dans la presse d’expression française.

44 Ainsi, par exemple, dans les lettres de Boudou à Lafont, comme le montre l’édition critique qu’en a faite Michel Pedussaud sous notre direction en

45 Félix CASTAN, autre écrivain et militant communiste, aura la même préoccupation : d’étudiant en classes préparatoires qu’il était, il se fera

46 Qui paraît dans le n° 1, intitulé « A nostre causit ». Repris dans cess annexe.

47 Voir notre étude : « Mistral ou l’illusion de Robert Lafont (1954) : genèse et réception », in Los que fan viure e treslusir l’occitan, Actes du Xe

48 Une des lettres le date du 27 février.

49 Effectivement, nous savons depuis nos recherches sur Robert Allan (Verny, 2009, 2011, 2012) que c’est ce dernier qui obtint le Prix, qui devait

50 Il devait s’agir d’une recension de Mistral ou l’illusion. Cependant le seul article d’Allier que nous ayons retrouvé dans la compilation numérique

51 Je remercie Philippe Martel qui m’indique : « En dehors du fait que le terme de « trotskiste » constituait une injure normale et politiquement

52 Les Lettres Françaises, très probablement. Il faudra un jour inventorier les contributions de ce journal à la connaissance de la matière d’oc.

53 Surnom d’André Dexet, militant communiste limousin, qui écrivait en occitan dans le quotidien L’Écho du Centre et faisait des émissions occitanes

54 Les communistes français firent en divers lieux les frais de l’indignation suscitée par la répression soviétique.

55 On peut s’interroger sur la conception linguistique présentée : le parler de Montpellier qui est celui de Max Rouquette palatalise bien les « l »

56 Qui paraît en 1965, sous le titre : Solstici / Solstice, avec cinq dessins originaux de Claire Jallois, Avignon, Aubanel.

57 Député PCF de l’Hérault (1946-1951, 1956-1958).

58 Que le CIRDOC pense aussi d’avril 58.

59 À propos de ce manuel, De la langue au pays, de Pierre Lagarde et Andrée-Paule Lafont, Toulouse, Privat, coll. pédagogique de l’Institut d’Etudes

60 Sergi Bec en particulier, comme nous l’apprend la correspondance croisée que nous avons consultée, qui avait lu le texte après Pessemesse, ou

61 Nous avons un doute sur l’interprétation de la fin de la phrase.

62 Cf. ce document de l’INA à propos du second tour de novembre 1958 : « Le deuxième fait marquant est la défaite du Parti communiste qui, avec 10

63 Nous ignorons, pour l’heure quelle était la destination de ces fragments. Une anthologie de prose ?

64 Un ami parisien dont Allier parle dans la lettre, auquel il fait lire les versions françaises de ses œuvres.

65 Un des principaux imprimeurs de Montpellier.

66 Imprimeur à Rodez, notamment des œuvres de Jean Boudou.

67 Il s’agit de la revue Obradors, créée par Lafont et hébergée par le Centre d’études occitanes – CEO – de l’Université Paul-Valéry. Un numéro

68 C’est le cas, entre autres, de Lafont, qui dit dans ses lettres à Serge Bec sa souffrance de sacrifier à son désir d’écriture littéraire les

69 Louis Salles – éditeur, Nîmes.

70 La revue renvoie aux numéros d’oct. de 50, Gener, Abril, Julh e Octobre de 51. C’est Castan qui avait ouvert le débat sur le bilinguisme des

71 Ainsi présenté sur le site de Gallimard : Qu'est-ce donc que le Grand Zapata ? / À la suite de l'auteur, nous allons de mine en mine, cherchant le

72 Nous n’avons pas repris une probable erreur de l’original : « mi-michanta »

73 Vers tirés du texte « Lou bounet de moun ouncle Jaque », Li Bourgadièro, douzième édition, Nîmes, Henry Michel & G. Gory, Nîmes, 1891, p. 31 ; Obr

74 Allier fait là un clin d’œil à ce qui est écrit au pied de la statue de l’Abbé FABRE, place Saint Roch, a Montpellier : « Tant que sa lenga durarà

75 Allier transcrit les titres en graphie normalisée et fait une erreur en transcrivant l’original « saume » en « siaume ». Par ailleurs, si le

76 Li bourgadièiro, « Lou maçoun » : E lou vièl paire de famiho / Gardo la vaco e lou vedèl…, éd. 18 : p. 145 ; éd. 1962, p. 129.

77 Li Bourgadièiro, « L’ome dou Bon-Dieu ». Ici transcrit per Allier en graphie normalisée. Voici le texte de l’édition Peyre, p. 61 : Me sèmblo qu’

78 « Ce que dit le vent d'hiver ». Les rêves du foyer. p. 393 ed. S.A Peyre. Nous remercions Claire Torreilles du rectificatif qu’elle apporte à la

79 Ces propos sont une réponse à une discussion engagée dans les numéros précédents de la revue (oct. 50, janv., avril, juil., oct. 51). Le débat a

80 Sic… Terme pour nous mystérieux, inconnu du TDF…

81 Allier avait évidemment lu les travaux de Lafont sur Mistral dont le fameux Mistral ou l’illusion, Plon 1954.

82 « A la reino Jano », Lis Isclo d'or, 1868. Dans l’édition CPM 1980, reprint de l'édition Lemerre, p.146.

83 Terme étrange…

84 Opération menée, de 1950 à 1952, par le PCF, pour faire se rencontrer les écrivains et les classes populaires. Cela prenait la forme, par exemple

85 Sur cette affaire d’un militant contre la guerre en Indochine condamné à 5 ans de prison, l’historien René Merle renvoie à Hélène Parmelin

86 Sic… Faut-il comprendre « trace », synonyme ici de « de peu de valeur », « insignifiant » ?

87 Antoine Cayrol, écrivain communiste catalan, Jordi-Père Cerdà de son nom de plume. Yves Rouquette le cite dans une belle construction littéraire de

88 Cet article est suivi d’une N.D.L.R : « Es pas besonh de dire que las opinions expremidas dins Oc per los escrivèires occitans engatja sa sola

29 Une recension plus complète des textes et articles occitans publiés par l’auteur entre 1945 et 1960 figure en annexe de cet article.

Références bibliographiques

Les œuvres occitanes de Max Allier29

Allier, Max, 1951, A la raja dau temps / À la rigueur du temps, Toulouse, IEO « Messatges ».

Allier, Max, 1965, Solstici / Solstice, avec cinq dessins originaux de Claire Jallois, Avignon, Aubanel.

Allier, Max, 1975, Lenga muda / Bouche cousue, Marseille, Éditions la Marseillaise.

Allier, Max, 1978, « Ai viscut los jorns de vergonha », Clàudia Galibert, disque Escota, mon grand, Ventadorn VS3L26.

Allier, Max, 1982, Lo Plag / Le Procès, poème épopée de Max Allier, couverture et 10 illustrations originales de Jacques Brianti, éditions Mostra, Les Infruts (12).

Allier, Max, 2003, D’amor e de contèstas, anthologie poétique avec une version française de l’auteur, Montpeyroux, Jorn.

Autres références bibliographiques

Canalès, Philippe, « L’Ase Negre (1946 - 1949), première revue d’occitanisme politique d’après-guerre », in Lengas 75, 2014, dossier « occitan dans la presse / presse en occitan », en ligne à l’adresse https://journals.openedition.org/lengas/600.

Lafont Andrée-Paule, 1962, Anthologie de la poésie occitane, Paris, EFR, préface Aragon.

Lafont, Robert, Lesfargues, Bernard, 1946, La jeune poésie occitane, Le Triton bleu, Paris.

Lafont, Robert, 1946, Paraulas au vielh silenci / Paroles au vieux silence, Toulouse, IEO « Messatges ».

Verny, Marie-Jeanne, 2004, « Deux langues c'est deux clés pour ouvrir le monde, Roland Pécout », in Christian Lagarde, éd. : Écrire en situation bilingue, actes du colloque des 20, 21, 22 mars 2003, CRILAUP, Presses universitaires de Perpignan, p. 167-183.

Verny, Marie-Jeanne, 2011, « Robert Allan (Montpellier 1927 – Avignon 1998). L’itinéraire singulier d’un poète dans le siècle. », in Angelica Rieger, éd. : L’Occitanie invitée de l’Euregio. Liège 1981-Aix-la-Chapelle 2008 : bilan et perspectives Actes du Congrès de l’Association Internationale d’Études Occitanes - Aix-La-Chapelle, août 2008. Shaker Verlag, 52018 Aachen, www.snaker.de, p. 937-949.

Verny, Marie-Jeanne, 2009, « L’œuvre poétique de Robert Allan (1927-1998), entre enchantement et désenchantement du monde », in Marie-Jeanne Verny, éd. : Max Rouquette et le renouveau de la poésie occitane : la poésie d’oc dans le concert des écritures poétiques européennes, 1930-1960. PULM, collection « Études occitanes », pages 257-281.

Verny, Marie-Jeanne, 2012, Lei Cants dau deluvi - Lei Cants de la Tibla 1, Édition critique de l’œuvre poétique complète de Robert Allan, 1927-1998, éditions « Letras d’òc », Toulouse, volume 1, 1-238.

Annexe 1- Quelques articles sur Max Allier

« Max Allier : Visatges »30 : Recension per Ramon Vincens31. Ase negre n° 9, mai de 1947, p. 3.

L’originaletat de l’inspiraciôn dels joves poetas occitans pot paréisser dins d’obras francesas coma dins d’obras occitanas. Es ço que provarà un esforç temptat per Félis Castan un d’aqueles jorns venents e ço que provan uoi los poemas de Max Allier.

Vole dire que lo mirgalhament dels imatges, la poténcia d’esmoguda caupuda dins una enonciaciôn de biais simple e despolhat, la jovissença mieg-pagana que pren l’autor au dansejament de la vida universala nos fan pensar sensa dobtança a la nova lirica d’Oc :

Dehors paressent les grands dieux…
L’ombre infiniment se balance
et la Mi-Nuit d’un geste immense
baille en peignant ses longs cheveux.

E, coma en co dels Occitans lo tableu s’alarga dors de perspectivas infinidas de temps e d’espaci :

ombre qui tourne, oiseau perdu,
oui, c’est ici que tout commence

Lo joc de l’eternitat e dau moment, de la fugida del temps e del32 repaus de las oras, la retrapam aici parlar coma dins Max Roqueta, dins Nelli, dins Delfin Dario :

car c’est l’éternelle poussière
débris immense des vivants
en quoi se changent en rêvant
les races éphémères…

Tot aquô nos baila fisança qu’aurem leu un recuelh occitan que botarà Max Allier demest nostres poetas melhors. Ramon Vincens.

« Enfant perdut », poèma de Robert Lafont, Occitania n° 2, fev. Març 48

A Max Allier

Enfant perdut e retrobat
sus lo camin dis automnadas
joia espelida esper raubat
entre neblàs e solelhada
un jorn ven que puei te pausas
au relarg de quatre lausas
que lo soleu d’esmaut redónd
garda lo cros dis orizonts.
Au relarg sus la valenga
entre l’escrancament di gerlas
e la victòria di ciprès
clina la flor de ta carn teba
vers lo remenbre di vernedas
enfant perdut de femna en femna
cremor moreta aiga frescosa
cueissas de carn, car de potona
enfant saunant sus un autor
que van ciuclant lis automnadas
tot semenant de flor raubadas
verda’a l’argent di vielhs clars.

Recension de A la raja dau temps, Carles Camprós, p. 35-36, Oc 187, genièr de 1953, p. 35-37

Voudriái pas contuniar d’un biais novèu la batèsta levada per la mòrt dau Pau Eluard. De tant qu’ai de parlar d’un bèn viu, d’un poëta novèu de33 lenga d’Oc. Pasmens l’exemple de Max Allier non se pòt que non faga pensar a de problèmas de l’ora d’ara que destorban li mitans intellectuaus parisencs e afranchimandits. Mas aqueli problèmas son d’un gaubi pron originaus34 quand se pausan a prepaus d’una òbra en lenga occitana.

Max Allier es un poëta occitan comunista. Aquò bastarà benlèu, a d’uni que i a, pèr dire que li poëmas d’Allier pòdon pas aver ges de valor. Çò fasent, faràn parier coma d’uni que lausenjan lo poëta per çò que cantèt la glòria de son Partit e de sa Capèla. Per quant a ieu, se m’es permés, m’encapinhe de pas voler jutjar l’òbra d’un poëta segon sis afrairatges politics. Creseguessiatz pas que, çò fasent, vòle me faire prodèu de la tradicionala – e tan faussa – distinccion de la forma e dau fons : l’òbra es una coma l’òme. Aladoncas la disputa tròp famosa de la poësia engatjada o non a pas ges de significacion. Engatjament o pas engatjament una causa es de comptar: se la convencion es rota ! Dich autrament se lo poëta es liure ! E lo poëta pòt trapar sa libertat mai completa dins l’engatjament mai sarrat. Se que de non, i auria pas pus de Sants, pas mai d’eròs. Jamai auriam agut un Dante.

Tot bèu-just, li poèmas de Max Allier son esmovènts per son sentit prefons de la libertat. L’essenciau dau recuèlh, m’agrada de lo veire dins lo poëma titolat Deliure, es-a-dire « libertat en movimènt », « libertat crearèla de se-meteissa ». Anessiatz pas crèire pasmens que se tracha d’aquela libertat dins lo biais dau Sartre. Amb Max Allier siám luènh di jòcs fantasierós e ilusòris d’una umanitat descarnada, e quitament nècia. Aicí la libertat dau poëta es de se sentre èstre çò qu’es. Mas coma podriá anar d’autre biais amb un poëta que se sentís trefons pòble occitan e que trefons es pòble occitan ?

Es remirable de tornar trobar dins li poëmas de Max Allier li vièlhs tèmas mistralencs que tan lèu pareisson tan nòus. Lo poëma Dins la contèsta, pèr exemple, en l’estil de 1952, amb la mentalitat di barginas proletarianas de la França de uèi, tòrna cantar de bòn lo tèma tan cantat per Mistrau de « la raça raceja ». Tèma pèr plaser afelibrenquit, tèma de rimejaires d’òc, dempuèi Mistrau. Coma vai que sòne, en cò de Max Allier, d’un biais tant esmovènt ? Pèr la rason simpla qu’es fonsament ligat i grèus problèmas de l’òme de uèi. D’aquí son esmoguda s’espandís i raras de l’univèrs modern.

Ligat i grèus problèmas de l’òme de uèi, Max Allier, pèr lo tèmps passat, balha la man au realisme san que foguèt lo gaubi di mai occitans dis escrivans d’Oc, de mieg l’istòria de nòstra civilizacion que vai prene sòrga d’aquí a taus sirventèscs de nòstri Trobadors. Se, de còps, fai pensar au marselhés Jòrdi Rebol es amb mai de retenguda, que sèmbla pas coma aqueste aver alenat l’aire de nòstris escrivans proletaris de 1848. Om legiga aqueli polits poëmas, sens raca ni traca, qu’an nom « Aici sèm » ò « La Maia » e veirem coma se pòt evocar lo pòble de çò nòstre dins de manifestacions e de moviments inspirats de çò que li dison « Internacionala di Trabalhadors ».

Mas Allier es un poëta de la ciutat, pus lèu qu’un poëta de l’urbe, mai una ciutat ont la gròssa part di trabalhadors son sortits mai o mens de nòstri garrigas e de nòstri montanhas. Si poëmas an la gravitat di gèsts dis ancians, lo balanç sord di pas pèr la tèrra espessa, lo pes enebriant dau solèu, d’aquèu solèu pesuc, lordàs, terrible d’Agost. Tau lo visatge di poëmas de Max Allier, tau lo visatge dau poëta :

Aicí ma cara
a la raja dau temps
l’ai quilhada
Es nuda
Coma la ròca dau vènt batuda
Emai barrada coma un ponh.

E n’es antau pèr de qué Max Allier es òme de Lengadòc, òme demorat òme, despièch de tot, es-a-dire liure d’èstre, liure d’èstre çò qu’es òme pastat per la font que « canta mai dins la nauta montanha », la font ont « vène en varalhant i banhar mas mans vanas ». E n’es antau pèr de qué Max Allier, poëta de la vila ont se discutís l’avenidor de l’òme a sachut demorar capable d’entendre e de sentre tot çò que la vila i dèu, a la terra primièra. N’es antau pèr çò que Max Allier es capable d’escriure, – còsta de poëmas greus, e sonant dolorós li laguis trefons de l’umanitat tala coma l’an pastada d’ans e d’ans d’una civilizacion que non aguèt pèr tòca primiera, l’òme, mas bèn l’argènt, – de tròç d’antologia coma li poëmas titolats « la font » o « Aiga d’estiu ». I a entre la « filha d’estiu… amb tot lo pes de sa cabeça sus sa fauda », entre « son pèu que fumava quand risèire – sol a sa pòrta a tustat tot » e lo pòble « mascarat e pelhandre », un ligam estrech qu’es pas que la realitat de la vida. La realitat de la vida, la sola vertadièra poësia. Que cau saber faire sentir. Max Allier l’a sachut. E tot çò autre es politica !

Note de lecture Jean Malrieu, Europe35, septembre 1952, p. 138-140

Max ALLIER : A la raja dau temps, poèmes occitans avec traduction française (Institut d’études Occitanes).

Voici la plus rare densité poétique La poésie doit avoir pour but la vérité pratique, dit un mot d’ordre célèbre. Et Max Allier pour donner le plus d’efficience possible à son recueil l'a partagé en trois parties, en trois paliers où la poésie va de degré en degré jusqu’à l’explosion finale.

Le poème, car c'est un seul poème, après s'être assuré une base de départ, de solides assises et des racines dans son chant dédié à « ceux qui sont morts avant l’aube », s’épanouit un moment, cherche dans la halte ses aises et sa forme démesurée à la mesure de l‘amour, s’affûte, s’affine, se change en arme pour faire sa trouée vers l’avenir.

Tout de suite nous sommes pris par ce ton majestueux à la gloire des disparus mais qui ne sont pas absents de notre temps « Les forgerons de la nuit » ont frappé sur les ténèbres pour que l’aurore, l’amour, la liberté viennent chanter sur les pays. Vivants et morts sont fraternels dans la lumière méditerranéenne et la terre mère, la terra-maire, se prête à toutes les métamorphoses.

Ils dorment, mais le siècle est un siècle qui change
prend des formes de fleurs et parfume le jour
Il nous grise déjà le vin de leurs vendanges
et le pays est gros du fruit de leurs amours

Avec la halte nous sommes à la plus forte chaleur du jour (la raja), à la grande amplitude de l’âge d’homme. C'est bien l’homme au paroxysme de l’été de la vie, et si à certains endroits, « les moments sont suspendus comme la pierre qui bascule », si s’approche un visage inquiet :

ce n'est peut-être que ma vie
ma pâle vie qui me regarde
et qui jusqu’à la nuit hagarde
semble m’attendre et me supplie.

Loin de s'abandonner à la rêverie, au temps qui passe, Max Allier entend « tous les pas de la vie qui marche dans sa tête ».

C’est une poésie solaire qui s’épanouit, avec la source-désir, le miroitement de l’août sur les eaux, l’été, rien que l’été qui brûle dans la poitrine et sur les tuiles comme un coq multicolore.

Alors, fier de ses morts dont il a hérité, Max Allier avec la terre et le soleil et la mer et l’amour, entre dans la bataille :

Nous, d’un élan qui nous sommes portés en ce jour
à la pointe de l’histoire
dans la bataille il nous faudra veiller
il ne doit pas mourir le vieux message.

Le poète célèbre le partisan (l’hérétique, le Camisard, le F.T.P.) qui dans les Cévennes veille la liberté, couronné par les astres de la nuit qui font la roue au-dessus de lui.

Le poète est dans la ville silencieuse le jour de la grève générale et il est présent dans le combat pour la paix.

Le peuple s’est levé d’entre les pavés, entre dans le poème et s’approche.

Ne vous étonnez pas qu’il ait quitté la mine
Et laissant la truelle et la bigue
Qu’il soit venu tâter sur le pavé
L’événement qu’on lui destine.

Et le poète avec le printemps est allé faire le porte à porte pour la paix.

C'est le printemps ce soir qui fait du porte à porte
et d'étage en étage qui va
les bras chargés de touffes de lilas
réveiller la Recluse aux millions de visages…

… le printemps cette nuit
est fait de notre amour et de notre vouloir.

Ainsi dans les triptyques du Moyen-Âge où dans un coin figurait le donateur, Max Allier termine son recueil en dévoilant son visage, mais s’il est le visage de l’auteur il est aussi tête de proue de tous ceux qui avec lui et comme lui, enrichis de toute la sagesse des morts et de l’émerveillement des vivants héritiers de la liberté et campés dans leurs traditions de fidélité regardent avec assurance les temps futurs.

Il n’oublie pas ses camarades
ce sont eux qui l’accompagnent
nu quand il fait front dans les batailles
sur le chemin des temps nouveaux.
Mon visage est un rêve
souillé de sang et de poussière
sur les vivants cent fois qu’on a voulu briser
Mais le moule est intact. D’autres le sauvèrent
nos enfants y seront coulés.

(Doblida pas sos camaradas — son eles que li fan companha – nuda quand ten còp dins las batalhas —sus lo camin dels temps novels — ma cara es un pantais — mascarat de sang de polvera — que sus los vius cent cops an volgut esclapar — Mas lo motle es sencèr. D'òmes lo sauvèron — los manits i seràn pastats.)

Je devais faire entendre Max Allier dans sa langue. Elle est rauque, troublante et brillante et la traduction que le poète a faite lui-même de son œuvre ne donne qu'une très faible idée de sa puissance. Certes Max Allier n'a pas pensé ni écrit son œuvre en français et la langue d'oc est particulièrement incarnée et convient à son message. Mais il aurait dû, et c’est le seul reproche que je lui ferai, ne pas sous-estimer le génie littéraire de la langue française qui peut et sait aussi traduire le même mouvement poétique. Les poètes de langue française sont heureux de saluer en Max Allier un grand poète ; mais que Max Allier dans ses prochains recueils n’offre pas au lecteur qui malheureusement ne comprend pas la langue d’oc, une traduction « poétique ». L’élégance poétique et son parti pris n’ont rien à voir avec la poésie. Une traduction littérale aurait eu beaucoup de force.

Max ALLIER : SOLSTICI... Aubanel 1965, Robert Lafont, Viure, 7, p. 46-47, auton 1966

Còr que polsèja aucèl de
luònh perdut
palla dins lo tarral mon amorosa
trampèla agacha amondaut lo cèl nut
e la trumada en l'aiga blosa.

I a dins lo libre de Max Allier d'aquelas preséncias de l’amor e del mond, evidentas. Indefugiblas. I a una noblesa del ton, qu'es noblesa de l'òme. Lo poèta Allier es un vivent. O disi coma o senti, coma o sabi aprèp qu'aja tornat legit aqueles poëmas qu'als uèlhs dels occitanistas mai joves fan una gròssa dificultat. O disi per donar mai mon adesion a çò que l'Allier voldriái pas que finiguès d'escriure :

Luche contra l'ombrum d'un temps de carestiá
e plegue pas mon cap qu'au dieu de mon idèia...
N’autres sèm reis. Virat dòrs l’envenidor
t’acampère pas res mas d'un biais de cocarro
dobèrta la camisa e desnuda la cara
t’ofrisse sus ma pèl aquest sorelh d'amor.

O disi per esparpalhar los problèmas fausses. Vertat es qu'Allier escriu pas coma la majoritat dels poëtas nòus escrivon, que son vers n'es un, entraïnat de formas e de paraulas. Es un vers d'òme d’estudis tradicionals ont la tradicion de versificacion francesa se cròsa amb l’estudi de la lenga d'òc. Vertat es qu'aicí lo biais d'escriure alencòp fa lo poèma coma es e sacrifica al marge tota una poësia possibla, possibla per Allier primièr. Mas al ponch ont ne sèm, en Occitània, en França, en Euròpa e mai endacòm mai, que totas las experiéncias poëticas se son amolonadas, consí condemnar una retorica, que de retoricas, tantas n'i a ? Sufís de trapar a de moments lo poëta victoriós de sas entravas.

Pr'aquò la dificultat, la vesi, e compreni qu'Allier a mougut un guespièr que lo ponhís bèl primièr. Son error foguèt de pausar una question, e la mai tilhosa, a perpaus de sa poësia : la question del bilinguisme. Del cop se sabiá d'aver l'ajuda de principi dels que pensan coma el, e mai levar contèsta amb los que pensan autrament. La poësia n'es desvirada dins los jutjaments.

Mas me demandi se n'es pas, abans lo jutjament, al nivel de la quita creacion, s'Allier s'es pas desvirat a el mai d'un còp. Es una tala aventura de se far poëta, demanda tantes d'esfòrces, de meditacion del lengatge qu'un òme o pòt pas far doas vegadas dins una vida. S'òm es poèta occitan, òm pòt pas gaire èstre qu'occitan, e mai òm saupès fòrça plan lo francés. Es question de realitat viscuda.

Que s'acompare las doas versions. Tot còp l'occitana a un pes de paraulas gostosas, la retorica versificaira porta una invencion sintaxica e un pes de significacion que i a pas dins lo francés :

Era una messòrga lo monde
Jota sa semblança que ritz
vesiái un gorg d’aiga prigonda
qu’i treva un poble alobatit
Cadun i lucha sol dins l’ombre
cap a çò de mòrt e de viu.

Le monde n'était que mensonge...
Et je voyais, sous son vernis,
dormir un gouffre d'eau profonde
des lois de la jungle régi.
Chacun y luttait seul dans l'ombre
face à la mort et à la vie !

D'un band la mestresa del lengatge, de l'autra totas las flaquesas d'escòla. Aquò vòl pas dire que l'occitan siá superior al francés per la poësia ; aquò vòl dire que lo poèta Allier es res qu'occitan. E mai aquò pertòca pas son que los faches de lenga. Se traparà de versions desparièras de contengut, coma se lo poèta voliá nos donar aquela pròva en mai, que sa cultura e sa cèrca son de dos monds sens comunicacion :

Bòrni idolant jot tant d'escombres
mon temps aurà pasmens sauvat
l'òme. A dapàs de l'emboIh monta
dòrs lo rescontre que se fai
Pinhastre s'agandís son ombra
Sul camin que Sant Jaume trai.

Hurlant, tout saignant de ses crimes
notre âge aura pourtant sauvé
l’homme. Sur un monde en gésine
son enfer jette des clartés.
C'est le char du passé qu'il tire
par le chemin des voies lactées.

Lo sentit de la permanéncia umana es remplaçat pèr un ponciu pòst-hugolian. Lo cèl de Lengadoc ven un cèl literari.

Dualitat, dessospartiment, estrifament de l'ome : detràs lo bilinguisme e sa malaisanca, i a la dolor de la situacion occitanista. Ai coma diriàm l'idèa que mon fraire Allièr en occitanisme, amb un long capuditge, vela aquel drama. Aquel òme viu aima la tèrra a non plus, mas aquela tèrra es la de Lengadòc (quina granda possession del mond aquel agach sus lo païs entre Cevenas e mar !). Sentís tanplan l'istoria mai que non pas degun de nosautres, mas la sentís fòra l’occitanitat. D'aqui las mancas que se respòndon : dins son occitanitat i a pas gaire d'òmes, de temps present, mas al contra una distorsion folclorica qu'arribi pas a i veire la vida (amont au pais naut qu'i chorra / lo Joan de l'Ors...) ; dins sa vista de l'istòria, i a pas Occitània, mas al contra una traduccion d'èime, una literaritat apresa.

I auriá pas qu'una solucion : seriá de sentir l'istòria en occitanitat. Me diretz que se fa pas per decision, e auretz rason. Mas cresi qu'òm pòt pas defugir lo problèma. Lo recuèlh d’Allièr es important per aquí. Perque foguèt un temps de culhida granda, qu'Allier escriviá los poèmas del moment, que los sabiàm de testa. E ara es pas pus aquel temps. Ne demorarà dins Solstici l'òme que ven, coma un remembre e una promesa...

Avètz remarcat benlèu aquela dualitat a la fin de l'Avertiment : « Tras las doas lengas son dos rebats d'un sol fanau. Se lo tròbas fosc, la peca non es dau veire o de sa color. Vai simplament qu'au lum de l'autor es de manca l'òli ! / Seul l’auteur est coupable. Il aura oublié d’allumer sa lanterne ». Encara un còp occitan e francés dison pas co parièr. E mai se poiriá plan qu’aquí lo francés aguès rason.

Çò que desfauta a Allièr es pas l'òli. Puslèu, coma a nosautres totes, lo36 lum, la vista clara e volontària de nòstra situacion. Se la poësia es la vertat, — Allièr o crei coma ieu —, de la malaisanca poëtica cal far una vertat avenidoira. Robèrt LAFONT.

Ives ROQUETA37 : A DIEU, PAURE MAX ALLIER, Ives Roqueta, Occitans ! - n° 106, mai-junh 2002, p. 4

Cal una meuna coneissenca, anticomunista cronic e pas occitanista per un sòu per m’anonciar que Max Allier es mòrt e qu’es ara al cementèri uganaud de Montpelhier. La novèla me desòla.

D’oras a parlar

Tot, o gaireben, nos desseparava, Max e ieu. Èra uganaud de formacion, ieu papista. Lo sabiái del PCF perinde ac cadaver, quanas sèrps que i agèsse degut engolir e ieu soi totjorn estat d’un antistalinisme primari, segondari, terciari e quinquennal.

En lenga d’òc, aviá la passion del mot rare, ieu aimavi pas que la lenga dels fieirals. Esteticament, èrem pas d’acòrdi tanpauc.

E, pr’aquo, li devi fòrça. Nos siam vistes pro sovent, dins son ostal de la carrieiròta qu’èra fièr que s’apelèsse Bona Nioch, jol Peiron de Montpelhier esclairada de telas de son paire, bel pintre de la vièlha escòla e de Claire Gallois qu’illustrèt quauques-uns de sos libres. Las oras parlàvem.

Poesia de vertat

Aviái 17 ans quand, « khagnos » coma o èra estat, agèri la pròva en legiguent sos poèmas d’Arma de Vertat38 que l’occitan escrich podiá èsser portaire d’un contengut moral, social, politic e sens politicalhariá. En tot cas, que s’i podiá dire quicòm mai que flors, aucelons e pivelament del desèrt. Qu’al contrari òm podiá, en patés, n’apelar a metre lo mond vielh cuol sus cap.

A 66 ans, sabi totjorn de còr son poema :

Aicí ma cara
A la raja dau temps
l’ai quilhada
Es nuda
Coma la ròca del vent batuda
Emai barrada coma un ponh.

E compreni pas qu’aquel texte fulgurant — que me reciti pas sens ferniment lo long del carrastel — tòrne tanpauc sovent dins las espròvas oralas del bac.

Una pròsa d’òc en presa sus l’univers

Del meme biais, ambe son Emperau, es Allier que me dobriguèt los camins d’una pròsa d’òc en presa sus l’univers urban, la condicion obrièira, lo bonur que i a, tanben, a cò del proletariat, la dignitat e la grandor dels paures.

Aital faguèri, de mon biais mai anarcho-sindicalista que lo seune, mai « tremendista », mai « jazzy » que lo seune, mens plan penchenat e mens aragonian. Mas qué pòt far ? Çò qu’es degut es degut.

Es clar, per ieu, qu’es en resson de la poesia d’Allièr, de las grèvas « insurreccionalas » de 1946 onte mon paire me preniá, qu’escriguèri L’òda a sant Afrodisi e, aprèp 1968, la Messa pels pòrcs. A contra-pè benlèu mas en reconeissenca a çò qu’aviá portat de nòu e d’urgent a l’escritura d’òc, coma Còrdas per exemple.

Una impaciéncia comuna

D’acòrdi o pas, esbleugit o non, ai totjorn legit coma venguent d’un fraire ainat, çò que sortissiá d’el. E es amb una emocion aisida a comprene que me soveni dels articles de La Marseillaise onte saludet d’una pluma aguda e urosa ma femna Maria Roanet cantant a Issanka39 e l’encantant, el, de sa finesa, de son coratge, de la tenguda de sos textes e de l’eficacitat de sas musicas.

Tot aquò fa que, uèi, soi trist. Parlarem pas mai, Allier e ieu, de Valéry qu’aimàvem totes dos, del Capital (que voliá apelar lo Cabal dins son ipernacionalisme occitan refolat) e de sas malafachas, de l’amor que consòla lo paure monde e met las constellacions en movement, de nostra impaciéncia comuna a veire los ofensats e los umiliats de la planeta se quilhar, libres, majors, egals en dignitat.

Max de la Deganaudalha

A Dieu, Max de la Deganaudalha (coma disèm al Pont, marridament, e ieu, uòi, tendrament). Se i a un Paradís — que i cresiás pas e que m’atissi a esperar que siaga —, i anam reprene nòstras polemicas entre quatre uòlhs. Va castanhar. E serà bon !

Ives Roqueta

Annexe 2 – Analyse des lettres de Max Allier à Robert Lafont40

Ces lettres, souvent marquées par l’humour, témoignent d’une grande complicité et d’une franche amitié entre les deux hommes. Si le corpus conservé au CIRDOC est relativement limité par rapport à d’autres correspondances, cet ensemble révèle cependant une bonne connaissance de la part d’Allier de l’état de l’occitanisme, aussi bien quant à la construction du mouvement que de la littérature nouvelle qui s’écrivait alors. Les premières lettres conservées peuvent être datées de 1946, même si certaines n’indiquent pas l’année. Nous les évoquons ici dans l’ordre où elles sont conservées au CIRDOC. Allier utilise parfois le français, parfois l’occitan, mais les lettres en français abondent de termes et expressions occitans.41

Le 15 mars 46, Allier salue la création par Lafont d’un « jornal per la joventut » [journal pour la jeunesse] – le futur Ase negre [Âne noir] (Canalès 2014) et propose une aide matérielle à partir de l’imprimerie de Renaissance du Gard républicain. Il demande quel est l’espace de diffusion du journal qu’il désigne comme « L’Aze negre ». Ce courrier fait aussi allusion à une collaboration de Lafont au journal Renaissance…, intitulée « Papiers e galejadas »42, et à sa « Chronica d’òc » hebdomadaire, dans le même journal dont la parution régulière, dit Allier, est surtout empêchée par le manque de place43.

Une lettre datée du 7 février (que nous supposons antérieure à l’autre, et donc également de 1946), évoque un désaccord avec Lafont sur la question de la graphie. Allier pose la question récurrente de la difficulté pour ceux qui connaissent la langue parlée de lire cette langue, et propose des solutions pédagogiques pour expliquer aux lecteurs la graphie employée. Ces questionnements d’Allier sont ceux de plusieurs correspondants de Lafont, écrivains connaissant la langue, et qui se préoccupent des relations entre les lettrés et les locuteurs naturels44, non alphabétisés en occitan. Ces questions de graphies sont récurrentes dans les lettres.

Le 21 mai, Allier annonce à Lafont l’envoi de poèmes pour l’anthologie du Triton bleu (Lafont et Lesfargues, 1946) et évoque son désir d’aller au contact des locuteurs naturels45 :

Me triga de me pausar un pauc que soi las d’ime e de cors e que n’ai un vòmi de la politica.
Tire de plans per anar passar una quinzenada aquest estiu dins un vilatjot de l’Erau o en Cevenas per i parlar en òc amb los pescaires o los pageses.
Un cop de mai n’ai besonh de sentir que la lenga es encara viva e de la parlar.

[Il me tarde de me reposer un peu car je suis las d’esprit et de corps et que je n’en peux plus de la politique.
Je fais des projets pour aller passer une quinzaine de jours cet été dans un petit village de l’Hérault ou en Cévennes pour y parler en oc avec les pêcheurs ou les paysans.
Encore une fois j’ai besoin de sentir que la langue est encore vivante et de la parler.]

Le mercredi 3 juillet [1946], il annonce un article pour L’Ase Negre46 et dit attendre avec impatience les Paraulas al vièlh silenci de Lafont. Il fait état des difficultés avec « Paris » pour la publication d’une chronique « Renaissance d’oc », il évoque un éditorial de sa plume pour s’insurger contre la réintégration de Maurras dans le Consistoire du Félibrige : « Ai fach petar lo tron de Diu » [J’ai fait péter le tonnerre de Dieu], écrit-il. Il propose une rencontre pendant l’été à Montpellier avec Max Rouquette et Camproux « que conoissi pas » [que je ne connais pas], précise-t-il. Il remercie pour le Triton bleu.

Une lettre d’Athènes en français datée du 8 juillet [sans aucun doute 1947] évoque un pays merveilleux, fait allusion à la naissance attendue du « Lafontulus en puissance » et déplore sa propre mise au chômage [qui coïncide avec la fin de La Renaissance du Gard républicain].

Les échanges ne reprennent qu’avec une lettre du 19 octobre 1954. Il est difficile de savoir si des lettres ont été perdues ou s’il y a eu une interruption de la correspondance… Dans le fonds Lafont, la lettre est accompagnée d’une coupure de La Marseillaise (8-3-53) consacrée à Mistral ou l’illusion. Allier avait lu l’essai de Lafont, un an avant sa parution chez Plon, et le saluait ainsi : « Le Nîmois Robert Lafont nous offre un essai sur Mistral qui fera date dans la critique mistralienne ». À l’automne 1954, nous savons qu’une bonne partie de la Provence mistralienne, derrière le critique et écrivain Charles Mauron, se déchaîne contre Lafont et que l’occitanisme tout entier prend la défense de Lafont47. « Ton bouquin m’a emballé », écrit Allier.

C’est vraiment le premier ouvrage qui apporte sur Mistral quelque chose de nouveau et d’intelligent. En outre tu as cette qualité majeure qui se traduit dans le jargon du parti par « avoir les pieds sur terre ». (Lettre du 29 octobre 1954).

Allier fait une nouvelle fois allusion à des problèmes de santé mentale, « l’impression de "perdre la boule" », qui l’empêchent d’achever, dit-il, une étude sur Bigot. Ces problèmes reviennent dans les lettres des mois suivants. Il fait allusion, sans s’y attarder, aux débats du moment avec Castan, qui lui semblent moins importants que son propre désir de s’en prendre à Mauron. Il propose son aide auprès de René Lacôte pour qu’on parle de « l’affaire » dans Les Lettres françaises, dont Lacôte était un des principaux responsables.

Trois lettres de 1955 évoquent un accident de la route48 qui lui a laissé des séquelles ; les deux premières datées d’avril, en occitan, sont pleines de verve et d’humour, la troisième, en français, est plus triste et amère. La première lettre déplore le contenu du dernier numéro d’Oc, regrette le temps où Castan en avait la direction, et annonce la candidature d’Allier au Prix des lettres occitanes. La seconde lettre remercie Lafont de son signe d’amitié.

L’accident a reviudat la malautiá de nèrvis que l’an passat, durant quatre meses, me venguèt tarabastar.

[L’accident a ravivé la maladie nerveuse qui m’a accablé, l’an dernier, pendant quatre mois.]

Il est de nouveau question du Prix des lettres occitanes le 20 avril 1955 : Allier a été refusé au motif, lui aurait écrit Girard, que le prix couronnait des œuvres inédites, et que la sienne avait déjà été publiée. Allier se plaint d’un changement de règles dont il n’aurait pas été informé49.

Dans une lettre datée « diluns » [lundi], Allier promet un article pour la revue Europe50, et se déclare d’accord avec Lafont pour ce qui est de l’état de l’occitanisme :

Me pensi coma tu. L’aura que bufa a l’IEO sentís a la reaccion. Lo manifèst de Bec pudis a trotzkisme51 e pòrta en el la rompedura de l’IEO. Cau que s’acampem còntra. Mas de verai pense pas que podem comptar sus Castan. Aquel tras de rebossier volguet pas comprene a Tolosa la dicha de Malrieu, o puslèu son conselh, nimai agantar la partega que li èra aparada. A quitat tombar la redaccion en cap de Oc dins de mans que n’ai pas fisa. Fai lo parier per lo bull. pedagogic. Malrieu de Tolosa m’a demandat de li escriure per veire de qué se pòt faire amb aquel obrièr.

Te mande un poèma per Las Letras52 amb la revirada. Ne faràs çò que voldràs.

[Je pense comme toi. Le vent qui souffle à l’IEO sent la réaction. Le manifeste de Bec pue le trotskisme et porte en lui la rupture de l’IEO. Il faut que nous nous rassemblions contre. Mais je ne pense vraiment pas que nous pouvons compter sur Castan. Ce bougre de reboussier n’a pas voulu comprendre à Toulouse les propos de Malrieu, ou plutôt son conseil, ni saisir la perche qui lui était tendue. Il a laissé tomber la rédaction en chef de Oc dans des mains auxquelles je ne fais pas confiance. Il fait de même pour le bull. pédagogique. Malrieu depuis Toulouse m’a demandé de lui écrire pour voir ce que l’on peut faire avec cet ouvrier.

Je t’envoie un poème pour Les Lettres avec la traduction. Tu en feras ce que tu voudras. »]

Cette lettre nous apprend aussi qu’Allier ne travaille plus à la Marseillaise, dont la direction lui aurait fait une « saloperie » deux ans auparavant, qu’il souhaite y revenir, mais qu’il fait de la « représentation de livres », ce qu’il définit comme une « connerie ». Sans rancune, Allier propose aussi de parler des « prix d’Avignon » et des poèmes d’Allan.

La lettre suivante, datée du 1er mars 1956, en français, évoque la collection « Pròsa » de l’IEO et le manuscrit de Pessemesse Nhòcas e bachòcas, qu’Allier propose de publier malgré certaines réserves stylistiques. Il fait allusion à des textes reçus du « Gascon sarrois » [Manciet] :

C’est bon évidemment. Mais c’est tout de même malheureux que les jeunes Occitans attendent 1956 pour découvrir le surréalisme soit en poésie soit en prose. Est-ce donc fatal que nous ayons toujours une trentaine d’années de retard ?

Il interpelle Lafont sur le sort réservé par Ravier à des poèmes et traductions de sa main, envoyés plus d’un an auparavant.

Dans une lettre du 20 juin 56, Allier regrette de ne pas pouvoir renseigner Lafont sur Panazòl53 et lui suggère de s’adresser à Castan, plus proche géographiquement de l’Écho du Centre où travaille Panazòl.

Un courrier de décembre 1956 fait allusion aux conséquences de la répression soviétique de l’insurrection de Budapest (octobre 1956) sur les locaux montpelliérains de La Marseillaise54 :

Tu dois te douter que nous avons été secoués par les événements. Ici par deux fois notre agence a été saccagée et brûlée et depuis près de deux mois nous y travaillons sans feu, et en plein courant d’air.

Même s’il ne peut pas, pour des raisons de surcharge de travail, participer au conseil d’administration de l’IEO, Allier confirme sa disponibilité pour diriger la collection Pròsa.

Cependant, le 6 janvier 1957, Allier évoque un courrier de Lafont lui reprochant de ne pas être assez actif pour la collection. Allier accepte le reproche et s’explique :

Le manque de moyens de la collection empêche de publier beaucoup : il a donc des scrupules pour demander des textes qui ne seront peut-être pas publiés. Lui-même manque de motivation pour écrire, étant donné le peu de perspectives de publication

L’investissement croissant que lui demande La Marseillaise et ses autres engagements culturels et politiques, qu’il énumère, lui prennent tout son temps.

Il revient aussi sur ses critiques de l’écriture de Manciet, sur ses craintes quant à la direction nouvelle de la revue Oc, et sur la question de la graphie :

… le surréalisme est un courant tard venu dans les lettres d’oc et qui m’irrite un peu car il me semble détourner notre poésie et notre prose de leur vocation.
[…]
Sur la question de la graphie nous en reparlerons mais je la considère plus importante que tu ne fais. En dehors de certains cas précis où le choix d’Alibert m’a hérissé, je m’énerve surtout parce que les variations dont tu parles proviennent surtout de ce qu’on n’applique pas les règles qu’il a édictées. Ainsi pour les vulgarismes. Il n’a jamais, tu te le rappelles toi-même, dit qu’on devait les corriger quand ils se trouvent dans le texte d’un auteur. Or c’est toujours ce qui se produit. Et on te les remplace par la forme toulousaine ou carcassonnaise. D’autre part un système graphique est une chose perfectionnable comme le reste. Or Alibert a décrété pour l’éternité. Or des formes comme rosegar ou rosigar n’ont jamais empêché à l’époque où la langue était plus répandue l’intercompréhension. Et l’on assiste à mon avis, chez certains, à une manie comparable à celle de la Renaissance en France qui sous prétexte d’étymologie a surchargé les mots de lettres inutiles et souvent absurdes. C’est le cas pour cabùs que j’ai vu chez Espieux je crois surchargé d’un « p » (capbùs) alors qu’il apparaît évident que le « b » est la transformation de ce « p » (Tant pis si je me trompe). Je ne parle pas enfin des « Classiques occitans » publiés par Camproux et Barral qui semblent tout ignorer de la graphie de l’IEO. On y lit entre autres horreurs des notes de ce genre uòlh forme dialectale pour le classique uelh. Sans blague ! Uòlh est de toute évidence plus ancien que uelh. Et quand on a voulu une fois donner à la fin des explications de mots supposés difficiles (n° de janvier 54), on a sorti des trucs insensés. Par exemple Max Allier, L’Emperau :

[suit une critique argumentée de toutes les notes de vocabulaire données à la fin du numéro sur les termes employés par Allier dans sa nouvelle : Allier conteste l’ensemble des explications données ainsi que les synonymes proposés]

Alors nom de Dieu qu’on emploie les équivalents français car enfin nous sommes en France et le français a des sens précis qu’on peut trouver dans tous les dictionnaires. Et par contre dans le même numéro on donne deux mots de vocabulaire pour Xavier Ravier Huec = fuòc ce que tout le monde sait et Trindòla = timbolejar fr. tituber. Or je ne connais pas timbolejar tandis que trantalhar est connu en Languedoc et Provence. En outre j’ignore ce que veut dire Parsan, ua herida de còsta (une blessure de côte ?), Bigo, Muishaire, Baram, Doriu, Vajut, s’ahutant (s’ajudant ?), cantèras, s’esperreca
Comprends-tu un peu mieux pourquoi entre autres je tiens tellement au texte français vis-à-vis de nos Pròsas ?
[…]
As-tu une version française de ta Vida de J.L. ? Voici pourquoi : une de mes amies russes (la fille d’Ilya Ehrenbourg) avec qui j’étais étudiant à Paris, fait actuellement à Moscou des traductions de romans français. Elle en réclame. Je lui ai parlé du tien. Mais c’est en provençal m’a-t-elle écrit. Impossible ! Or elle viendra me voir au printemps : si je pouvais lui présenter la traduction, je crois que ce serait gagné. Songes-y.

Une lettre non datée fait état de son acceptation qu’Yves Rouquette lui soit associé pour diriger la collection « Pròsa ». Une mention manuscrite de Lafont en haut de page signale (à l’intention d’Yves Rouquette ?) « Voici une lettre d’Allier. Je lui ai répondu. Mettez-vous d’accord. » Dans sa lettre, Allier indique qu’Yves Rouquette le secondait déjà : « tu penses bien que je ne risque pas de m’en formaliser », dit-il, tout en répondant à ce qui a dû être des critiques et en donnant son point de vue sur les priorités qui devraient être celles de la collection :

Mais je tiens à te préciser que je n’ai laissé traîner aucun manuscrit en retard. On m’en a transmis trois en tout. Celui de Pessemesse. Tout a été fait en temps voulu. Un autre d’un Provençal que m’a communiqué Yves que je trouve très mauvais et impubliable et celui de Bernard Manciet. Dès que je l’avais reçu je t’avais donné mon opinion à ce sujet. Tu as dû mal l’interpréter. Je t’indiquais je crois que ça ne me paraissait pas du tout nouveau, que ça sentait la mode actuelle, mais que c’était bon. Non pas comme langue car je la trouve atroce et il me semble que l’IEO devrait insister pour faire corriger sur manuscrit les gallicismes employés par les auteurs. Mais j’étais tout à fait d’accord pour la publication. Je trouvais seulement et c’est encore mon opinion que l’on devrait publier les fameuses proses de Rouquette qui sont une œuvre maîtresse et qu’il est inadmissible qu’on laisse dormir.

Le 9 avril 1957, Allier donne son avis sur des nouvelles reçues d’Hélène Gracia : « Deliure », « La Reina de Saba », « La mòrt del mainatge » et « La Marionnette » [dont il se demande où est la version occitane]. Il exprime son opinion argumentée sur ces textes, qu’il dit opposée à celle d’Yves Rouquette :

J’aime beaucoup Deliure e La Reina de Saba, ensuite La Marionnette et enfin La mort del mainatge.
[…] Je suis donc tout à fait d’accord pour la publication de ces nouvelles. J’estime qu’elles apportent à notre littérature une note vraiment originale, une contribution féminine qui lui manque.

Il réitère son jugement le 28 avril tout en demandant si son opinion est prise en compte :

Maintenant j’aimerais savoir dans le cas d’un désaccord entre Yves et moi qui décide. Car si je suis actuellement secrétaire de la collection Pròsa je tiens à en assurer la responsabilité. Sinon mettez quelqu’un d’autre.

La lettre évoque aussi des manifestes du temps, dont un émanant des écrivains provençaux, lancé par Lafont et publié par Les Lettres, dit-il [abréviation qu’Allier utilise pour Les Lettres françaises] et un autre de Montauban, lancé par Castan :

… sa déclaration me gêne principalement en ce paragraphe 8 où elle veut mettre la littérature occitane à la remorque des créations littéraires d’avant-garde et ce paragraphe 4 où elle déclare révolu le naturalisme à base littéraire.

Une lettre de juin 57 revient sur les multiples engagements culturels d’Allier qui mangent tout son temps et expliquent son absence à une rencontre sétoise où il était attendu. Il dit continuer son travail de liaison entre le PCF et la culture occitane :

Les 29 et 30 juin à Montpellier le Parti organise ici la journée du Livre marxiste et progressiste. J’ai fait admettre par les camarades que le livre d’òc y soit représenté. Peux-tu :
1°- Envoyer pour la vente quelques exemplaires de Joan Larsinhac et de ton Mistral ?
2°- Accepter de faire partie du comité de parrainage ?
3°- venir dans la journée de samedi, matin ou soir, ou du dimanche matin ?

Le 11 décembre 57 Allier fait allusion à Verd Paradís, à la question de la traduction française et à sa conception de la programmation des parutions dans la collection :

J’ai vu Rouquette. Son Verd Paradís est complètement tapé. Mais quand je lui ai fait part de ton propos sur la version française il a été étonné et est allé chercher le paquet tapé de cette version qui est lui presque achevé. Il est entièrement de mon avis et il estime lui aussi que les Proses devraient paraître avec la traduction. D’après les pages à la machine cela constituerait me semble-t-il un ensemble équivalent de grosseur à La Grava sul camin.
Je sais que la question finances se pose. Mais je persiste à maintenir qu’il vaut mieux sortir dans la collection Prose un livre tous les 2 ans (et bien choisi, avec la traduction française en regard) plutôt qu’un ou deux par an en oc seul. Car le français lui ouvre un public beaucoup plus large que la centaine de [mot illisible] (et encore) qui les liront dans le texte original. Je suis prêt à défendre ce point de vue dans un article sur Pròsa dans Oc.
[…] J’ai lu les nouvelles d’Hélène Gracia que tu m’avais passées. Elles me confirment dans le premier jugement que je portais sur elle. C’est plein de talent. Il y en a même quelques-unes d’excellentes. Je n’ai pas encore choisi. J’hésite. Il me semble qu’après Verd Paradis ce serait une des premières Prose à sortir. Je trouve cela un peu plus fort que Pessemesse (Nhòcas e Bachòcas).

L’opinion d’Allier sur la traduction lui a valu, écrit-il avec humour le 29 décembre 57, une « volée de bois vert » de Lafont avec des comparaisons sur les affrontements entre « bolchévik » et « Menchévik »… Allier persiste à plaider pour des éditions bilingues qui lui semblent nécessaires pour élargir le lectorat. Il appuie son argumentation sur sa propre expérience :

… je ne peux oublier que si La Miugrana entreduberta ne m’était pas à l’âge de 12 ans tombée entre les mains pourvue de sa traduction je n’aurais sans doute jamais appris notre occitan. Sans compter que la fixation de notre langue littéraire ne peut se faire sans qu’une traduction précise, en face, le sens que nous voulons donner à certains de nos mots d’Oc. J’ajoute que ton opinion à ce sujet me semblait exprimer le point de vue, ou une décision, de l’IEO, et qu’en pareil cas, je trouvais profitable de soulever le problème dans Oc.

Il évoque aussi les changements dans la direction de l’IEO. Il comprend le départ de Lafont du poste de secrétaire général pour prendre celui de rédacteur en chef de Oc et regrette que Lafont soit remplacé par Manciet. Il fait allusion à des nouvelles qu’il est en train d’écrire et, en journaliste habitué aux questions techniques et matérielles, il signale la quantité de dialogues qui risquent de démultiplier les lignes… Il fait état de ses difficultés pour faire passer dans La Marseillaise un papier sur le recueil Dire de Lafont :

Ces putes de Marseillais après m’avoir affirmé qu’ils le passeraient en Magazine (toutes éditions), s’en sont servis pendant ces fêtes pour boucher un trou dans la locale de Montpellier. J’ai protesté et hier ils m’ont juré qu’ils le passaient aussi en locale des Bouches-du-Rhône et du Gard.

Il parle de l’avancement du travail d’édition de Verd Paradís :

Je fais une première correction des fautes de frappe et de certains provençalismes55 (avec l’assentiment de Max) coma soleu pour solelh qui se trouvait dans des pièces antérieures. L’ensemble est excellent.

Il fait des propositions pour améliorer la diffusion des publications occitanes, avec l’embauche d’un vendeur qui ferait aussi des campagnes de souscriptions. Et il revient sur les questions de norme écrite :

Qu’on fasse une guerre à outrance aux gallicismes dans le vocabulaire et plus encore qu’on ne le fait dans la syntaxe, entièrement d’accord. Mais qu’on s’excite surtout sur ce qu’on nomme les vulgarismes zut !... Qu’on m’oblige à écrire penchenar au lieu de penchinar, employé dans les ¾ du Languedoc, eime pour ime (idem), c’est trop !... Et qu’on n’admette même pas des phénomènes qui se manifestaient au temps de l’Empire romain comme le passage de rs à ss, dans acossar, qu’on m’imprime acorsar, ça passe la mesure. Encore plus quand on s’entête à imprimer confle pour cofle, avec une nasale qui d’Agen à Montpellier et plus loin encore ne se fait jamais entendre, et qu’on veut ressusciter !... Pourquoi ? Pour justifier le provençal gonfle que Roque-Ferrier considérait comme un gallicisme ? On n’a pas pris tant de précautions unitaires quand il s’est agi d’établir la graphie du gascon où l’on insiste avec plaisir sur les moindres particularités de la prononciation locale !

Il revient encore, en février 1958, sur la question d’un « courtier » pour vendre les publications occitanes, question liée, selon lui, à la traduction française seule à même de permettre au vendeur de gagner assez grâce à la conquête d’un plus large public. Il propose que l’on présente Verd Paradís au prix Aubanel de prose et donne les conditions pour cela, étudiées, dit-il, avec Max Rouquette. Il évoque aussi la possibilité de se présenter lui-même à ce prix. Il fait allusion à son poème Solstici56, envoyé à Madame Lafont et à son travail d’écriture de deux longues nouvelles en occitan ainsi que d’un roman en français, écrit, mais pas encore dactylographié.

Les discussions linguistiques continuent dans une lettre du 8 de mars 58, sur le ton de l’humour :

Tant que tu t’entêteras, coma un cap de borra que sias [comme une tête de mule que tu es], à me glisser dans tes lettres cet « enluòc mai » en lui donnant le sens de quelque part ailleurs, alors qu’il signifie exactement le contraire « nulle part ailleurs » (et je ne te parle pas par expérience livresque mais pour l’avoir ouï à Lespérou dans la bouche des paysans), en guise de sanction, je t’écrirai en français… Me fas enfalenar quand ne farcisses ta pròsa e tos vèrses d’aquel òrre solécisme, tu que tène per un purista. [Tu me mets en rogne quand tu en farcis ta prose et tes vers de cet horrible solécisme, toi que je tiens pour un puriste]

Mais il est aussi question de batailles politiques :

Diga mon quèco, vène de veire Raoul Calas57, e de li far téner lo pregit de modificacion de la lei Deixonne. Es d’acòrdi dau tot. Ne vai parlar au camarada que se’n triga de l’Educacion Nacionala. Seguirà l’afaire e me farà saupre consí vira. Pensa pas que i aja d’embolh.

[Dis mon filou, je viens de voir Raoul Calas et de li faire passer la demande de modification de la loi Deixonne. Il est d’accord sur tout. Je vais en parler au camarade qui s’occupe de l’Éducation nationale. Il suivra l’affaire et me fera savoir comment elle tourne. Je ne pense pas qu’il y ait de problème.]

Dans cette lettre continuent aussi les allusions au prix Aubanel, où Allier comptait se présenter au cas où ce ne serait pas possible pour Verd Paradís. Les choses, après avoir traîné, ont tourné autrement, et Allier sollicite Lafont pour que soit cependant publié un long texte de lui :

… ièr rescontrèri aquela puta de Max Roqueta que me diguèt : T’entanches pas per Verd Paradís, perdequé ai vist Campros e ai decidit de mandar ma pròsa per lo prèmi Aubanel.
Adonc i a pas desenant la mar en fuòc ! Solament, dau moment que Roqueta manda son Verd Paradís, ieu me garde ma novèla. E dins aquelas escasenças ai idèa de te demandar una causa. Vau te mandar lo texte de ma novèla, coma fai un libre, te demande de la publicar dins la tièira « Pròsa ». Farai çò que voliai faire per Verd Paradís, la farai imprimir au Clapàs, ambé de retraches, e donarai los bulletins de soscripcion au corretièr. Perdequé n’ai pro d’aver publicat a 46 ans qu’un librilhon de poemas e d’èsser « director » de Pròsa.
[…] Per Verd Paradís aviai demandat a Roqueta de l’alaugierir que quauquas peças… mas pas de l’Autboi. Mas el ne vòl ajustar una !

[… hier j’ai rencontré cette pute de Max Rouquette qui m’a dit : Ne te presse pas pour Verd Paradís, parce que j’ai vu Camproux et j’ai décidé d’envoyer ma prose pour le prix Aubanel.
Donc il n’y a pas désormais le feu un lac ! Seulement, du moment que Rouquette envoie son Verd Paradís, moi je garde ma nouvelle. Et dans ces circonstances j’ai l’idée de te demander une chose. Je vais t’envoyer le texte de ma nouvelle, comme elle forme un livre, je te demande de la publier dans la collection « Pròsa ». Je ferai ce que je voulais faire pour Verd Paradís, je la ferai imprimer au Clapas, avec des dessins, et je donnerai les bulletins de souscription au courtier. Parce que j’en ai assez de n’avoir publié à 46 ans qu’un petit livre de poèmes et d’être « directeur » de Pròsa.
[…] Pour Verd Paradís j’avais demandé à Rouquette de l’alléger de quelques pièces… mais pas de l’Autboi. Mais lui veut en ajouter une !]

La discussion sur « enluòc mai » et autres points de langue ne s’arrête pas là. Il est probable que Lafont a répondu, et Allier revient sur la question le 12 mars 58 en donnant de surcroît des explications demandées par Madame Lafont sur tel ou tel terme. Il y revient encore dans une lettre non datée58.

Une lettre du 16 avril 58 s’ouvre aussi sur des questions linguistiques. Le ton est le même que celui de l’ensemble de la correspondance : on ressent entre les deux hommes une connivence au-delà des différences de sensibilité politique ; les échanges sont directs, qu’il s’agisse de questions de langue, de stratégie militante ou de point de vue littéraire, et l’humour est présent :

Ta disciplina d’occitanista me fai badar ieu, paure comunista, e m’estrementís un pauc !... Consí !... Ieu m’i plegui per poder escriure coma parle e tu t’empachas d’escriure las paraulas que dises ! ?... I a quicòm aquí que me làguia. Mas lo moment es pas vengut per ieu de t’espandir tot çò que me pense d’aquò. Soi en [mot illisible], fai de meses, d’espepidar la gramatica d’Alibert, e las òbras que naissèron a son aflat coma « De la langue au pays »59, e m’embalausisse de veire las contradiccions que cabisson. Quand serai prèste te mandarai a aquel prepaus un ensag critic. Lo pantais vielh d’imperialismeoccitan es polit, polit. Mas me pense que l’Alibert d’en primièr, e sos discípols mai que mai, sabon pas consí s’endevenir. Mai ne parlarem mai.

[Ta discipline d’occitaniste m’épate moi, pauvre communiste, et m’inquiète un peu !... Comment !... Moi je m’y plie pour pouvoir écrire comme je parle et toi tu t’empêches d’écrire les mots que tu dis ! ?... Il y a là quelque chose qui me préoccupe. Mais le moment n’est pas venu pour moi de te développer tout ce que je pense de cela. Je suis en [mot illisible], depuis des mois, d’éplucher la grammaire d’Alibert, et les œuvres nées sous son influence comme « De la langue au pays », et je suis sidéré de voir les contradictions qu’elles contiennent. Quand je serai prêt je t’enverrai à ce propos un essai critique. Le vieux rêve d’impérialisme occitan est très joli. Mais je pense qu’Alibert d’abord, et surtout ses disciples, ne savent pas comment s’y prendre. Mais nous en reparlerons.]

Lafont lui a envoyé, comme à d’autres amis60, le manuscrit de son livre Li Camins de la saba. Max Allier donne son opinion argumentée sur le récit, il fait des remarques critiques sur la construction narrative, il apprécie la façon dont Lafont a présenté dans son récit le problème de la langue et ce qu’on n’appelait pas encore le fonctionnement diglossique :

D’aquesta ora, vène, a la perfins, de legir, d’una alenada, tos Camins de la saba. As botat lo cotèl dins la plaga. Aquel testimòni planteja per lo còp primièr e milhor que cap d’estudi l’agesse pogut faire lo poblèma de la lenga – o puslèu lo problema occitan. Es lo sol libre que faguèsse comprene a las gents que los Miegjornals son de mond qu’arpatejan dins de condicions mai embolhosas que los Guaranís, per amor que se pòdon pas dessostar ni mai confessar. Brave !...
Mas, a vista de nas, me demande s’un quauqu’un qu’es en defòra d’aquel afaire, o sentirà d’a fons. Vòle dire que tas idèas me pareisson, per ròdols, pas pro claras. N’es antau per exemple dins l’episòdi de Simon e Rogièr. Se vei pas pro s’es lo caractèr dau dròlle que lo fai « parlar coma un libre » o s’es sa condicion occitana que lo fai legir luòga de calinhar. Es parièr per lo raconte tot. Me demande se caudriá pas « étoffer » lo demescòr entre Rogier e sa femna, se cauria pas d’aquel costat donar mai de pes a « l’intrigue ». E mai a l’acabada l’istòria de fidelitat e d’avenir, amb Antonin es bòna. Mas me basta pas que li diga que sa sola malafacha foguet de pas i aprene la lenga. Car la malafacha es pas sieuna.
[…]
Coma que siague es una òbra garruda, que te manda un petassau dins l’estomac e que te fai chifrar. E mai escricha dins una lenga aisida, mai saborosa, mai vertadièira que çò que legiguèri de tu fins ara, una lenga bòna que ben talament.

[À cette heure, je viens, enfin, de lier, d’un trait, tes Camins de la saba. Tu as mis le couteau dans la plaie. Ce témoignage pose pour la première fois et mieux qu’aucune étude n’aurait pu le faire le problème de la langue – ou plutôt le problème occitan. C’est le seul livre qui fasse comprendre que les Méridionaux sont des gens qui se débattent dans des conditions plus compliquées que les Guaranis, parce qu’ils ne peuvent pas se découvrir ni se confesser. Bravo !...
Mais, à vue de nez, je me demande si quelqu’un qui est en dehors de cette affaire, le comprendrait vraiment. Je veux dire que tes idées, parfois, ne me paraissent pas assez claires. Il en est ainsi par exemple dans l’épisode de Simon et Roger. On ne voit pas assez si c’est le caractère du garçon qui le fait « parler comme un livre » ou si c’est sa condition occitane qui le fait lire au lieu de flirter. C’est pareil pour tout le récit. Je me demande s’il ne faudrait pas « étoffer » le désaccord entre Roger et sa femme, s’il ne faudrait pas de ce côté donner plus de poids à « l’intrigue ». À la fin, l’histoire de fidélité et d’avenir, avec Antonin, est bonne. Mais il ne me suffit pas qu’il lui dise que sa seule faute a été de ne pas lui apprendre la langue. Car la faute n’est pas la sienne.
[…]
Quoi qu’il en soit c’est une œuvre puissante, qui t’envoie un coup dans l’estomac et qui te fait réfléchir. Et aussi écrite dans une langue simple, mais savoureuse, plus vraie que ce que j’ai lu de toi jusqu’alors, une bonne langue61.

La fin 1958 est un temps d’inquiétude pour Allier. Les événements politiques marginalisent les communistes62 et il risque le chômage, dit-il dans une lettre du 27 octobre, où il fait aussi allusion à des textes envoyés à Lafont : « deux extraits de "Vert Paradis" […] et deux extraits de "Les témoins sont morts" de mézig »63.

Étant donné le contexte politique, il lui apparaît nécessaire de penser à une reconversion, ce qu’explicite un courrier du 10 novembre :

Pour le choix de prose languedocienne j’ai du retard. D’abord parce que je ne t’ai pas encore demandé si deux ou trois textes assez longs te convenaient. En effet un premier choix que j’ai fait porte sur le conte de Jean de l’Ours dans sa version montpelliéraine recueillie vers 1880 de la bouche de deux indigènes (5 pages) et sur un morceau de Joan l’an pres (idem). Puis-je en ajouter un troisième ?
Je suis heureux que les extraits de Les Témoins sont morts t’aient plu. Mais bien sûr que la version originale est en oc. Puisque c’est la version française de « Lo Malordit » que j’avais envoyé pour le prix Aubanel.
[…]
PS. Je voulais te voir. Essentiellement pour ceci : j’ai fait lire La Nuoch dau gibos que tu connais en français par mon même ami64. Il a été emballé et m’a conseillé de proposer deux ou trois nouvelles de ce genre à Gallimard ou Julliard. Il me donne 90 pour 100 de chances d’être édité.
Or avec les menaces qui pèsent sur notre presse il faut que je prévoie le pire. Et je n’ai aucune envie et je n’aurais pas la force physique de reprendre la représentation des bouquins. Dans ces 3 nouvelles je mettrais « Les témoins sont morts ». Dans cette éventualité, je ne peux pour le moment et ça m’emmerde que retarder un essai de publier tout ça en oc dans Prose. Je voulais en discuter avec toi et avoir ton avis car pour mon roman mes chances de succès sont plus hasardeuses.

Allier, cependant, continue d’œuvrer pour l’édition occitane, notamment pour la publication de Verd Paradís. Le 18 décembre 58, il écrit à Lafont :

Robert, mon bèl, sabe que « Time is money », mas despuòi la prima espere, Max pòt esperar quauques jorns de mai. Ieu fai vint ans qu’espere de faire un cap d’òbra e de lo veire publicat ! […]
aurai, passat deman, dissate, lo « devis » de Dehan. M’a assegurat que me fariá quasi lo
meteis pretz que Subervie, a quauques mila francs près… per çò qu’ai causit un format un pauquet mai grand. Enfin dimentge aurai la coberta nòva que lo pintre Gerard Calvet me pinta per lo format que li diguère e que ne farai faire lo « cliché ».
[…]
Entre que Verd Paradís serà en trin farai entreprene a Dehan Lo Malordit.
Per La Marseillaise, en d’aquel temps pòde pas dire quicòm mai que Se deman plòu pas farà bèl !...

[Robert, mon beau, je sais que « Time is money », mais depuis le printemps j’attends, Max peut attendre quelques jours de plus. Moi cela fait vingt ans que j’attends de faire un chef d’œuvre et de le voir publié !
[…]
J’aurai, après demain, samedi, le « devis » de Dehan65. Il m’a assuré qu’il me ferait presque le même prix que Subervie66, à quelques mille francs près… parce que j’ai choisi un format un petit peu plus grand. Enfin dimanche j’aurai la couverture nouvelle que le peintre Gérard Calvet me peint pour le format que je lui ait indiqué et dont le ferai faire le « cliché »
[…]
Pendant que Verd Paradís sera en train je ferai entreprendre à Dehan Lo Malordit.
Pour La Marseillaise, en ce moment, je ne peux rien dire d’autre que si demain il ne pleut pas il fera beau temps !... ]

Le 11 juillet 59, Allier se réjouit qu’un de ses articles sur La Loba [La Louve] de Lafont soit paru dans les Lettres françaises : « cela me fait plaisir, dit-il, car ta Loba m’a beaucoup plu, beaucoup, et ce n’est pas l’amitié qui parle. ».

Les lettres se font rares par la suite… Le 16/2/63, Allier, tout en reprenant ses critiques contre la graphie alibertine, fait part à Lafont d’une prise de distance plus générale :

Il est exact que j’ai fait part à Yves Rouquette de mon éloignement grandissant à l’égard de l’IEO. Mais ce n’est pas tant une question politique. Une question d’âge plutôt. La fe sens òbra mòrta es. J’en suis toujours persuadé. Mais je restreins de plus en plus le domaine de l’òbra jusqu’à le faire coïncider avec le seul domaine de l’œuvre littéraire. Prose ou poème. Car je viens d’avoir cinquante ans. Et il ne me reste pas tant de temps devant moi. Juste celui de sortir ce que je peux encore avoir dans le ventre. Mais pas celui d’épiloguer sur le destin de la langue, sur l’économie du Languedoc dont je me fous, ou sur celle de la Gascogne dont je me contrefous. Pas plus que sur celui de participer à des assemblées, réunions ou colloques littéraires. N’ai mon sadol amb aqueles dau Partit. [J’en ai ma dose avec celles du Parti]
Si j’étais né il y a cent ans j’aurais sûrement été un fédéraliste occitan enragé. L’histoire a tourné. La question ne se pose plus. J’ai la langue d’oc dans la peau et j’écris en oc… comme j’écris à d’autres moments en français. Y aura-t-il longtemps encore des gens pour nous lire autrement que dans la traduction ? J’ai peur que non. Mais tant pis. C’est notre drame. Et nous n’y pouvons rien ou si peu.
À part ça je suis depuis le début en désaccord avec la graphie alibertine. Sur des points de détail qui peuvent paraître négligeables certes. Mais en fait ils sont la preuve de divergences essentielles sur le fonds.
L’œuvre littéraire, je te l’ai dit, est pour moi ce qui compte. Votre graphie, comme l’affirmait ce pauvre Peyre, est un pur outil de grammairien, un outil très bien monté (encore que les contradictions n’y manquent pas, et qu’il soit parfois emmanché sur des étymologies douteuses et sujettes à révision) mais qui est un inutile casse-tête pour les auteurs et pour leurs lecteurs.

Plus de lettre jusqu’au 3 octobre 71, où Allier envoie un courrier plutôt froid, qui complète un récent échange téléphonique :

… concernant l’insertion d’un extrait de « L’Emperau » dans ton bulletin de la fac67 […] mon accord porte sur la version revue et corrigée de cette nouvelle, refaite même en très grande partie dans sa seconde moitié.
Je ne sais si tu possèdes ce texte, que j’avais adressé, sur leur demande, au Club du Livre occitan, avec une autre nouvelle, pour être publiée, et dont je n’ai jamais pu obtenir qu’on me renvoie le texte tapé.
Heureusement j’ai pu en reconstituer un double, que je pourrai te faire parvenir si tu ne possèdes que le texte d’Oc d’il y a… quelques années.
J’insiste à ce sujet. Cordialement.

Nous avons voulu donner ici des extraits assez importants de cette correspondance parce qu’elle nous a semblée révélatrice de la place d’Allier dans l’occitanisme d’après-guerre, dont Lafont était le pivot autour duquel tout tournait. Comme d’autres68, elle révèle aussi l’écart entre le désir d’Allier de faire œuvre, d’être lu, et les réalités de la disponibilité personnelle comme des conditions matérielles et sociolinguistiques de l’édition occitane.

Annexe 3 – Références bibliographiques d’autres publications de et sur Max Allier – 1945-1960.

1945

Oc, 168 (4ème trimestre 1945), p. 10 : poème « Ombra que vira »

1946

Ase negre n° 1, agost de 1946. Article de Max Allier : « A nostre causit »

1946-47-48

Oc, 169 (46-47-48), p. 67, 68, 69 « La Grana » (setembre 1946), « Lo Cocarro », junh 1946 (p. 37), « …Sonque l’estiu », mai 1946 (p. 51)

1947

Ase negre n° 8, abrilh de 1947. Article de Max Allier : « La roda vira »

Ase negre n° 9, mai de 1947. Recension par Ramon Vincens d’un recueil de poésie française de Max Allier : Visages69

Ase negre n° 11, julhet-agost de 1947. Article de Max Allier : « Lenga d’òc Lenga dau pòble »

Ase negre n° 12, setembre-Octobre de 1947. Article de Max Allier : « Lenga d’òc Lenga dau pòble » (seguida)

1948

Occitania n° 2, fev. Març 48. Poème de Lafont : « Enfant perdut » : A Max Allier

1949

Oc, [173] (07-49), p. 12-26 : prose « Lo coguu estivenc »

Oc, [174] (oct. 49), p. 5-6 : poème « Aicí sèm » (p. 65) – figure dins A la raja dau temps

1950

Oc, [176] (04-50), p. 32-38 : « L’istòria de Joan l’an pres e la necessitat d’un trabalh de cotria » 

Oc, [177] (07-50), p. 34-35 « L’istòria de Joan-l’an-pres » (2) : lecture de l’œuvre par Barral

1951

Oc, 180 (04-51), p. 21-22 « Lo Mòtle » ; dans « A la raja… » : « Ma cara », Per Ismaël Girard

Oc, 181 (07-51), p. 45 : recension, par Castan du n° 360-361 de Les Lettres françaises, dans le cadre de la Bataille du Livre de Vaucluse, de deux articles, dont l’un de M. Allier (« Les vrais chemins d’Oc mènent à la France ») (l’autre étant de Lafont : « Peintres, poètes, paradoxes »

1952

Oc, 183 (01-52), p. 28-35 : « Discussion. Responsa de Max Allier »70

Oc, 184 (04-52), p. 29-31 : « La batalha dau libre de Pireneus-Orientals » (Allier)

Oc, 187 (01-52), p. 35-37 : recension de A la raja dau temps par Campros, p. 35-36

1953

Oc, 190 (09-53), p. 21-22, poème « Lo temps s’escota »

1954

Oc, 191 (01-54), p. 13-21, prose : « L’Emperau »

Oc, 192-193 (04-07-54), p. 13-21, prose : « L’Emperau » (2)

Oc, 194 (10-54), p. 13-21, prose : « L’Emperau » (3)

1956

Oc, 196 (prima 56), p. 94-96, recension : Les Prouesses extraordinaires du grand Zapata, Marcel Allemann, Gallimard 195571

Oc, 200 (04-05-06-56), p. 96, poème : « Consents »

1957

Oc, 204 (04-05-06-57), p. 79, poème : « L’òme que ven »

Oc, 205 (07-08-09-57), p. 156, Chronique « Los periodics » de Pèire Lagarda : « lo N° 673 [Les Lettres françaises] publica una presentacion de Montpelhièr, plena de tendresa, per Max Allier, ʺLe Peyrou de Montpellierʺ »

1958

Oc, 208 (06-58), p. 92-93 : « Opinions » : « lo problèma de la revirada francesa » (Trach dau rapòrt de Max Allièr, director de Pròsa, au Conselh d’Administracion de l’IEO, Tolosa, Genièr de 1958)

Oc, 209 (07-09-58) :

p. 140 – Responsa d’Enric Pinhet a l’opinion d’Allier

p. 120 – Revirat de l’antic, Catul – 76 e Properci –I,19

1959

Oc, 211 (01-03/ 59) : recension de Nelli, Le Languedoc, le Comté de Foix et le Roussillon, NRF, 1958

1960

Oc, 216 (Mai-juin 1960) poème « Amb una polsa d’astres »

Annexe 4 - Quelques textes de Max Allier.

NB. Nous avons reproduit les éditions originales des textes en respectant la graphie de l’auteur, y compris dans ses divergences avec la norme alibertine, son évolution ou ses coquilles. L’état des textes ainsi révélé témoigne à la fois des difficultés matérielles (absence de certains caractères d’imprimerie (ò, í…, par exemple) et humaines de l’édition occitane d’après-guerre : L’Ase negre, par exemple, paraissant tous les deux mois, on peut penser que les forces manquaient pour une relecture soigneuse des épreuves.

Par ailleurs, il y a les choix personnels d’Allier, qui constituent un de ses sujets d’échange avec Robert Lafont dans la correspondance que nous analysons ici en annexe 2.

« A nostre causit !... », Ase negre n° 1, agost de 1946. p. 2

D’unis disoun que nostra lenga d’Oc es a cap de camin, que los manits a cada jorn li viron mai l’esquina, qu’es condamnada a s’avalir dau tot… Volon nos persuadir que ne vai de nostra lenga coma ne vai de nautres : un cop vengut om s’engrepesis e totes los metges nos empachan pas de morir.

Aquel fatalisme es messorguier coma son totes. La lenga d’Oc es pas son astre de crebar. En ela porta pas sa maganha. Se s’endevén un jorn que s’avalisca, aquò, solide, serà de per la volontat dels omes.

Abasta per o compréner de s’anar passejar dins quauques endrechs dau campestre, d’agachar e d’ausir…

Totis amai lo Consol i parlan sempre en Oc. A la Comuna coma a las bochas, coma a la beguda, galejan, pachejan, tablan, charran en Oc. Consi vai que sos manits emplegan pas mai la lenga ? Per ço que a l’escola lo mèstre los aliçona en francés ?...

Non ! Aquò vai que lo fotrau de guerra que fan a nostra lenga a pas jamai calat que i a pas jamai agut cap de trega, qu’en mau despiech de las semblanças, qu’en mau despiech dels felibres amai de Mistral, l’occitan demora « lo patoes », la parladura dau poble e que los que lo parlan n’an vergonha coma d’una deca e que volon pas que sos enfants patisson [sic] mai d’aquela deca !

Uei coma ièr, coma cent ans a, los paires pican los pichots entre que parlan patoes. « Te ! Fas vergonha ! Parlas coma un pelharot o coma un carraco » li venon e zo ! te li mandan un mostàs…

E aquo es l’emperi. Poiretz persuadir un mestre d’escola, un professor, un forestier amai, de la beutat de nostra lenga… De badas assajaretz amb un pagés d’aici. A totas las rasons amai sa lenga li agradesse vos respondrà « Benlèu la trobatz ben polida mas vautres la parlatz pas ! »…

E solide a rason. Lo pagés saup qu’es sol ara o quasi a emplegar lo patoes coma una lenga naturala. Tot aquò qu’es un pauquet amonedat, totes los que volon jogar als cataus renòncian sa lenga. Volan [sic] que sos manits parlan [sic] coma « tot lo monde » e los badan quand parlan patoes.

Mas quau pot li cercar rena ? Quau de nautres li agradarià qu’au primier mot que ditz las gents rebecan « Tu sies un pagés, un metge o un pelharot ? » Las gents, sian o non dau poble, volon esser d’omes d’en primier, son mestieraus, obriers o poetas d’en seguida…

M’es vejaire qu’avem pas lo causit per nos tirar de l’embolh. Tota la propaganda que fasem serà de badas tant de temps coma lo poble non poirà la legir. Poesia, letradura, revista, solide aquò es de brave besonha per manténer a l’occitan son reng de lenga literara, per l’empachar d’èsser pas qu’un patoes per ajudar l’espelison d’una « elita » necessara. Als uolhs de nostres pageses demora un joc un pauquet nesci de letruts, d’endarreirats, de borgeses, que lo poble s’o pensa, volon a tota fin lo colhonar !... « Es per la mostra aquo ço dison. Ambe nos aquelas gents occitanizan, mas a son ostal parlan francés. »

Aquel jutjament es pas d’un talos. Lo poble a mai de sen qu’o pensan nostres felibres. Quantis d’aqueles e quantis de nautres emplegan l’occitan cada jorn de sa vida ? Quantis de nautris sabon lo parlar correntament ? Quantis de nautres, de verai, an pas un pauquet vergonha, a la beguda, au teatre, sus lo tranvai, de charrar a nauta votz en Oc ? Quantis de nautres o fan ?

Un cop qu’avèm fach paréisser un article, un poema, dins una revista nostra, cresem d’avedre complit la jornada a l’emperau per lo sauvament de la lenga !...

E be ! O cau dire ! Nostra lenga viurà que se volem que visca ! Un cop que lo poble veirà que mai que mai de monde « coma se deu » tornan, per ciutat e per camps, a emplegar publicament la lenga, d’aquesta ora enfin calarà, de tot segur, d’en tirar vergonha !

A passat tems es lo poble sol qu’a sauvat l’occitan, que li es demorat fisel. Ara son sauvament es tot entre las nostras mans. Se n’avem l’afecion e la volontat, se sabem pagar d’exemple, aquel poble lo sauvarà tornar. Senon, e per tostems, li virarà l’esquina…

Es a nostre causit.

« La roda vira », Ase negre n° 8, abrilh de 1947, p. 1

Om pot arpatejar, om pot amanhagar una fantauma vesiada, la roda vira e l’istoria pecaire, tira camin. Es dins las annadas que vivem, aperaqui la generacion que leva, que nostra lenga joga son esper darrier !

Son jamai estadas tant vertadieiras las paraulas de La Copa : E se tomban los felibres tombarà nostra nacion… I a pas qu’a bigar los felibres per l’Institut d’Estudis Occitans e semblarà que la cancôn es facha per nautres. Dins l’IEO e dins sos omes cabis l’aparament darrièr de la nacionalitat e de la cultura occitanas.

Soi mausegur que totes nostres amics ajan la sentida coma ieu d’aquel pessuc de temps que nos sobra e que nos raja entre los dets, que totes coma ieu ajan la conoguda dau pretz d’aquela vida que s’en vai…

O sabe pro ! Los felibres nos an desvariats. Se son enchichorlats ambe de charradissas… De tant barjar de « respelida », de tant badar lo jorn dins lo ceu de Malhana an agut de farfantelas !... An cresegut que lo jorn venià !... An cresegut qu’avian l’eternitat per eles e qu’aran mestres, los calucs, d’estrassar tot son temps…

Saique sem liont d’aquel desvari nos autres qu’avem l’ur d’acampar un escach d’ômes de sen, un Cassou coma Président, un decàn de la Facultat coma Borciez, dels Girard, Camprox, Roqueta, Nelli e passa, de segur es pas lo cap que vai nos rodar. Cau nos forviar pasmens d’una autra desaviadura. Cau pas creire que la qualitat suplis la quantitat e qu’avem pas besonh de nos entrigar dau demai, mas que venga a nos la flor d’Occitania.

Sabetz, amics, de qu’aquô me retrais ?... Lo vielh embolh de la prova ontologica ! Totas las qualitats podon ésser acampadas, totas las volontats s’endevenir per que visca la lenga d’Oc, tot aquô serà de badas se la vida li fai sofracha, se lo poble s’enchauta pas pus s’a tancat a malas fins de l’emplegar dins la vida vidanta se lo darrier talôs que la parlava encara se quita un cop morir !...

Om poirrà ben aqueste jorn faire la beba a la vertat, repotegar que d’unis e dels milhors, escullan sempre en Oc de libres causits, de tesis de filosofia, d’etnografia o de folclore.

Botatz ! La lenga d’Oc serà morta, tant morta coma o son lo grec o lo latin. De que voletz aladonc que faguesse au monde que d’unis s’aclatan mai sus de vielhs cartabels, que cossejan de trabalhs scientifics sus los segles abenats, qu’un rodol d’afogats s’entancha a revenir aquela paura morta ?... De tot aquô la vida se sera avalida e nos, primiers, s’en revirarem coma om se revira totjorn d’un cros.

Non ! Sem pas nos que mantenem la lenga d’Oc en vida ! Aquô sol que podem i bailar son de rasons de viure, son d’estiganças per se manténer, es la volontat majora de non se quitar morir. Mas, mos amics, aquelas rasons, aquelas estiganças, aquela volontat es au poble d’Oc que la devem donar. Es a aquelas chormas de pageses, de mesteiraus e de pescaires que son los darriers aparaires de la lenga d’Oc, que son lo sang de son cors e que justifican nostra acciôn.

E per tot dire, crese pas d’aquesta ora qu’ajéssem trapat lo camin de son cor. Lo poble occitan qu’encara parla nostra lenga la parla sens amor e s’afeciona pas pus de la transmetre a sos manits. Nostras rasons lo tocan pas o venon pas a son ausida. Dau mai rajan los jorns, dau mai son estequidas las chormas que parlan occitan, dau mai son embarradas dins lo païs naut liont dels carraus e liont de las ciutats. La vida a belis paucs s’esbeu e s’avalis coma quand ven l’estiu om vei las aigas mortas s’estequir e s’esveure en palus…

Es uoi que cau se faire entendre e se faire escotar. Se lo rescontre o vou, emai se nosautres o volem, avem encara uoi lo poder d’esclapar aquel ceucle de mort qu’estequis de contunha l’emperi de la lenga parlada e leu qu’acabaria per l’escanar. Deman l’aurem pas pus !...

Se me permete aici a quauqui meses de nostre acamp annal de bolegar aquel limpum, es que soi pas sens aver dessostat dins las paraulas d’unis amics nostres d’ideias que m’an trach en greu pensament. Se destria a l’IEO una tendéncia qu’a mon vejaire s’ela s’espandissià serià pas gaire facha per nos tirar de l’embolh.

Los felibres se son enganats sus los mejans. Aviàn legit los verses de Mistral que sabon de per cor : car cantam que per vautres o pastres e gents di mas solament s’aviseron d’afogar lo poble coma om fai d’un enfant a la muda en ié cantant de cansons per dormir…

Nautres auriàm pus leu dau mau dels monges, e per sauvar lo segle s’embarrariam dins una clastra.

Se dirià que per nos l’occitan retrais au sanscrit, mort fai un briu, que s’apren dins de libres vielhs e que degun s’avisarià pas de s’en servir a la beguda o en luoc-mai… Es tant verai aquô qu’emai dins nostres acamps la lenga d’Oc resta au lindau. Om i parla pas que francés, degun se’n estona pas e d’unis messatges nos venon coma aquô qu’om se comprendria pas !

Anatz puoi dire al monde, a los qu’en montanha o palus, a son trabalh coma a l’ostau, mantenon viva la lenga, que degon l’aparar, l’apréner a sos enfants e qu’es tant valenta coma lo francés.

Cossî voletz qu’espofigan pas a vostre nas !...

« Lenga d’òc Lenga dau pòble », Ase negre n° 11, julhet-agost de 1947, p. 3

La lenga d’Oc, avem mai d’un cop afortit que pot esser dins lo miegjorn la clau de la cultura populara. Aquô es pas una dicha per rire ! Vole per ne donar la prova prene l’exemple sol dau Bigot.

Saique conoissetz l’autor de las « Borgadieiras », aquela michanta72 grana de Nimes que fasià emmaliciar los felibres per ço que era iganaud e que « cantava a plen gosier li vielhs ers de la Republica »73 ! Mas jogue qu’avetz pas legit sas poesias francesas. Se las avetz legidas vos endevendretz amb ieu per dire que s’aurià pogut passar de las escriure…

Eara ? Anam dire que l’engeni fasià sofracha au Bigot ? que(Que ?) sa renomada se l’es acassada solament per aquò qu’escrivià en patés o per aquô que sas galejadas fasiàn cacalassar lo monde.

Aquô serià d’un talôs ! Quantis mai d’occitans, abans e despuoi, an volgut « cantar » dins lo biais satiric e burlesc e quantis mai que emai son nom nos escapa per ço que lor desfautava aquô que la lenga pot pas donar : l’engeni !

Lo Bigot, el, avià força engeni força gaubi e de biais e, se sabià faire rire, avià tanben l’estec de faire plorar74. I a pas que de se remembrar d’unis poemas de las « Borgadieiras » coma Lo bonet de mon Oncle Jaque, Lo siaume de ma grand, lo Rachalan de Nonanta Tres e mai que mai aquel pichot cap d’obra teissut d’esmoguda qu’es Mioneta75 per se persuadir de sa sensibilitat, de son gost, de la qualitat de sa poesia.

Consi vai que lo Bigot sià tant entreprés en francés ? Perque son gost tan linde aici li fai sofracha ? Aquô vai per la meteissa rason que nos fai assegurar que Mistral aurià escullat una obra pas tan valenta se l’avià escricha en francés ! Es pas que l’usatge d’aquela lenga o de l’autra poguesse faire oblidar lo defaut d’engeni, mas perque l’usatge de la lenga d’Oc buta los autors occitans a se deliurar d’aquels imatges tot fachs, d’aquels « poncius », d’aqueles luocs comuns e de las modas besuquetas d’onte lo francés escana mai que mai los autors de provinça.

Per aquô mai que lo francés per un coma per l’autre, era pas qu’un instrument manlevat, una lenga facha per un autre parlatge, o per una autra casta de la societat.

Un autre cop se voletz, parlarem per d’exemples.

« Lenga d’òc Lenga dau pòble » (seguida), Ase negre n° 12, setembre-Octobre de 1947, p. 2

La poesia es una obra de tuca. Un mot i es causit per ço que vou dire, solide, mas encara mai per ço que ditz pas, per las ressonadas que ten ; per aquel image que farà nàisser dins lo cap d’un legeire e pas de totes, d’aquel que lo poeta vol tocar, que sap coma el las endevenenças qu’aquel mot desperta, los remembres que fai espelir, lo passat literari que i es estacat. Los mots d’un poema se pesan a mai d’unas balanças que son pas las meteissas per una autra lenga.

Aquô, me diretz, cadun o sap. Oc-ben ! Mas om oblida que nostre poble occitan pensa e sentis encara en oc, e mai parle francés, d’onte ven que cuba tot a bel eime coma un ome qu’a perdut sa romana.

« Un euse » aquel arbre de nostras garrigas se ditz « une yeuse » en francés. E pasmens en poesia une yeuse es pas lo parier d’un euse. Un euse desperta en nos l’image d’un aubre rabinat que trachis sus la roca pelada, que lo pagès de Cevenas n’en mos dins l’estiu de faisses de garrigas per abarir son tropèl dins l’ivern. Mas en francés saique une yeuse es un aubre de pargue, estringat coma un farboquet que salis dau perruquier ! Amb sa consonança me fai pensar a [mots illisibles] unas legendas bretonas coma fai l’if, a un païs de nebla e de pantais… Ai ! Paure se l’emplegas per pintar nostra garriga !

Una prova de mai. Quau s’entrevaria de dire qu’un pastre e un bergier podon s’entrecanviar en poesia ? Lo pastre, aquô se sap es un pastre verai de Cevena o de Crau, es lo menaire del tropel, que se trai dins la bressa e, venga l’estiu, que mena estivar sas bèstias en montanha. Es pas un prince, es pas un catau ! Son baston es pas florit, son jargau es pas de seda. Parla la lenga rusta dau poble. Se s’entriga de las femnas, es pas per faire un viatge a Citera e s’es maridat es amb una pastressa que fai coire la [mot illisible] de las bèstias, que i alestis sa biaça, que se leva de matins e vai se jaire tard…

Mas un berger, ai, ai, ai ! en francés a tot un passat literari. Nos remembra lo grand segle, lo Rei Sorelh, lo Trianon e las donas que jogan au berger e que s’esvanirian de paur s’un morre de buou venia i bufar e i niflar contra !...

Me diretz beleu que mai nostres trobaires an fach de pastoralas. Solide ! Mas las pastressas d’aquelas obras son de pagesas per de bon. Se son polidas saique es pas un cop d’astre dins nostre terraire. S’an mai d’un cop pro de tuca per se trufar dau senhor saique las femnas dau miegjorn son totjorn estadas pro escarrabilhadas. Mas aici es pas un joc. Sabon pro de que se triga. Las diferéncias de casta son ben marcadas. An besonh de s’aparar per que se lo senhor a la boca florida, sabon que fai pas gaire cas d’elas e qu’aquô s’acaba mai d’un cop dins lo margalh d’un valat o sota una sebissa… E coma ditz lo Bigot « lo paure paire de familha garda la vaca e lo vedel »76

Aquô se capita tant vertadier que nostres poetas occitans dau segle XVI au segle XIX emai se pleguesson a la moda e escriguesson de pastoralas se gardavan ben de revirar lo francés « bergère » per lo lengadocian pastressa. Servavan lo mot francés vestit a l’occitana : BERGIERA !

Lo Bigot coma los autres en passant de sa lenga au francés podià pas esquifar una lei comuna. Emai el era tengut de quitar dins aquela muda sas sentidas popularas contra lo biais besuquet d’una borgesia endecada. I a pas de que s’estonar se dins aquela muda estrassa tot un floc de son engeni, se son legeire i retroba pas pus lo Bigot de « Las Borgadieiras ».

Agachatz aqueles dos poemas que pintran totes dos un moment parier de la jornada. Aici lo lengadocian :

Me sembla, qu’era ier e pasmens i a long temps
Mon fraire dormissià ma maire samponava,
Dins nostre paure fuoc l’olivier petejava
E defora l’aura bramava
En brandolhant li contra-vent
Ma grand, que lo Bon Dieu i aga l’anma pecaire
Ma grand dins son gros libre a’auta votz legissia
Ma sor tricotejava ambe son er somniaire
E ieu qu’aviai pas res a faire
Regardave landar li fuelhas d’olivier…77

Aquela simplessa dins l’expression, aquelas regas essencialas, aquel ostau au vespre d’una jornada son d’un grand poeta. S’enauça d’aquel tableu un fort relent d’umanitat, om i sentis tot lo pes de la vida un cop la jornada acabada, om dessosta la permanéncia dau visatge de l’ome, qu’es lo pretz d’una literatura classica…

De que demora d’aquô dins aqueles verses franceses de Bigot fachs pasmens amb la meteissa toca ?

La buche au feu flambe et pétille
Et l’on entend le vent gémir.
Venez pendant qu’on déshabille
Petite sœur pour l’endormir,
Venez enfants que je vous dise
Ce que la nuit pleure la bise
Dans le chemin blanc et désert
Ce que murmure à notre oreille
Quand autour de nous tout sommeille
En passant le vent froid d’hiver.
78

Non l’esmoguda es pas pus aqui. Las frasas son cargadas d’adjectius que las grevon. Dins lo fuoc es pus l’olivier que peteja, es la « buche » literara que pot èsser de pertot.

« Discussion : responsa de Max Allier », Òc 183, genièr de 1952, p. 29-3679

Me languissiá, o confesse, de veire bolegar dins Oc aquesta question que nòstre amic Fèlix Castan i plantejèt dins un numerò : per que qué escrivèm en Oc ?

Oc, per de qué ?

E d’en primièr m’avise que sembla pas de bòn que l’òm se’n trigue de saupre per de que l’òm escriu dins una lenga e non pas dins una autra. Es una curiositat que seriá pas devedat qu’aguèsses per un poëta, coma ne sabèm totes, que se capricia dins aquesta parladura mòrta qu’es lo latin. Mas un Francés, un Espanhòu o quauqu’un mai a bon drech sai que, de plegar las espatlas e de repotegar :

Perqué ?... Mas per amòr qu’es ma lenga, mon bèl !...

Amb aqui n’i auriá pro e seriá polidament clavat. Que per lo comun dels òmes non es pas un afaire de causida de lenga. Lor es donada entre nàisser coma sos paires e sa patria. Pòdon pas cambiar lo ròdol qu’i son nascuts, nimai pòdon pas empachar que manits aguèsson balbucejat l’anglés, l’espanhòu o l’italian, per far conóisser en quauqu’un mai sos besonhs, sas volontats, sos pessaments…

Mas i a pas degun que faguèt responsa tala. Degun s’estomaguèt pas. Nostres amics, au contrari, se quichèron los cervèls per assajar de justificar çò que per eles demòra un empèri. Car de trobar dins son brès una lenga bèla e bòna qu’es sieuna, aquò’s l’astre de totes benlèu, de tots levat de l’òme, de l’escrivèire d’oc. Per l’òme, per l’escriveire d’Oc, sa lenga procedís d’una causida, es un afaire de volontat. E i a pas de causida sens lucha, sens trantalh, e que lo francés vencisca o que siá l’occitan, sobra totjorn un pauquet de maucòr, una escarraunhada que de temps escòi.

Aquela escarraunhada, aquel maucòr, quau de nosautres es lo que ne patiguèt pas ?... E mai ieu, a belas oras, ai pas vergonha d’o confessar, me pensère que m’enganave foguère a mand d’escotar las marridas rasons de mon sèn. La lenga per l’escriveire es un esplech ; e lo mesteirau que se gropa a sa plega sempre causís lo qu’es mai a son biais. E dins las luchas per viure, qual non coneis que lo Francés es l’esplech mai afustat ? Cadun lo compren en Occitania tanben. Cabís un public de quauques milions de legèires. L’occitan non solament n’a pas gaire mas sa valor es contestada, es una arma un pauquet rovilhada e pòs crénher que vènga a plegar quand te faga mai de besonh.

Cau puòi tot dire… es una lenga de per rire. Degun s’espanta pas sai que d’ausir de monde far clantir son anglés en París. Son de forestièrs en viatge, çò dison, qu’aicí, fòra las bòlas de sa nacion, son parlar nos desvària. Amb aquò que sèm nosautres que fariàm rire amb nòstre francés s’anèssem a son ostau. Mas que de Miègjornaus se caprician de charrar en Oc per carrièiras, dins lo tren, a la beguda, ne vai d’un autre biais. D’ausida fan espelir de riseta consentas. Las gents, a son entorn, diriatz que creson que galejan e que vòlon mostrar que n’an la conoissença. Son agachats amb un aire bonàs benlèu mas aparaire, non pas coma de forestièrs mas coma de franceses d’una autra mena, coma de pageses dau… Danubi.

E vejaici la deca màger de la lenga d’Oc, sa deca e son estèc : diriatz que per fòrça monde constituís una inegalitat entrepachosa dintre de ciutadans d’un meteis païs, emai que despartis los que la parlan de la comunalesa francesa. Car de çò que las lengas, dichas nacionalas, sas bòlas s’endevènon amb las d’una nacion, l’occitan s’espandís sus un terraire sens frontièiras, es la lenga d’una comunalesa que sus las mapas a ges de nom.

Mon vejaire aladonc qu’a l’escriveire d’Oc cau pas que li demandès per que escriu en Oc mas consí vai que mèstre de doas lengas, l’occitana e la francesa, es l’occitana que causiguèt.

***

Diriái pas la vertat sai que se me volguèsse rescondre de tant aquela question es escabilhosa ! Mas o seriá pas tant se los felibres l’avián pas empobolada de tota una florida plorosa de « ma maire m’a fach », e « parladura mamada au brès », de « paraulis que ma grand me parlava » e mai de non sai quantas sornetas que nos vènon en òdi.

E d’en primier nos cau escobilhar tot aquel nacionalisme vergonhós qu’ausa pas dire son nom. La lenga, m’es vejaire, es pas un ben entre ela. Despuòi que mond es mond milantas lengas umanas se son avalidas dau tot sens qu’empachèsse aquò la ròda de l’istòria de virar, de lengas e mai de pòbles e de ciutats. Ista ben al poëta de se plànher qu’un jorn los vièlhs camins nos diràn res e que coneisserem pas pus l’ora al sorelh. Aquò sia que fai tindar de polits vèrses que son resson dins la mementa s’esperlònga. Mas degun de los qu’oblidèron l’occitan manca pas per aquò de capitar sa via nimai de legir l’ora al relòtge vesin sonque a la mòstra que carga a son ponhet !

L’occitan quant a ieu non m’i vòle estacar qu’aitant coma poirai amb el pesar sus las endevenenças. Mon amor per el es pas una afecion un pauc desesperada per un testimòni dau passat. Dins un temps que l’astre de l’umanitat es en trantalh seriá un maufaràs lo que se destorbariá de son pretzfach per sentimentalitat bufèca. Non ! Es amb los uòlhs virats cap a l’endevenidor qu’acampe aquel esplech que se rovilhava. Non es pas per gaubejar amb el un monument a la glòria de çò que s’avaliguèt, mas per tal qu’ajude a l’òme dins las contèstas de l’an que vèn !

Sabe que pòt paréisser una escomessa, e mai crudèla, de despolhar antau ma lenga de son rovilh amb de sa fatòrga, de la quitar puèi desnuda a la raja dau temps que sembla facha per s’i engrepesir. Car dins lo monde qu’i vivèm diriatz que tot, òmes, lèis, economia, politica, tot s’endevèn per la crosar de l’existéncia.

Lo mond es en vira-passa. Las nacions se languisson dins las bòlas que lor donèt l’istòria, los pòbles pantaissan de las escrafar. Dins las mans dels Govèrns la sapiéncia a botat de mejans espetacloses per bastir e per engrunar. Mas se’n podèm pas servir per nos far mai astrucs, que lo vièlh profièch velha e que pòt pas s’endevenir amb lo paure monde, amb l’òrdre nòu que poncheja. Per nos melhor enganar los cataus nos remenan qu’aquest òrdre novèl pòt pas anar de cotria amb las nacionalitats e las diversitats dels pòbles. Aqueles romputs nos cantan que l’egemonia es lo prètz que nos cau pagar per fin que la patz dau monde venga. E per que se forvièssem pas dau camin de caitivièr que nos i adralhèron, an pas trobat melhor que de penjar la mòrt sus nòstre cap, que de quilhar la mòrt de cada costat de la dralha.

E las gents desvariadas perdon l’estèla…

***

Volèm e mai podèm amb la lenga d’Oc far conóisser au monde que la conquista paga pas, que l’òme es deliure e que sol farga son astre e son malastre, que non es pas una fatalitat que faga qu’un pòble o qu’una lenga mòria, qu’es sempre l’encausa d’una volontat, d’una fòrça que los rebufa de la vida, d’una egemonia qu’un còp los vòu escanar.

Dins nòstre amor destemporat per nòstra lenga cau legir lo creire prigond d’un pòble que se pensèt totjorn qu’òm podiá viure frairalament e se comprene dins la diversitat dels creires, dels pessaments e de las lengas. Sem totjorn estats, los òmes dau Miègjorn, al crosador dels camins. Avèm sempre luchat, peltirats demèst d’idèas que se fasián cap per aparar nòstre drech de causir, per atestir lo drech de las idèas de viure en patz dins lo monde, d’i trachir e de s’i confrontar d’un autre biais qu’amb las armas e lo fuòc. E son nòstres aujòus que trobèron primièrs aquela paraula trelusenta : Resistir ! e que l’escriguèron dins los cairons de la Torre de Constança.

Saique sèm pas sols a luchar. Sèm pas sols a voler dins la vida e sa patz ufanosa veire s’espandir las idèas e las lengas florir. Mas sèm segurs, en escrivent en Oc, de nos endevenir non solament amb lo passat nòstre mas mai que mai amb la França tota, amb l’estèc de son pòble.

Occitania es un grand exemple. S’existís en nosautres emai non aguèsse d’existéncia sus pas cap de papièr, se nos ten caud l’amor de nòstra lenga emai foguèssem cabits e barrejats forra-borra dins las bòlas de la nacion francesa, s’amb aquò sèm afrairats au demai dels franceses per un sentit que res lo pòt pas rompre vai que la lèi dels cataus es messorguièra e que quicòm de mai poderós nos unís e nos baileja.

Aquel quicòm es benlèu mai que l’amor de la diversitat. Mas Occitans e Franceses avèm per lo dire una paraula de requita : la tolerància !... E se sap que dins lo passat faguèrem veire tant a Tolosa coma a París que sabiàm atanben l’aparar.

De lònga tòca acostumats au biais dels envaseires emai dels enquestaires nos faguèron sempre fastic, sempre se rebellèrem cotnra totas las cresenças que volguèron de raca-còr nos faire confessar. Que dos e dos fagan quatre s’es messòrga o vertat, es aps la peta dau tricòt que pòt o definir un còp. Las idèas, la pròva de la mòrt val pas res per conóisser que son vertadièiras e profechosas per l’òme. Es pas que dins la patz en se gasanhant lo pan de cada jorn, que lòme a totas fins las verifica !

***

M’avisi qu’anère trò lèu. Ère cochós d’escullar tot aquò que n’aviái lo còr cofle e quitère per camins d’embolhs que d’aquesta ora lo mond van revirar contra ieu.

Tot aquò es bèl, me van dire trufaires. Vòstre vejaire val çò que val, vòstras rasons son çò que son, mas rasons e vejaire, peca pasmens per un quicòm que pega : son pas que vòstres ! Lo pòble d’Oc, aquel pòble d’un païs qu’existís pas qu’en idèa, faguèt pas coma vos. El qu’aviá de causir, causiguèt la libertat de renonciar a sa lenga emai d’aprene lo francés. Es el qu’apeguèt a sa lenga aquel escais-nom de patès que la desondra coma una casseta a la coa d’un cat. Ara podètz cantar lo laus de vòstra lenga emai trobar milantas rasons de la revenir. Ne vai coma de la pròva ontologica, li fai pas sofracha que lo capitau : la vida !

Aicí plantejat lo problèma de l’existéncia de la lenga d’Oc emai d’un public occitan.

Serai franc : la lenga d’Oc es una lenga un pauquet rustica. D’aquesta ora, per dire de qu’es devèrs ela la sentida del monde occitan, me cau cercar d’ajuda amb un racònte dau païs, amb una legenda catara que tras l’espandida dels sègles encara nos atuba. Avèm dau mau los òmes dau Miègjorn d’aquel paure monde qu’un jorn, fai un bòn brieu, vegèron passar per carrièiras una femna, polida a venir baug. Aquela una, pecaire, non sabe quintes romputs l’enganèron nimai consí aquò s’endevenguèt. Mas d’aquesta ora, enclausa dins la fanga, es pessada, escampilhada en un centenat de tròsses, es barrejada a la tèrra nòstra. D’unes pasmens ne gardan lo remembre trelusent de sa cara, d’aquel ilhauç lèu damoçat, que sa beutat los trevira. Amb aquò n’es pas tant resconduda nimai mascarada que per tal astre d’unes occitans non desvistan d’aquí entre aquí demèst la polsa que l’acata un agach fugitiu, una riseta meravelhosa, una claror que los embalausís. E n’an pro d’aquelas entresenhas per la devinhar tota e per se’n faire amoroses a la perduda !

Ne vai coma aquò. Los òmes dau Miègjorn avèm perduda la conoguda d’aquò qu’es de verai lo parlar nòstre. La lenga d’Oc, gardam memòria d’un temps que foguèt rèina e que mestrejava, mas a passat d’aiga au Ròse, e d’ara enlai pensam qu’es mòrta… Sèm pas qu’un escach per entreveire dins lo patès que parlam a l’ostau, per camps, au talhièr, a la carbonièira, aquel patès un pauc ruste que de milions d’òmes encara fan clantir, la lenga d’Oc que subreviu. Lo demai sabon pas pus de que parlan, un patès, çò dison, un patès clapassièr per aquestes, nimesenc per d’unes, gavach per los de naut. Lo nom bèl de Lengadòc que demòra apegat a nòstre terraire es pas per eles qu’un rescontre voide de sentit.

L’occitan, non, es pas un patès. Es una messòrga, mas una messòrga que fai de sègles que nos ne vòlon persuadir e que talament tant nos la remenèron, que nòstre pòble a malas fins l’a creguda e qu’a renegat sa lenga. Sèm sols que la conoissem aquela messòrga, sols que sabèm qu’aqueles pateses, que de Garona fins a Niça de milions d’òmes fan clantir, son pas que de semblanças desparièiras, pas que de rebats d’una meteissa lenga. Mas, pecaire ! d’aquò nòstre pòble enclausit n’aurà la conoissença, tornarà veire que viva es sa lenga qu’aitant coma li donarem de rasons de l’aimar, qu’aitant coma sa lenga li farà de besonh. Aqueste jorn quitarà de creire qu’un patès es pas fach per escriure, que n’i a pro dau francés per aquò !

***

Lo public que deman serà nòstre se lo sabèm endevenir es un public popular e mai que mai pagés.

Aicí se cau pausar un momenet. D’unes nos venguèron, en s’avisar d’aquò, que la lenga d’Oc èra una lenga de classa, o pus lèu de man, coma disiàn arreire. E se pensavan antau que lo pòble d’Oc trobariá dins lor afortiment una rason d’aimar mai son patès e de tibar l’aurelha a sos racòntes.

Es una sorneta. I a pas cap de lenga de classa. La lenga d’Oc, pas mai que lo francés, foguèt jamai lo paraulís dels trabalhaires solets. S’es prestada als pelòts, als creba-paures de tot peu que s’acampan moneda amb la susor de l’obrièr, tant coma als carbonièrs de la Crand-Comba o de Carmaus qu’an mai d’un còp de demescòrds amb sos mèstres. Serviguèt a Pétain per escampar d’endormidoira sus lo patriotisme dels Miègjornaus tant coma als joves de Cevenas que luchavan contra el.

Amb aquò cau confessar qu’aquel vejaire cabís un pessuc de vertat. L’occitan es la lenga d’un pòble qu’un còp foguèt, vencit. E coma tal s’es plegat a la lei que s’i plegan tostemps las lengas dels vencits. A davalat lo camin long e vergonhós que davalèt fai dos mila ans lo gallés e que mena una lenga a son avaliment. El que senhorejava, los senhors lo reneguèron primièrs, foguèt puòi la borgesia nauta de las ciutats. Qu’aqueste monde bèl, es sa costuma de desgaunhar sempre los uses dels envazeires e de faire plèti als cataus que lor escampan onors emai poder. Dins son ensèm lo pòble demorèt fidèl a sa lenga concagada, d’aquí qu’aquela lenga qu’òm disiá un patès, venguesse un còp una entrepacha sus lo camin de sa liberacion.

L’occitan, es verai, es vengut un jorn la lenga dau paure monde… E vai coma aquò que lo pòble d’òc, obrièrs d’en primièr mai benlèu, lo francés foguèt sempre sentit dins lo Miègjorn coma la lenga dels amonedats, la lenga dau mond estrugat. E lo pòble que parlava patès quitèt pas de luchar per conquistar lo francés, lenga nacionala, coma luchèt per avalir totas las inegalitats que lo mancavan, per conquèrre totes los dreches que li fasián sofracha.

D’aquesta ora cadun sap lo francés. L’occitan viu encara. Mas, per la màger part, s’es retirat per camps qu’es aquí lo darrièr qu’i tenon còp las lengas vencidas e se conois qu’i pòdon resistir de temps.

Aquel estat de nòstra lenga a pas son parièr dins lo monde. Entre lo sègle dètz e nòu per lo còp primièr dins l’istòria los escriveires d’Oc se capitèron davant aqueste embolh : conquèrre un public popular o renonciar sa lenga. Car una letradura se pòt pas que floriga nimai que se mantenga se non cabís un public que la legiga, que la crompe, que faga viure sos escriveires.

Los felibres saique n’aguèron l’estida80 mas faguèron amb aquò coma faguèron pecaire amb los vinhairons de 1907 : se’n creguèron titrar amb de cançons e de cambiroladas. Despuòi Mistral nos acostumèron de clantir que cantavan que per vosautres o pastres e gents dels mases. Mas n’i a pas pro d’afortir qu’òm escriu per lo pòble per qu’aqueste vos bade ! E los felibres, sus las pesadas dau « Mèstre », tot cargant sa Mirèia jota lo braç, virèron l’esquina au pagés e l’enanèron portar a París, « amb la revirada francesa » dins l’ostau letrut de Lamartine e de Daudet.81

Los felibres an mau capitat dins son estigança de se sarrar dau pòble. Lo poèta vièlh ne saupeguèt quicòm que nos faguèt aquesta confession rimada « las pagesas entendon gaire als vèrses e las borgesas entendon de travèrs »82. Lo pòble es pas una peteta que se quita prene a las moninariás dau faròt que l’alisa. Es un ase caput que tròp de cantadissas li venon en òdi. Amb aquel temps serà tibat dòrs lo deman. De çò que los felibres li cantavan la glòria de çò de passat, el se voliá desfaire de la barda que l’entrepachava. Son ambicion èra de semblar tot lo monde, li venián presicar la beutat dels uses d’arreire, lo quichavan de cargar las vestimentas de sos paires-grands. Se podián pas endevenir.

E lo pòble, sens mai se’n trigar d’eles, virèt l’esquina als cantaires que demorèron solets.

***

Nosautres saique a l’IEO nos cau pas faire antau. Despuòi Mistral, i a pas res de cambiat e sèm totjorn d’escriveires sens public. Mas d’aquesta ora i a fòrça causas nòvas que n’avèm conoissença. E d’en primièr savèm que per tocar l’ausida dau pòble n’i a pas pro de cantar. Nos cau cabir dins nòstres libres un contengut novèl, aquel que lo pòble espèra e que li fai de besonh. Aquela empresa, per capitar, sèm mai de biais que los felibres, que lo Felibritge los escanèt. Nosautres sem pas entrepachats dins una doctrina que per ne manténer l’unitat se cau forviar de la vida. Sèm deliures. E res nos ten de prene part dins las luchas de l’ora qu’es dins aquelas luchas que nòstra lenga d’oc, tot clantissent d’aqueste costat e mai de l’autre, se tornarà fargar e provarà qu’es viva.

Ieu dins aquelas contestas m’endevene dau costat de nòtres amics los escriveires d’oïl que menan la « Batèsta dau Libre ». La rason que me buta es la que buta aqueles escriveires a virar l’esquina al public acostumat de las Letras per prene boca amb los trabalhadors de las carbonièiras o dels camps. Es una rason politica. Mas n’ai atanben lo creire prigond, los camins de la « Batèsta dau Libre » non pòdon pas que s’endevenir amb los camins d’Oc qu’en çò fasent los escriveires d’Oïl nos prestaràn d’ajuda.

Sabe que pòt paréisser aquò una escomessa ! D’unes me diràn qu’es pas lo ròtle d’un carbonièr d’en Cevenas que, quasi tot lo jorn, parla pas gaire que son patès occitan de recaptar dins sa saqueta los poèmas d’Eluard e d’aparar de sas mans negras lo tresaur de la libralha francesa. Saique benlèu ! Mas un còp que se trachèt d’aparar França demandèron a deguns s’èra de naut o de miègjorn. E los trabalhadors occitans aurián de que se’n irar s’èran tractats d’un autre biais que sos fraires d’aut. De miègjorn o de naut l’aparament de la cultura francesa aquò es l’afaire de totes.

Cau èsser bòrnhe per pas veire puòi qu’avèm tot a ganhar dins aquela batèsta. De que n’es la mesa ? Lo parier que per nosautres. An coma nautres de derrabar aqueste mau crèire que los libres, es una causa polida… mas per lo monde que son de léser ; que los trabalhadors lor es mestièr de rastilar83 que non de legir, que lo legir lo cal quitar als que son estrugs e que rebalèron d’ans sas bragas dins las escòlas ; qu’a totas fins los libres aquò es l’afaire d’aquela manicla, aquela « intelligenzia » que fai mestièr de pensar !

E n’ai pas paur que los escriveires d’Oïl nos lèvan antau de cassòla e nos rauban un public que pòt deman se virar dòrs nosautres. Que soi segur qu’aquel public s’un còp se destrasonarà serà per caminar d’en primièr sus lo camin occitan. Car, per temps encara, lo francés per lo pòble dau miègjorn demorarà una lenga apresa e serà per la letradura d’Oc que los trabalhadors donaràn tota la florida de son estèc.

« La batalha dau libre84 de Pireneus-Orientals », Òc 184 (04-52), p. 29-31

Aquò s’endevenguèt a Ribasaltas lo 18 de Novembre passat. Quauque temps puòi, dins las « Lettres françaises », Pierre Abraham saludava coma se deu aquel rescontre istoric mas, sus lo moment, dins lo palle sorelh dau jorn d’ivèrn que l’aura escobilhava, tot se faguèt tan simplament qu’auriàtz dich d’amics vièlhs que se retrobavan…

Es sus lo plan relargat e tot enfarinat de polvèra qu’esperàvem, nosautres d’Oc e de Rosselhon, los escrivèires de la Batalha dau libre. Venguèron, se toquèrem la man e sens gaire de paraulas se coneguèrem amics… Un còp qu’assetats defòra, dins l’òrt, a la meteissa taula de fusta, en torn d’un platàs de cagaraulas ne mangèrem l’alhòli, tot bevent a la gargata un vin que fai trepar, mai que d’amics semblàvem de soldats a la pausa, de companhs que menan de cotria una batalha comuna.

Me pòde pas acordar d’aquela dinnada sens que me treve un autre acamp, lo de Fònt Segunha fai gaireben cent ans… La comparason es pas aicí un jòc de l’eime. Sai que los Sèt de Font-Segunha mancavan pas d’estrambòrd. De proclamacions embriagantas n’espeliguèron de Provènça. La Cigala alandèt sas alas e se’n anèt clantir dins totas las pinedas : lo sorelh me fai cantar. Mas per tant de bruch que faguèsson, los felibres atropelèron pas degun, qu’avián pas convidat cap que visquèsse a sa taula. Bòrnhes au pòble que lucha, la qu’assetavan sus sos genolhs, la qu’afogats amanhagavan, èra aquesta Provença « en idèa », aquela Comtessa de pantais, mòrta fai sièis cents ans, que se juravan de deliurar de saber pas quinta una càrcer per li tornar l’Empèri dau Sorelh…

Erem pas sols a Ribasaltas. S’i aviá pas de Comtessa a la taula, i aviá en torn de nosautres tot lo varalh d’un pòble viu que brusissiá. D’en carrièira nos veniá lo chafaret dau mond que coma un tròn a moments udolava lo nom d’Enric Martin85. Drech, un pè sus lo banc, tot quichant la guitarra, ras de Pierre Abraham, un Catalan dins lo vent terral degrunava unas cançons de lucha. E degun podiá pas doblidar que l’aura que bufava las bandissiá detràs los Pirenèus dins lo païs qu’i faguèron morir Lorca…

E totes amb de ponhs e mai de còrs de lucha, de Naut o de Miegjorn, nos sentissiàm afrairats, dins la contèsta comuna, comptables d’un tresaur qu’èra nòstre e qu’aviàm totes ensems per dever d’aparar.

***

Aquela sentida es nòva en Lengadòc. Los occitans, nostra pèca, es de pensar sempre un pauquet que sèm de monde de la pichòta mena. La fauta n’es dels felibres. Per se conóisser occitans, nos acostumèron de nos pensar, senon còntra França, dau mens en fòra de França. E saique, se nos volèm desempachar de tot çò que nos fai franceses, se tenèm per nòstre aquò solament que pòt pareisser estrangièr a la cultura francesa, nos sobra pas que de rafatalha e nòstre tresaur es ben pichotet… Aquò es una operacion quirurgicala polida de vèire benlèu, mas que sa resulta es de segur de nos derrabar la vida…

Per tal astre, los escriveires de l’IEO començan de vèire las causas d’un autre biais. Son pas pus de felibres. An espolsat d’eles tota polsa d’un pantais medieval que los voliá persuadir de prene lo revenge de la Crosada e de mai assucar lo Simon de Montfòrt. Se ronzan pas pus còntra de molinasses de vent e davalats de « l’Empèri dels Astres » que Mistral los i volguèt un còp enclaure, coma se foguèsse amont sa patria, los occitans vivon demèst los òmes de son temps e luchan a son costat. A son costat aparan aquel ben ufanós qu’es la cultura francesa, aquel tresaur que s’i entremescla estrechament aquò que ven de Naut e de Miegjorn.

D’aquesta ora cau que quitèm d’aver vergonha de reconóisser dins França una semblança nòstra, dins lo francés tant de paraulas dau terraire, dins la cultura e l’istòria nacionalas d’idèas e de luchas qu’esperlongan e que crèisson a l’espandia [sic] dau mond d’idèas qu’avèm agudas, de luchas que çai avèm menadas. Tot aquò, que França faguèt sieune, sèm nosautres que li avèm donat. Nòstre estèc se retira pas a las bòlas estrechas de la lenga d’òc, qu’aquò seriá lo faire ben tras86. Montaigne es nòstre coma Mistral, la resisténcia dels Camisards, la França de uòi la recaliva, afogada, amb un caratge nòu, franceses sèm e lo francés es nòstre tant coma a los de París.

***

Aquel « engatjament » de la lenga d’Oc dins una batalha d’idèas que tempassa las bòlas dau terraire e que, coma totas las contèstas de l’ora, s’espandís sus l’airau dau mond vièlh e mai dau nòu, sai que benlèu ne farà liscar d’unes emai risolejar d’unes mai. Que se rigan se lor fai enveja. Aquel dimenge que vos parle, en Perpinhan despuòi de Ribasaltas, degun de la molonada qu’aviá respondut au rampèl dels escrivèires franceses, lor venguèt a l’eime de se trufar.

Entre que nòstres amics Robèrt Lafont, d’en primier, Castan e Cairol87 puòi, e d’autres mai, faguèron clantir lors poëmas bels e que lo parlar de cada jorn, lo dau talhièr e dau campèstre, afoguèt los espèrs, las òdias, las amors que son aquels dau pòble de França, la sala s’estrementiguèt e los aplaudiments petèron. E cadun s’avisèt que l’occitan es pas una parladura mòrta, un jòc bufèc per los provincials qu’an de léser, mas que patís dels patiments e que s’arriba dels espèrs de totes los que vivon e que luchan. Lo sirventès dels trobadors s’avaliguèt pas tot dins lo rebaladís de la Crosada.

Basta. La lenga d’Oc per aquò se crèi pas tant que se vòlga quilhar a la nautor de nòstra lenga nacionala. Non. Mas demòra nòstre ben, nòstra glòria d’occitans, lo signe de familha que nos fai gaug d’arborar dins la comunalesa francesa.

Un pauc coma aqueles gents, que mai aguèsson l’aiga dau Ròse a l’ostau, se’n van per lo dinnar ne traire un ferrat de son potz. Que d’aiga linda, blosa emai tan fresca coma la sieuna ne conoisson pas cap…88

1 À propos de la revue Oc, on ne dira jamais assez l’intérêt du travail de bénédictin de Georges Ricard et de ses Tables signalétiques et analytiques de la revue Oc (CIDO, 1985).

2 Je remercie l’historien Patrick Cabanel de m’avoir communiqué les éléments de cette biographie.

3 Voir sa fiche biographique sur le site « Vidas. Diccionari biografic de la renaissença d’òc. XIX-XXI sègles » : https://vidas.occitanica.eu/items/show/2056

4 Voir sa fiche biographique sur le site « Vidas. Diccionari biografic de la renaissença d’òc. XIX-XXI sègles » : https://vidas.occitanica.eu/items/show/2067

5 Je remercie Aurélien Bertrand, archiviste au CIRDOC, de m’avoir communiqué ces lettres.

6 Cf. Library of congress : https://www.loc.gov/item/sn90048416/. L’histoire de ce journal quotidien a été reconstituée en 2014, par un travail des Archives départementales du Gard « La Libération dans le Gard » : « Le Républicain du Gard tombe sous le contrôle des résistants le 24 août 1944. Aussitôt rebaptisé La Renaissance Républicaine du Gard, le journal devient à compter du 28 août le représentant officiel du CDL sous la direction de Philippe Lamour (en ligne à l’adresse : http://www.archives.gard.fr/fileadmin/mediatheque-satellite/archives/documents/04_TRANSMETTRE/Expositions/Liberation/Lib%C3%A9ration.pdf).

7 Cette anthologie bilingue contient deux poèmes d’Allier dans la section « Odeur du temps » : « Marsejada » / « Giboulée » et « Deliure » / « Liberté ».

8 La jeune poésie occitane, Lafont et Lesfargues, Le Triton bleu, Paris 1946, p. 50 ; Oc, [168], 4ème trim. 1945, p. 10.

9 Ce poème ne possède pas, quant à lui, de version française.

10 Lire : Philippe Canalès, « L’Ase Negre (1946 - 1949), primièira revista d’occitanisme politic d’après-guèrra », Lengas 75, 2014 : http://journals.openedition.org/lengas/600. NB : cet article contient cependant une confusion entre La Renaissance du Gard et La Marseillaise, où Allier ne travaillait pas encore.

11 Que nous reprenons en annexe.

12 Sans bien entendu, employer le terme, qui n’apparaîtra que bien plus tard, à travers les travaux des sociolinguistes.

13 Que nous reprenons en annexe.

14 Le titre y est traduit par « Présent », au singulier.

15 La traduction littérale serait « de la suie ».

16 Littéralement « La grande chaleur du jour », non traduit en français, où le texte est radicalement différent.

17 Remarquons encore l’écart important entre les deux versions.

18 Les deux versions – occitan et français – sont, une fois de plus, radicalement différentes.

19 Une fois de plus la version occitane et la version française diffèrent profondément. Le mot occitan « trèva » (v. 31) [fantôme] est simplement rendu en français par « présence ».

20 La version française est simplement « retentit dans le vieux palais ».

21 Selon le Tresor dóu Felibrige, de Mistral : « fringuer, sauter, frétiller de joie, […] faire l’amour, faire la cour, courtiser, cajoler ».

22 Au terme occitan « Verdejan » [verdoient] Allier a préféré « dansent » dans la version française.

23 https://www.polkamagazine.com/le-nu-provencal-de-willy-ronis/.

24 Autre écart considérable entre le texte français (« des bannis au pays de France »), qui renvoie à une tradition de poésie patriotique d’après-guerre également portée par Éluard et surtout Aragon et le texte occitan « faidits dins nòstre terraire » [proscrits dans notre territoire] qui rappelle la rhétorique albigéïste. On se reportera au Petit Dictionnaire de la littérature occitane du Moyen-Âge, de Paul Fabre, Montpellier, PULM, 2006 (https://www.pulm.fr/index.php/petit-dictionnaire-de-la-litterature-occitane-du-moyen-age.html), p. 110 : « Le faidit est un proscrit, un exilé, un banni. Le mot s’appliquera précisément à ceux qui durent leur exil à la croisade contre les Albigeois […]. Il désigne encore en occitan moderne un déshérité. C’est également le surnom porté par deux écrivains médiévaux de langue d’oc, Gaucelm Faidit et Uc Faidit.

25 Dans le cadre de la présentation de 50 écrivains occitans, sous l’égide de l’Université ouverte des Humanités, en ligne à l’adresse : http://uoh.univ-montp3.fr/1000ans/?p=276.

26 « L’auteur occitan et son double » in « L'autotraduction : une perspective sociolinguistique », Glottopol, 25, Université de Rouen, http://glottopol.univ-rouen.fr/telecharger/numero_25/gpl25_09foret.pdf.

27 Cette correspondance est conservée au CIRDOC sous la cote LAF.H.023. Nous en produisons une analyse succincte en annexe de cet article.

28 Analyse que nous reprenons en annexe de cet article.

30 Louis Salles – éditeur, Nîmes.

31 Nous n’avons pas pu identifier la personne que désigne ce nom – ou surnom. Notons que l’emploi de la forme « uòi » relève du parler montpelliérain.

32 La notation incohérente des articles définis contractés (del / dau) est dans l’original.

33 L’original contient une coquille manifeste : « des ».

34 Ainsi accordé dans le texte

35 Je remercie Jean-Baptiste Para, directeur de la revue Europe de m’avoir communiqué ce texte.

36 Nous corrigeons une erreur de l’original : *la lum.

37 Ives Roqueta, Occitans ! - n° 106, mai-junh 2002, p. 4. Les intertitres sont de la rédaction. De la rédaction aussi l’emploi des majuscules.

38 Note MJV : confusion évidente avec le recueil de René Nelli. Il s’agit de A la raja dau temps.

39 Lieu de la commune de Sète, connu par ses fêtes populaires et investi, pour cela, par le Parti communiste qui y tenait, dans les années 1970, une fête de plusieurs jours (sorte de fête de l’Humanité en Languedoc-Roussillon), qui réunissait des milliers de gens de toutes sensibilités de gauche. Les cultures occitane et catalane y étaient à l’honneur, au même titre que des artistes de renommée internationale.

40 Cette correspondance est conservée au CIRDOC sous la cote LAF.H.023.

41 Nous reproduisons les lettres dans leur graphie et leur ponctuation d’origine. L’emploi de l’italique est utilisé lorsqu’il peut faciliter la lecture. Les traductions sont de notre fait.

42 Sept articles signalés per François Pic dans sa bibliographie in Robert Lafont, le Roman de la langue, D. Julien et C. Torreilles éds., 2005, p. 255.

43 Il y aurait certainement des études à reprendre sur la place de l’occitan dans la presse d’expression française.

44 Ainsi, par exemple, dans les lettres de Boudou à Lafont, comme le montre l’édition critique qu’en a faite Michel Pedussaud sous notre direction en 2014 : Edicion critica de la correspondéncia de Joan Bodon a Robèrt Lafont (1951-1974) : http://occitanica.eu/omeka/items/show/11222.

45 Félix CASTAN, autre écrivain et militant communiste, aura la même préoccupation : d’étudiant en classes préparatoires qu’il était, il se fera ouvrier agricole pour apprendre la langue.

46 Qui paraît dans le n° 1, intitulé « A nostre causit ». Repris dans cess annexe.

47 Voir notre étude : « Mistral ou l’illusion de Robert Lafont (1954) : genèse et réception », in Los que fan viure e treslusir l’occitan, Actes du Xe congrès de l’AIEO, Béziers, 12-19 juin 2011, Carmen Alén-Garabato, C. Torreilles, MJ Verny, éds. Limoges, Lambert-Lucas, 2014. Version en ligne à l’adresse https://occitanica.eu/items/show/20896.

48 Une des lettres le date du 27 février.

49 Effectivement, nous savons depuis nos recherches sur Robert Allan (Verny, 2009, 2011, 2012) que c’est ce dernier qui obtint le Prix, qui devait consister en l’édition de son œuvre, Los cants de la tibla, dans la collection Messatges, édition réalisée seulement en 61, au prix d’un changement de titre et d’une diminution considérable du volume de l’œuvre. Ces éléments, en apparence anecdotiques, mettent l’accent sur les conditions matérielles précaires de l’édition occitane, qui touchent, entre autres, la collection Messatges. Cf. notre étude – qui sera reprise dans un numéro futur de Plumas : « Lei Cants de la tibla de Robert Allan : de l’histoire d’une édition impossible au projet de réédition » in Les manuscrits du Poème (1930-1960) – Journée d’études RedOc, actes réunis et édités par Marie-Jeanne Verny, en ligne à l’adresse http://occitanica.eu/omeka/items/show/17061.

50 Il devait s’agir d’une recension de Mistral ou l’illusion. Cependant le seul article d’Allier que nous ayons retrouvé dans la compilation numérique des numéros de la revue parus entre 1923 et 2000 (https://www.europe-revue.net/produit/dvd-europe-1923-2000/bat) figure dans le numéro d’avril 1959 consacré à Mireille de Mistral. Il est plus que probable que c’est ce numéro que Lafont préparait, dans la ligne de l’offensive occitaniste du moment pour disputer aux mouvances mistraliennes provençales la filiation de l’œuvre de Mistral. Ce numéro d’Europe contient des articles de Lafont, S.A. Peyre, Allier, Jean Deyris. Pierre Abraham, directeur de la revue, note, juste avant une « Chronologie mistralienne » : « À la lecture des articles qui précèdent, nos lecteurs auront pu constater quelles divergences subsistent, cent ans après la publication d’une grande œuvre, sur son caractère d’œuvre unique ou, au contraire, d’œuvre-mère à laquelle succèderait une nombreuse progéniture. Une revue comme la nôtre doit à son public de présenter les opinions littéraires dans leur diversité. Nous n’avons pas en ces matières à jouer le rôle de directeurs d’opinion. Remercions nos collaborateurs d’avoir accepté de défendre ici chacun leur thèse ».

51 Je remercie Philippe Martel qui m’indique : « En dehors du fait que le terme de « trotskiste » constituait une injure normale et politiquement polyvalente dans le langage stalinien, il convient de rappeler que le manifeste de Bec dont il est question était largement inspiré par François Fontan, dont l’itinéraire politique était assez compliqué : en 54 et 55 il avait eu des contacts avec le trotskisme, et aussi avec l'anarchisme, selon Laurent Abrate (1900-1968,Occitanie, des idées et des hommes, IEO, 2001, p. 496). »

52 Les Lettres Françaises, très probablement. Il faudra un jour inventorier les contributions de ce journal à la connaissance de la matière d’oc.

53 Surnom d’André Dexet, militant communiste limousin, qui écrivait en occitan dans le quotidien L’Écho du Centre et faisait des émissions occitanes très écoutées à Radio Limoges. Le fonds Robert Lafont contient certaines de ses lettres. À son propos, on pourra consulter le mémoire de master de Monique Sarrazy : LE JOURNAL DE PANAZÔ. Contexte socio-istoric e linguistic, Université Paul-Valéry, 2014, en ligne à l’adresse https://occitanica.eu/items/show/21462.

54 Les communistes français firent en divers lieux les frais de l’indignation suscitée par la répression soviétique.

55 On peut s’interroger sur la conception linguistique présentée : le parler de Montpellier qui est celui de Max Rouquette palatalise bien les « l » finaux.

56 Qui paraît en 1965, sous le titre : Solstici / Solstice, avec cinq dessins originaux de Claire Jallois, Avignon, Aubanel.

57 Député PCF de l’Hérault (1946-1951, 1956-1958).

58 Que le CIRDOC pense aussi d’avril 58.

59 À propos de ce manuel, De la langue au pays, de Pierre Lagarde et Andrée-Paule Lafont, Toulouse, Privat, coll. pédagogique de l’Institut d’Etudes Occitanes, 1951, voir notre étude « La littérature occitane dans les manuels scolaires », Lengas, 83, 2018, dossier « Manuels scolaires et langues régionales », en ligne à l’adresse https://journals.openedition.org/lengas/1416#tocto3n8.

60 Sergi Bec en particulier, comme nous l’apprend la correspondance croisée que nous avons consultée, qui avait lu le texte après Pessemesse, ou encore Robert Allan.

61 Nous avons un doute sur l’interprétation de la fin de la phrase.

62 Cf. ce document de l’INA à propos du second tour de novembre 1958 : « Le deuxième fait marquant est la défaite du Parti communiste qui, avec 10 députés (contre 150 en 1956), apparaît comme le grand perdant de la nouvelle loi électorale. » (http://fresques.ina.fr/jalons/fiche-media/InaEdu00072/le-deuxieme-tour-des-elections-legislatives-de-novembre-1958.html)

63 Nous ignorons, pour l’heure quelle était la destination de ces fragments. Une anthologie de prose ?

64 Un ami parisien dont Allier parle dans la lettre, auquel il fait lire les versions françaises de ses œuvres.

65 Un des principaux imprimeurs de Montpellier.

66 Imprimeur à Rodez, notamment des œuvres de Jean Boudou.

67 Il s’agit de la revue Obradors, créée par Lafont et hébergée par le Centre d’études occitanes – CEO – de l’Université Paul-Valéry. Un numéro spécial de cette revue avait été édité : Sègle vint : tèxtes occitans per nòstre temps, Numéro spécial de : Obradors, n°6/7, octobre 1971 - mai 1972, le texte d’Allier y figure sous le titre « Rescontre de vèspre », en pages 132-135.

68 C’est le cas, entre autres, de Lafont, qui dit dans ses lettres à Serge Bec sa souffrance de sacrifier à son désir d’écriture littéraire les obligations de « la cause ». Voir Marie-Jeanne VERNY, [« Correspondance Serge Bec - Robert Lafont, 1954-1962 », in « Serge Bec, un écrivain dans le siècle », Revue des Langues Romanes, n° 2, 2011, dossier coordonné par MJ Verny, p. 328-354.]

69 Louis Salles – éditeur, Nîmes.

70 La revue renvoie aux numéros d’oct. de 50, Gener, Abril, Julh e Octobre de 51. C’est Castan qui avait ouvert le débat sur le bilinguisme des écrivains occitans et leur choix d’écrire en occitan.

71 Ainsi présenté sur le site de Gallimard : Qu'est-ce donc que le Grand Zapata ? / À la suite de l'auteur, nous allons de mine en mine, cherchant le Grand Zapata et recueillant les traces de son passage. Cela nous vaut des descriptions poignantes des conditions de travail du mineur de fond – métier que l'auteur a pratiqué – mariées à une fantaisie poétique, à un merveilleux qui renouvelle le genre des romans consacrés à la mine. Saurons-nous, à la fin de cette quête passionnée et chaleureuse, qui est le Grand Zapata, ce nouveau héros de l'univers romanesque ? La fin, belle comme un miracle, décevra peut-être les amateurs de définitions, mais la poésie et la vie n'y perdront rien.

72 Nous n’avons pas repris une probable erreur de l’original : « mi-michanta »

73 Vers tirés du texte « Lou bounet de moun ouncle Jaque », Li Bourgadièro, douzième édition, Nîmes, Henry Michel & G. Gory, Nîmes, 1891, p. 31 ; Obro lengadouciano, Edition du centenaire de « li Bourgadieiro » par S. André Peyre, Nîmes, Louis Salles, p. 64, 1962. Allier a transcrit les vers de Bigot en graphie normalisée.

74 Allier fait là un clin d’œil à ce qui est écrit au pied de la statue de l’Abbé FABRE, place Saint Roch, a Montpellier : « Tant que sa lenga durarà / Lo paure pòble t'aimarà / Tus qu'en son jornalièr martire / As l'estèc de lo faire rire / Quand tant d'autres l'an fach plorar. » [Tant que sa langue perdurera / Le pauvre peuple t’aimera / Toi qui dans son martyre quodidien / As l’art de le faire rire / Quand d’autres l’ont fait pleurer.

75 Allier transcrit les titres en graphie normalisée et fait une erreur en transcrivant l’original « saume » en « siaume ». Par ailleurs, si le personnage est bien appelé « Miouneto » dans le texte, le titre est « Mïoun ».

76 Li bourgadièiro, « Lou maçoun » : E lou vièl paire de famiho / Gardo la vaco e lou vedèl…, éd. 18 : p. 145 ; éd. 1962, p. 129.

77 Li Bourgadièiro, « L’ome dou Bon-Dieu ». Ici transcrit per Allier en graphie normalisée. Voici le texte de l’édition Peyre, p. 61 : Me sèmblo qu’èro aièr… e pamens i’a long-tèms… / Mon fraire dourmissié, ma maire sampounava ; / Dins noste paure fiò l’oulivié petejavo, / E deforo l’auro bramavo / En brandouiant li contro-vènt… / Ma grand, – que lou Bon Dién i’ague l’amo, pechaire ! – / ma grand, dins soun gros libre a’ auto voues legissié ; / Ma sor tricoutejavo emé soun èr sounjaire, / e iéu, qu’avièi pas rèn à faire, regardave landa li fuèio d’oulivié… »

78 « Ce que dit le vent d'hiver ». Les rêves du foyer. p. 393 ed. S.A Peyre. Nous remercions Claire Torreilles du rectificatif qu’elle apporte à la présentation de Bigot qui, dit-elle, « laisse entendre que le français vient après. Non, Bigot a commencé par écrire en fançais (dans les journaux de Nîmes) et il n'a jamais cessé. Ce poème est dédié "à mes enfants" ».

79 Ces propos sont une réponse à une discussion engagée dans les numéros précédents de la revue (oct. 50, janv., avril, juil., oct. 51). Le débat a été ouvert dans la – première – page « Orientacion » par une question du rédacteur en chef de la revue, Félix CASTAN, à propos de « la question dels diccionaris e del manejament de la lenga ». Castan pose la question du public, mais aussi celle du rapport de l’écrivain occitan à ses deux langues, français et occitan.

80 Sic… Terme pour nous mystérieux, inconnu du TDF…

81 Allier avait évidemment lu les travaux de Lafont sur Mistral dont le fameux Mistral ou l’illusion, Plon 1954.

82 « A la reino Jano », Lis Isclo d'or, 1868. Dans l’édition CPM 1980, reprint de l'édition Lemerre, p.146.

83 Terme étrange…

84 Opération menée, de 1950 à 1952, par le PCF, pour faire se rencontrer les écrivains et les classes populaires. Cela prenait la forme, par exemple, de signatures sur les marchés. Lafont évoque sa participation à l’opération dans son livre Pecics de mièg sègle (Federop 1999), chapitre « Companhs de camin » [compagnons de chemin] où il traite de ses relations avec les communistes : « Poiriái apondre [...] que foguèri, amb Castan e Allièr, de la Batalha del Libre, a laquala devi lo rencontre, marcant per una vida, de Jòrdi-Pere Cerdà » [Je pourrais ajouter […] que je fus, avec Castan et Allier, de la Bataille du Livre, à laquelle je dois la rencontre, marquante pour une vie, de Jòrdi-Pere Cerdà], p. 90.

85 Sur cette affaire d’un militant contre la guerre en Indochine condamné à 5 ans de prison, l’historien René Merle renvoie à Hélène Parmelin, Matricule 2078 : L'affaire Henri Martin, Paris, Éditeurs français réunis, 1953 ; Jean-Paul Sartre, L'affaire Henri Martin, Gallimard, 1953 ; Alain Ruscio, L'affaire Henri Martin et la lutte contre la guerre d'Indochine, Le Temps des Cerises, 2005. Lire aussi, du même René Merle : « Encore autour du "complot de Toulon » (1952) » : http://merlerene.canalblog.com/archives/2014/09/23/30642727.html

86 Sic… Faut-il comprendre « trace », synonyme ici de « de peu de valeur », « insignifiant » ?

87 Antoine Cayrol, écrivain communiste catalan, Jordi-Père Cerdà de son nom de plume. Yves Rouquette le cite dans une belle construction littéraire de sa prose « Entremitan de totas tèrras » (L’ordinari del monde, p. 55). Pour en savoir mai : Actes du colloque Jordi Pere Cerdà / Actes del col.loqui Jordi Pere Cerdà, Presses universitaires de Perpignan, 2004. On trouvera dans de document en ligne des éléments précieux sur ce grand poète : http://evolution66.monsite-orange.fr/file/ded47b0f982fe377dde6f26ee10c493d.pdf.

88 Cet article est suivi d’une N.D.L.R : « Es pas besonh de dire que las opinions expremidas dins Oc per los escrivèires occitans engatja sa sola responsabilitat. » [Il n’est pas besoin de dire que les opinions exprimées dans Oc par les écrivains occitans engagent leur seule responsabilité] On pourrait se demander la nécessité de cette note après l’article d’Allier, alors que, nous ne l’avons jamais rencontrée jusqu’alors…

29 Une recension plus complète des textes et articles occitans publiés par l’auteur entre 1945 et 1960 figure en annexe de cet article.